écrit dans des pays fort méridionaux, où par conſéquent l’aurore boréale devoit être moins fréquente, plus baſſe & moins étendue que chez nous ; & comme d’ailleurs ces pays plus chauds que le nôtre, n’en étoient que plus ſujets aux météores ignées ou lumineux de toute eſpèce, il n’eſt pas étonnant que les anciens aient ſouvent confondu ceux-ci avec les phénomènes de l’aurore boréale, & d’autant plus, qu’ils leur attribuoient à tous une cauſe commune, » Page 169.
M. de Fontelle confirme merveilleuſement notre opinion ; « Ce que l’on ne connoît point eſt aſſez mal obſervé. Il faut ſavoir à-peu-près ce que l’on voit pour le bien voir. Les plus anciens auteurs, qui ne connoiſſent nullement les aurores boréales, ou les ont confondues avec des météores purement terreſtres, ou en les décrivant, les ont chargées de toutes les fauſſes merveilles que leur imagination étonnée leur fourniſſoît. On les reconnoît pourtant, on les démêle, & du moins l’ancienneté du phénomène eſt bien prouvée ; mais ou les plus anciens écrivains vivoient dans des pays trop méridionaux pour y voir ſouvent des aurores boréales ; ou quand ils en ont parlé, ils n’ont pas cru que la circonſtance de la ſaiſon fût importante à remarquer. »
L’aurore boréale, dépendant de l’électricité, ainſi que nous le prouverons bientôt, l’aurore boréale paroîtra lorſque le fluide électrique ſe trouvera accumulé dans une partie de l’atmoſphère pour ſe porter dans une autre ; effet principal qui réſulte de pluſieurs cauſes productrices & de pluſieurs circonſtances favorables ; mais ſi le défaut d’équilibre électrique entre les dernières régions de l’atmoſphère eſt peu conſidérable, s’il y a une trop grande diſtance de la terre au lieu où est formée cette rupture d’équilibre, ſi, &c., &c., alors l’aurore boréale, quoique exiſtante, n’aura pas un éclat aſſez ſenſible pour paroître ; & on verra des ceſſations accidentelles dans des temps plus ou moins grands, mais qui ne ſeront nullement périodiques. Leurs ceſſations & leurs retours ſeront comme celles des météores, dépendantes de pluſieurs cauſes contingentes ; les ouragans, les tonnerres, les tremblemens de terre, les feux volans, les pluies, les grêles, les autres météores, en un mot, ceſſent ou paroiffent, deviennent plus ou moins fréquens dans divers temps, ſelon que les cauſes accidentelles détruiſent ou modifient différemment les cauſes générales dont ils proviennent.
L’aurore boréale paroît fréquemment dans les contrées ſeptentrionales. Il eſt certain qu’on voit très-ſouvent dans les régions circonpolaires une lumière ſeptentrionale ; c’eſt un fait admis par tous les auteurs, même par ceux qui rejettent la perpétuité des aurores boréales. La Peyrère, dans ſa relation du Groënland, compoſée en 1666, à Copenhague, parle ainſi de cette lumière ſeptentrionale, d’après une chronique iſlandoiſe, écrite au commencement du quinzième ſiècle, par Snozzo Sturlœſonius, habitant de cette iſle, qui eſt regardée comme un témoignage très-ſûr. « L’été du Groënland, dit-il, eſt toujours beau, jour & nuit, ſi l’on doit appeler nuit ce crépuſcule perpétuel qui occupe en été tout l’eſpace de la nuit…… Il ſe lève au Groënland une lumière avec la nuit, lorſque la lune eſt nouvelle ou ſur le point de le devenir, qui éclaire tout le pays, comme ſi la lune étoit au plein ; & plus la nuit eſt obſcure, plus cette lumière brille : elle fait ſon cours du côté du nord, & c’eſt pourquoi elle eſt appelée lumière ſeptentrionale ; elle reſſemble à un feu volant & s’étend en l’air, comme une haute & longue paliſſade ; elle paſſe d’un lieu à un autre, & laiſſe de la fumée aux lieux qu’elle quitte. Il n’y a que ceux qui l’ont vue qui ſoient capables de ſe repréſenter la promptitude & la légèreté de ſon mouvement, elle dure toute la nuit, & s’évanouit avec le ſoleil levant…… On m’a aſſuré que cette lumière ſeptentrionale ſe voit clairement de l’Iſlande & de la Norwège, lorſque le ciel eſt ſerein & que la nuit n’eſt troublée d’aucun nuage ; elle n’éclaire pas ſeulement les peuples de ce continent arctique, elle s’étend juſqu’à nos climats ; & cette lumière eſt la même ſans doute que notre ami célèbre le très-ſavant & très-judicieux philoſophe Gaſſendi m’a dit avoir obſervé pluſieurs fois, & à laquelle il a donné le nom d’aurore boréale. » On ne peut méconnoître dans ce témoignage ſi déciſif les preuves de l’exiſtence fréquente de l’aurore boréale dans les contrées circonpolaires du nord. Cette lumière, qui fait ſon cours du côté du ſeptentrion, qui reſſemble à un feu volant qui s’étend en l’air comme une longue paliſſade qui preſſe d’un lieu dans un autre, qui eſt remarquable par la promptitude & la légèreté de ſon mouvement, &c. cette lumière, avec tous ces caractères, ne peut être autre choſe que l’aurore boréale ; & cette deſcription ne peut convenir en aucune façon à la lumière produite par le reflet des glaces du nord, ni par le crépuſcule, qui ne peuvent ſe mouvoir avec une promptitude & une légèreté qu’il n’eſt pas poſſible de ſe repréſenter ſans l’avoir vue.
Thormodus Torfeus, célèbre hiſtoriographe du roi de Dannemack, dans ſa Deſcription de l’ancien Groënland, enchérit encore ſur celle de la Peyrère. Non-ſeulement il fait mention de cette lumière ſeptentrionale, connue dans ce pays ſous le nom de nordrlos, comme d’un phénomène très-commun, mais il parle des jets de lumière qui, comparés à des tuyaux d’orgue, ou à des roseaux lumineux, paroîtroient & diſparoîtroient dans un clin-d’œil. Torfeus ajoute que Petrus Claudii ou Peder Clauſen s’eſt trompé qiiand il a cru que ce phénomène étoit particulier au Groënland, à l’Iſlande, & aux extrémités de la Norwège.