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apperçues, par rapport à leur ſituation, à leur étendue, à leur figure, ou même à leur visibilité & à leurs couleurs, ſelon que le ſpectateur ſe trouve dans la ligne ou hors de la ligne de réfraction ou de réflexion des rayons rompus ou réfléchis de la lumière qui en eſt le ſujet. Tout détail eſt ici inutile ; il ſuffit d’y faire attention en général, pour ne pas attribuer au phénomène des variétés qui ne partent que de la différence des lieux. La figure 148 repréſente la couronne de l’aurore boréale de 1726. M. de Mairan la deſſina dès le lendemain de ſon obſervation avec tous les objets qui l’entouroient en même temps : on conçoit quelle fut la magnificence de ce ſpectacle. Cette figure n’eſt autre choſe qu’une projection de l’hémiſphère ſupérieur du ciel, sur les principes dont on ſe ſert communément en géographie pour les mappemondes ou hémiſphères polaires. Elle doit être regardée de bas en haut. La bordure inégale qui eſt autour repréſente l’horiſon ſenſible du lieu ; a, b, le ſegment & le cintre obſcur ; N, S, E, O, les quatre points cardinaux ; & le point blanc qui occupe le milieu de la couronne, une étoile de la conſtellation d’andromède qui s’y montra pendant quelques momens vers les 9 heures , & qui ſervit à en déterminer la poſition. Traité phyſ. & hiſtor. de l’aurore boréale, page 139, &c. Cet ouvrage de M. de Mairan eſt plein de recherches tant hiſtoriques que phyſiques & géométriques ſur cet objet ; mais l’eſprit de ſyſtême y domine en beaucoup d’endroits.

On a nommé aurores boréales informes, celles qui ne ſe manifeſtent que par une matière fumeuſe & obſcure à ſa partie inférieure, mais blanche & claire au-deſſus, vaguement répandue par pelotons dans le ciel, & preſque toujours néanmoins avec quelque gros nuage ou brouillard plus marqué du côté du nord qu’ailleurs. Il y a encore des aurores boréales indéciſes qui conſiſtent dans une petite clarté répandue ſur le bord de tout l’horiſon, ou ſur pluſieurs des parties de ce cercle. Nous ne parlons pas ici des aurores méridionales ſur lesquelles on s’eſt ſuffisamment étendu dans un article particulier.

L’aurore boréale ne doit pas être confondue avec d’autres phénomènes qui paroiſſent avoir quelque rapport avec elle. l’anticrépuscule (voyez ce mot) en diffère beaucoup ; c’eſt un phénomène qui ne manque preſque jamais de paroître dans les jours ſereins avec le crépuſcule, & qui lui eſt oppoſé ſoit par le lieu du ciel qu’il occupe, ſoit par le renverſement de ſa partie lumineuſe, d’autant moins vive qu’elle eſt plus près de l’horiſon, & il s’en faut de beaucoup que la formation de l’aurore boréale ſoit pareille ou ſemblable à celle de l’anti-crépuſcule, car on n’y remarque point de la conſtance & de la régularité ; elle ne paroît pas habituellement pendant les jours ſereins, ſa figure n’eſt pas toujours la même.

La lumière zodiacale diffère auſſi de l’aurore boréale ; afin de ne pas répéter ici, ce qui a été dit à l’article LUMIÈRE ZODIACALE, nous renvoyons à ce mot.

L’aurore boréale diffère encore de la lumière ſeptentrionale ; de cette lumière qu’on voit clairement en Iſlande & en Norwège pendant l’été, lorſque le ciel eſt ſerein, & que la nuit n’eſt troublée d’aucun nuage ; de ce crépuſcule perpétuel qui occupe en été tout l’eſpace de la nuit dans le Groënland. M. Caſſini penſe que ce phénomène du Groënland eſt le crépuſcule mêlé de la lumière zodiacale qui eſt plus éclatante, lorſque la lune ne paroît pas. Voyez LUMIÈRE SEPTENTRIONALE.

Nous terminerons cette eſpèce de paragraphe en diſant qu’il eſt très-probable qu’il y a des aurores boréales dans les autres planètes ; non ſeulement dans celles qui ſont dans notre ſyſtême ſolaire, & circulent autour de cet aſtre, telles que mercure, vénus, mars, jupiter, ſaturne, herſchel & leurs divers ſatellites, ainſi que celui de la terre, ſavoir la lune, mais encore dans toutes les autres planètes qui font leurs révolutions périodiques autour des autres ſoleils du monde, c’eſt-à-dire autour des différentes étoiles. La raison en eſt, que la cauſe des aurores boréales qui eſt le fluide électrique, la lumière phoſphorico-électrique, ainſi que je le prouverai dans l’article ſuivant ; la raiſon en eſt que cette cauſe a vraiſemblablement lieu dans toutes les planètes comme ſur la terre, le fluide électrique étant répandu abondamment dans les hautes régions de toute atmoſphère planétaire.

De la cauſe des aurores boréales & des diverſes hypothèſes qu’on a imaginées. 1o. Le plus ancien ſentiment qu’on ait imaginé ſur la nature & l’origine de l’aurore boréale eſt celui qui la fait dépendre des vapeurs & des exhalaiſons élevées dans la moyenne région de l’air. On a long-tems expliqué la plûpart des phénomènes qui avoient lieu dans l’atmoſphère par le ſecours de cet amas de parties hétérogènes, ſubtiles & très-atténuées qui s’élevoient dans l’air. De leur mélange, diſoit-on, réſultoit une fermentation très-vive, ſuivie de corruſcations, de flammes & de détonnations. Tantôt le feu central étoit le foyer, la terre la cornue ou la cucurbite, & l’air le récipient ; tantôt la haute région tenoit lieu de réfrigérant, les nuages de récipient ; quelquefois les diverſes exhalaiſons étoient des acides & des alkalis, d’autres fois des huiles eſſentielles, &c. & toujours l’atmoſphère étoit un laboratoire de chimie où la nature employoit les agens & les inſtruments les plus actifs & les plus puiſſans. Avec des reſſources auſſi multipliées, il n’étoit pas poſſible d’être jamais en défaut ; auſſi expliquoit-on avec une merveilleuſe facilité, non-ſeulement l’aurore boréale, mais encore tous les myſtères de la nature les plus impénétrables. Ces heureux temps ſont paſſés, & on ne ſe contente plus à préſent d’un jargon encore plus abſurde qu’inintelligible. M. Frobès

d’Helmstad