Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/405

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petit inſtant, je vis un petit ſegment obſcur infiniment peu élevé ſur l’horiſon, mais enſuite il disparut, & je ne vis après le phénomène que de la manière dont il eſt repréſenté ici.

La figure 145 donne une idée exacte d’une aurore boréale qui parut à Beziers le 15 février 1781 ; les colonnes lumineuſes y sont bien marquées, les colonnes de lumière qu’on apperçoit dans cette aurore boréale ſont perpendiculaires à l’horiſon, & c’eſt en cela qu’elles diffèrent des jets de lumière qui ſont compoſés de rayons divergens & obliques, relativement à l’horiſon : les colonnes peuvent être plus ou moins longues, mais elles ont toujours beaucoup plus de largeur. L’aurore boréale de cette figure pourroit être appelée aurore boréale à colonnes lumineuses, parce qu’elles y dominent & qu’elles y ſont aſſez bien caractériſées. La figure en eſt exacte, parce que je la fis deſſiner pendant l’apparition du phénomène, ainſi que les autres qui repréſentent les aurores que j’ai obſervées.

Les aurores boréales à couronne ſont celles dont le concours des rayons lumineux ſe fait au zenith ou près du zenith ; d’où il réſulte une apparence de couronne qu’on obſerve aſſez constamment dans les grandes aurores boréales qui ſont complettes. Dans l’aurore boréale du 19 octobre 1726, la couronne parut très-marquée, fort variée & dura long-temps, au rapport de M. de Mairan qui l’obſerva. « Elle repréſentoit le plus ſouvent la lanterne d’une coupole, & la clef d’une voûte ſphérique où tous les vouſſoirs iroient aboutir. Tantôt c’étoit une ſimple ouverture circulaire, qui laiſſoit appercevoir le ciel d’un bleu pâle à travers pluſieurs flocons de nuages lumineux ou teints de diverſes couleurs, tantôt une gloire rayonnante ſemblable à celle qu’on voit dans les tableaux, & renfermant toujours vers ſon milieu le point de réunion & de repos où concouroient les vibrations de lumière & les ondulations qui s’élevoient de toutes parts ſur l’horiſon. Il s’en élevoit beaucoup plus cependant du côté du nord, que du côté du midi. Son diamètre étoit pour l’ordinaire environ quatre fois plus grand que celui du ſoleil, & ſon centre déclinoit de 7 à 8 degrés vers le midi, avec quelque léger mouvement, vrai ou apparent, qui s’y faiſoit de temps à autres ».

L’aurore boréale qui parut en 1585 avoit une couronne de ce genre. Il y avoit au milieu, dit-il, un nuage fort lumineux auquel tous ces rayons alloient ſe réunir ſous la forme d’une tente, dont les bandes beaucoup plus larges vers le pied, montroient en ſe rétréciſſant juſqu’à ſon ſommet où elles ſe terminoient comme une eſpèce de capuchon. Grég. Turon. Lib. VIII, cap. XVII, p. 390. Corneille Gemma déſigne la couronne, dans deux aurores boréales qu’il avoit obſervées en 1575 par une tente ou pavillon circulaire et par un cornet à jouer aux dés. M. Halley, dans ſa deſcription de l’aurore boréale du 17 mars 1716, fait très-expreſſément mention de la couronne que l’on y vit au zenith. On a obſervé que la couronne déclinoit plus ou moins du nord dans différentes aurores boréales, & même dans une ſeule, vue pendant quelque temps.

Cette tendance & cette poſition au zenith en général, qu’on obſerve dans les rayons qui forment la couronne de l’aurore boréale eſt un objet purement optique, une ſimple apparence qui peut réſulter d’un aſſemblage ou d’une diſtribution particulière des colonnes. Cette diſtribution exigeant une certaine régularité, la couronne doit être rare & l’eſt en effet, car ſur une centaine d’aurores boréales qu’on obſervera, on ne l’appercevra que deux ou trois fois tout au plus. Soit l’œil d’un ſpectateur placé en O, figure 146, ſur la ſurface de la terre, & ſoient pluſieurs de ces colonnes Α B, C D, E F, I K, G H, M L, &c. Au zenith ou autour du zenith Z. Si l’on mène à leurs extrémités, dit M. de Mairan, les rayons viſuels O Α, O B, O C, O D, O E, &c. il eſt clair que les colonnesles plus près du zenith, & telles que Α B, C D, étant imaginées rangées circulairement ou à peu-près, y produiront l’apparence d’un trou, d’un entonnoir renverſé, ou du ſommet d’un pavillon, ou enfin d’une couronne, ſi l’œil du ſpectateur les projette ſur la ſuperficie concave du ciel ; & cette couronne ſera plus ou moins rayonnante, ſelon la diſtribution fortuite des colonnes ambiantes Α, C, E, L, figure 147 & avec toutes les variétés dont eſt ſuſceptible un phénomène qui n’eſt formé que par une matière en mouvement, qui ſe dissipe, & à laquelle il en ſuccède continuellement de nouvelle qui ne reprend pas toujours exactement la même place ; c’eſt ainſi que M. Maraldi vit, en 1726, d’abord un globe au zenith, qui ſe changea bientôt après en un anneau.

La couronne doit encore être vue au zenith ou près de ce point, par la raiſon qu’à rareté ou denſité égale les colonnes verticales qui ſe préſentent à l’œil par le côté, & loin du zenith, doivent paroître moins denſes, & être moins viſibles que celles qui ſont vues en raccourci,& par leur bout inférieur auprès du zenith, le rayon viſuel ayant moins de chemin à faire dans la matière qui les compoſe dans le premier cas que dans le ſecond. Du reſte, on conçoit aſſez que l’arrangement des colonnes ne ſauroit être toujours & partout auſſi régulier qu’il le faudroit pour faire voir la couronne exactement au zenith, & qu’elle peut décliner plus ou moins par rapport à ce point, ſelon les circonſtances & le lieu de la trouée la plus capable d’en produire l’apparence.

La couronne n’eſt pas la ſeule apparence optique qu’on pourroit remarquer dans l’aurore boréale, il doit y en avoir une infinité d’autres & dans toutes ſes parties, ſelon le lieu d’où ces parties ſont