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AUR

Pluſieurs phyſiciens ſe ſont déclarés pour ce ſentiment ; nous n’en citerons ici qu’un. Le P. Serantoni, auguſtin, & profeſſeur à Luques, à l’occaſion de la grande aurore boréale qui parut en Italie, la nuit du 13 décembre 1767, fit une diſſertation ſur ce phénomène, dans laquelle il embraſſa cette opinion, & ſoutint que les aurores boréales étoient produites par une double  réflexion des rayons du ſoleil, l’une ſur les terres de la zone glaciale, l’autre ſur les parties ſupérieures de l’atmoſphère.

Si la réflexion des glaces du nord étoit la cauſe de l’aurore boréale, la lumière de ce phénomène ne devroit pas être plus forte ni plus vive que celle du crépuſcule ; cependant quelle différence dans l’éclat & dans l’intenſité de l’aurore boréale. Dans cette ſuppoſition, toutes les aurores boréales ſeroient de l’eſpèce de celles qu’on appelle tranquilles, on n’en verroit jamais de reſplendiſſantes, & on n’appercevroit pas de temps en temps, ces feux, ces colonnes radieuſes, ces jets de lumière, ces rayons brillans qui éprouvent des alternatives de mouvement & de repos, d’apparitions & de diſparitions ſucceſſives d’un éclat plus ou moins vif, de nuances diverſes, &c., qui ſaiſiſſent d’admiration les ſpectateurs étonnés.

Toutes les fois que le ciel ne ſeroit point couvert de nuages, nous ſerions témoins de ce beau ſpectacle ; il brilleroit à nos yeux, non-ſeulement le ſoir, mais encore le matin, lorſque le ſoleil ſeroit à-peu-près à la même diſtance de l’horiſon où il étoit la veille à ſon coucher, ce qui eſt contraire aux obſervations ; d’ailleurs, l’aurore boréale ſeroit d’autant plus éclatante pour nous que le ſoleil ſeroit plus proche du tropique du cancer, & d’autant moins brillante, que le ſoleil ſeroit plus proche du tropique du capricorne ; cependant on voit moins fréquemment de grandes & belles aurores boréales vers le ſolſtice d’été qu’aux approches du ſolſtice d’hiver.

5o. Hypothèſe de M. Hell. M. l’abbé Hell a penſé que l’aurore boréale conſiſtoit dans les rayons du ſoleil ou de la lune, réfractés par notre atmoſphère & réfléchis par des particules de glace dont ſont formés les nuages lumineux qu’on appelle aurore boréale. C’eſt, ſelon cet habile aſtronome, un météore ſemblable aux parhélies qui provient de la réflexion des rayons du ſoleil ou de la lune ſur des vapeurs congelées, ſuſpendues dans l’atmoſphère à différentes diſtances de la terre, qui ſont tranſportées par les vents comme des nuages légers.

Mais dans ce ſentiment, le ſiège de l’aurore boréale ne devroit pas être plus élevé que celui des parhélies, des paraſélènes, des halos ou couronnes, qui n’est guère qu’à une demie-lieue, ainſi qu’il réſulte des angles pris par Deſcartes & par d’autres ſavans ; les nuages d’où dépend la formation de ces météores lumineux n’étant jamais auſſi élevés que le ſommet des hautes montagnes. Cependant l’aurore boréale, qui a une parallaxe très-marquée, eſt à une diſtance de la ſurface de la terre conſidérablement plus grande, comme les obſervations & le calcul ſemblent le démontrer.

Opinion de quelques autres phyſiciens, analogue à la précédente. Pluſieurs ont imaginé que les rayons du ſoleil, deſcendu ſous l’horiſon, étant rompus ou réfractés par divers nuages ſucceſſivement, produiſoient l’aurore boréale, à-peu-près, comme pluſieurs priſmes, diſent-ils, font faire à la lumière une ſphéroïde, ou une eſpèce de cercle. M. Mako, phyſicien de Bude, & M. Helfenſziedez d’Ingolſtad ont ſoutenu ce ſentiment.

M. Hupſch a prétendu que pluſieurs eſpèces d’aurore boréale étoient produites par la réfraction & la réflexion des rayons lumineux, & qu’elles avoient ordinairement une forme arquée sous les latitudes compriſes depuis le cinquante-cinquième degré juſqu’au ſoixante-quinzième degré. Cependant les véritables aurores boréales, ſuivant ce phyſicien allemand, ſont les effets d’une matière de la nature du phoſphore qui doit ſon origine aux exhalaiſons ſulphureuſes très-fines.

M. Samuel Treiwald avoit même imaginé le moyen ſuivant de repréſenter les aurores boréales. Faites entrer, dit-il, dans une chambre obſcure un rayon ſolaire par un trou d’un diamètre d’un pois ; recevez-le ſur un priſme de cryſtal, placé horiſontalement, de manière qu’il puiſſe raſer les côtés d’un verre à pied, de forme conique : celui-ci doit avoir été précédemment-rempli d’eau-de-vie commune, & placé à environ un pied & demie du priſme. Faites en ſorte que le rayon coloré, qui eſt parallèle à la ſurface de l’eau-de-vie, & qui la touche même, ſoit reçu ſur un tableau extrêmement blanc, qui ait environ cinq pieds carrés, vous jouirez alors du ſpectacle le plus exact d’une aurore boréale ſur cette toile. Vous appercevrez les mêmes mouvemens & le même trouble que dans les rayons de lumière qui ſe remarquent dans les aurores boréales qui paroiſſent au ciel. Des rayons lumineux, lancés comme autant d’éclairs, & ſe diſſipant enſuite de mille manières dans les nuages de diverſes couleurs, frapperont auſſi vos yeux, ce qui eſt l’effet des vapeurs qui s’élèvent de l’eau-de-vie qui eſt échauffée peu-à-peu par les rayons ſolaires.

La cauſe de l’apparition & des variations de ces traits de lumière, dans ce ſimulacre du phénomène dont on parle, doit être attribuée à la chaleur plus ou moins grande du rayon ſolaire qui produit une évaporation plus ou moins foible des parties les plus ſubtiles de l’eau-de-vie, de même qu’au mouvement irrégulier des rayons que le ſoleil nous envoie. Ce ſpectacle peut durer pendant pluſieurs heures, en ſe variant à chaque minute.