Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/513

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tats, d’employer le recul d’une ou de pluſieurs pièces d’artifices maintenues dans une direction convenable, & placées ſelon l’exigence des cas. En effet, le recul continuel qu’éprouve une pièce d’artifice, quand on y a mis le feu, eſt très-propre à faire remonter, contre les efforts de l’air ou de l’eau, un corps flottant quelconque ; & on peut multiplier par-tout à volonté les forces d’une pièce d’artifice, & rendre ſon effet plus ou moins violent, plus ou moins prompt, & plus ou moins durable.

M. Bulliard fit, dès 1784, des expériences ſur ce ſujet qu’il eſt utile de rappeler ; 1o. il attacha dans une direction horiſontale, à un petit charriot, du poids de deux livres deux onces, une fuſée volante du calibre de ſix lignes ; elle l’entraîna ſur la glace à une diſtance de 32 pieds ; il répéta cette expérience avec une fuſée du même calibre & le même charriot, & quoiqu’il ſe fût arrêté pendant que la fuſée brûloit, il parcourut encore une eſpace de 36 pieds ; 2o. avec une fuſée du même calibre que les précédentes, il fit remonter ce même charriot ſur une planche de ſapin de 14 pieds de longueur, inclinée de 4 pouces, & aſſez mal rabotée : la rapidité avec laquelle il monta, parut être la même que celle avec laquelle il avoit parcouru le plan horiſontal ; 3o. ces expériences furent répétées ſur l’eau, & dans un courant rapide au milieu de la Seine, près des flancs du bateau des blanchiſſeuses de l’hôpital général, avec un eſpèce de radeau en bois léger, de 8 pieds & demi de long, ſur 15 pouces dans ſa plus grande largeur ; les côtés n’étoient formés que par un ſimple rebord de deux pouces de hauteur. On attacha, dans une direction horiſontale, à une des extrémités de cette machine, une fuſée du calibre de 8 lignes, ſur ſix pouces & demi de charge ; on mit le feu à une mèche, dont la durée devoit laiſſer au radeau le temps ſuffiſant pour être entraîné par le courant, à une diſtance de 50 pieds ou environ. À peine la pièce d’artifice prit-elle feu, qu’on vit cette machine remonter contre le fil de l’eau avec rapidité. Dans cette première expérience, la durée du feu ne fut que de trois ſecondes, & le radeau ne put monter que de 2 toiſes ou environ. La fuſée fut plus forte qu’il ne falloit, & il ne lui manqua que de la durée. La ſeconde expérience avec une fuſée du même calibre réuſſit mieux : le feu dura 4 ſecondes au moins, & le radeau parcourut un eſpace preſque double ; cette différence dépendit principalement de la manière dont la fuſée fut placée. On obſervera qu’en grand il ſeroit à propos de donner aux aéroſtats une forme naviculaire.

En foulant l’air dans des vaiſſeaux propres à condenſer l’air, tels que ceux des fontaines de compreſſion, des fuſils à vent, & autres vaiſſeaux de ce genre, mais dans des proportions convenables, on pourra faire avancer des machines aſſez conſidérables, lorſqu’en ouvrant les robinets ou levant les détentes, on permettra à l’air fortement comprimé, d’exercer ſa force élaſtique. L’expérience ſuivante que j’ai faite depuis long-temps, le prouve. En plaçant un vaiſſeau de ce genre, ainſi chargé, ſur un charriot mobile, on voit, en tirant le coup, tout l’appareil ſe mouvoir, avec une vîteſſe d’autant plus grande, que la condenſation de l’air a été plus conſidérable. La raiſon de cet effet ſe préſente facilement à tout le monde, & il eſt inutile de dire que dans les nouveaux instrumens pneumatiques que j’ai imaginés d’après cette idée & les ſuivantes, on a ſimplifié leur conſtruction, & tâché d’augmenter leur effet.

Si on doutoit de l’efficacité du moyen que je viens de propoſer, pour la confirmer, je rappellerois l’idée de M. Daniel Bernoulli, ſur un nouveau genre de navigation qu’il avoit imaginé, ſans avoir recours aux voiles ni aux rames. Ce moyen conſiſte à fixer fortement à la poupe d’un vaiſſeau un canal ouvert de deux côtés, & continuellement rempli d’eau par le moyen des pompes. L’eau en coulant du canal, agit ſur celle de la mer, & celle-ci réagiſſant avec continuité, donne au vaiſſeau une impulſion en avant. Cette idée a été miſe en exécution ſur un petit bateau, par le père Jacquier, célèbre géomètre de l’ordre des Minimes. Il ſeroit facile, pour le dire en paſſant, d’employer cet artifice dans les combats de mer, lorſque le calme règne, pour s’approcher ou s’éloigner de l’ennemi, dans le cas où les vaiſſeaux ſeroient déſemparés, ou enfin, dans toutes les circonſtances poſſibles, lorſqu’il n’y a point de vent.

Ces deux derniers moyens réunis dans le même appareil, en fourniſſent un très-efficace. On penſe bien qu’en les employant on doit avoir un magaſin d’air condenſé & de vapeurs, dont on ne laiſſeroit échapper que ſucceſſivement différentes portions de la maſſe totale, afin d’avoir un mouvement durable. Par des procédés ſimples & faciles à imaginer, on remplira le magaſin de nouveau fluide, à meſure qu’on en laiſſera échapper. Ces matières auroient un grand avantage, c’eſt que leurs poids ſeroient bien peu conſidérables. Ajoutons encore que le feu qui ſerviroit à réduire l’eau en vapeur, produiroit encore des moyens d’aſcenſion.

La poudre à canon, on l’a dit, pourroit être très-utile. J’ai imaginé certaines machines pyro-techniques, différentes des fuſées d’artifice de M. Bulliard, dont on a parlé précédemment, qui en renfermeroient. La poudre ſucceſſivement enflammée par portions ſuffiſantes, faiſant des exploſions réitérées, qu’on pourroit augmenter ſelon le beſoin, doit être regardée comme un moyen dont il eſt aiſé de tirer un grand parti. L’air environnant, qui oppoſeroit une réſiſtance conſidérable au fluide engendré par l’inflammation de la poudre, ſeroit