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d’un poids tout au moins inutile. Un ballon aéroſtatique eſt le corps flottant & ſubmergé dans un fluide ; toutes les voiles ne pourroient que lui nuire ». En un mot, les voiles, quelque bien placées qu’elles ſoient, ne peuvent être aucunement employées, parce que la machine aéroſtatique a la même vîteſſe que le vent.

Quant au vol des oiſeaux & à la marche des poiſſons, la conſtruction naturelle de ces premiers, démontrera toujours aux yeux des phyſiciens, que ce n’eſt pas chez eux que l’on doit chercher, juſqu’à un certain point, des modèles pour diriger les aéroſtats, parce que la vélocité du mouvement des aîles dans les oiſeaux eſt preſqu’inimitable, & ſeroit inapplicable aux ballons aériens, qui n’auront jamais aſſez de ſolidité pour ſupporter les efforts néceſſaires pour produire un mouvement auſſi accéléré. Quant aux poiſſons, leurs nageoires, & ſur-tout la poſition & le mouvement de leurs queues, ſemblent indiquer les moyens les plus convenables à la direction des machines aéroſtatiques. Les nageoires ſont courtes, larges, & placées un peu obliquement ; la queue, placée verticalement, fait l’office de gouvernail, & l’on voit aſſez qu’elle a ſervi de modèle dans l’art nautique à ceux des vaiſſeaux. Les nageoires ſemblent auſſi avoir été le type des rames.

Mais les poiſſons ont un avantage que l’art n’imitera pas aiſément ; c’eſt la faculté d’augmenter ou de diminuer à volonté leur peſanteur ſpécifique, par le moyen de leur veſſie aérienne qu’ils vuident pour deſcendre, & qu’ils rempliſſent pour monter. Les ballons ſuſpendus par le moyen du feu, auront, à la vérité, la facilité de monter & de deſcendre, en allumant ou en éloignant les lampes ; mais dans le ſyſtème des ſubſtances aériformes, l’aſcenſion ne ſera jamais aiſée, parce qu’on ſera toujours obligé de renouveller le gaz, lorſque, pour deſcendre, on l’aura laiſſé échapper.

En faiſant attention au peu de force néceſſaire pour mouvoir un corps, quelque lourd qu’il ſoit, lorſqu’il eſt parfaitement en équilibre, & qu’en obſervant enſuite le mouvement des aîles d’un oiſeau qui plane dans les airs & qui s’élève enſuite, il avoit paru à M. le comte de Milly qu’on pourroit monter ou deſcendre par le jeu de deux rames attachées horiſontalement, par des charnières ſur les deux côtés oppoſés d’un corps ſuſpendu & en équilibre au milieu des airs, leſquelles rames se mouvroient verticalement. Pour monter, il faudroit faire agir les rames ou les aîles artificielles ſur la colonne d’air inférieure ; & pour deſcendre l’inverſe auroit lieu. À l’égard du mouvement horiſontal, les rames ſeules ſuffiſent, & il faut les faire avec du taffetas ciré ou verniſſé.

M. Vallet a fait quelques expériences curieuſes, dans la vue de diriger les globes aéroſtatiques. Première expérience. « J’ai appendu, dit-il, à 3 pieds de terre, une civière ſoutenue par une corde de 40 pieds. J’y ai ajuſté des aîles élaſtiques ; je ſuis monté dans la civière. Mon appareil & moi nous peſions 300 livres. J’ai agité mes aîles dans le ſens ordinaire des oiſeaux ; elles m’ont fait avancer d’environ dix-huit pouces de l’aplomb ; j’ai répété pluſieurs fois avec le même ſuccès. Si le point d’appui n’eût pas été fixé, il m’auroit infailliblement ſuivi : l’on peut conclure de cette expérience, que ce mouvement pourroit accélérer la marche d’un ballon qui voyageroit dans un temps calme.

Seconde. J’ai poſé différentes aîles ſur ma civière ; je les ai miſes ſur deux pivots pour les rendre plus douces à mouvoir & cauſer moins de ſecouſſes. En agissant de l’aîle droite, je tournois rapidement à gauche ; enſuite agiſſant de l’aîle gauche, je retournois à droite avec la même rapidité. L’on peut conclure de cette ſeconde expérience, que l’on pourroit diriger un ballon de droite & de gauche, avec l’addition d’un gouvernail.

Troisième. J’ai attaché à la même corde par le milieu une forte perche, qui avoit environ 16 pieds de longueur ; à une des extrémités de la perche j’ai appendu ma civière ; à l’autre extrémité, un plateau de balance ; j’ai adapté les aîles : monté ſur ma civière, l’on a chargé le plateau de manière à me mettre en équilibre, le poids étoit d’environ 300 livres. J’ai agité les aîles les pointes en l’air, elles m’ont fait deſcendre ; j’ai agité les aîles en ſens contraire, c’eſt-à-dire, les pointes en bas, elles m’ont fait monter ; l’on a mis ſur le plateau 13 livres plus peſant que moi ; en agitant les aîles de l’un ou de l’autre ſens, je deſcendois & montois à volonté. L’on peut conclure de cette troiſième expérience qu’en ſe mettant en équilibre avec un ballon, on le fera deſcendre & monter à volonté ſans perdre l’air inflammable, ni le lest ».

De plus, j’ai disposé 4 aîles de moulin à vent, en toile, je les ai miſes en croix, ſur un axe de bois, incliné de la huitième partie du cercle. J’ai ajouté à l’axe une manivelle, également en bois, d’un pied de levier ; j’ai poſé mon appareil ſur un bateau, j’y ai fait entrer avec moi 6 personnes : nous avons dérivé. J’ai tourné la manivelle, & traverſé la rivière en 14 minutes, contre le vent, qui étoit alors à l’oueſt ; je l’ai repaſſé en 4 minutes. Le lendemain au ſoir j’ai répété mes expériences ; le temps étoit plus calme, j’ai paſſé en 8 minutes & repaſſé en 6. Le ſur-lendemain le vent étoit tourné à l’eſt ; j’ai paſſé en 3 minutes & repaſſé en 15. Je fus extrêmement contrarié par le vent : il mit malgré moi, le bateau en long de la rivière. Je tournai toujours, cependant je la remontai, mais lentement.

On a propoſé, pour diriger à volonté les aéroſ-