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une eſpèce de point d’appui ; de là le mouvement de la machine, même contre le vent, ainſi que dans les cas précédents. Perſonne ne pourra douter que les moyens dont nous venons de parler, ſéparés ou réunis, ne ſoient capables de donner une certaine impulſion aux globes qu’on ſuppoſe en équilibre dans l’air, puiſqu’il ne faut qu’une petite force pour en produire la rupture. Si on augmente cette force, l’effet ſera proportionnel, ce qui eſt inconteſtable, & ſera produit dans la direction de l’impulſion. Dans le calme, rien n’eſt moins difficile, de même que dans un vent qui ne ſoit pas fort. On ne doit pas exiger davantage de la navigation aérienne, qui eſt à ſon aurore, puiſqu’on n’eſt point encore parvenu à diriger un vaiſſeau contre un vent impétueux, depuis le temps que l’art nautique exiſte.

Les moyens propoſés paraiſſent très-propres à réſoudre le problême dans le cas le plus difficile, celui de diriger le ballon, non par une impulſion oblique en louvoyant, mais directement contre l’effort du vent. Il n’eſt pas plus difficile, toutes choſes égales, de faire mouvoir le globe dans une direction oppoſée à l’air agité, que de marcher dans cette circonſtance, ou de ramer contre un courant. Il ſuffit alors d’employer une force ſupérieure à celle du vent ou du courant, & alors on avance avec une vîteſſe égale à la différence des forces.

Je dirai ſeulement ici deux mots d’un nouveau moyen bien ſimple, dont je fis part à l’aſſemblée de l’académie de Montpellier, dans la ſéance où M. Joſeph de Montgolfier fut reçu. Il eſt conſtant qu’il règne à différentes hauteurs dans l’atmoſphère, pluſieurs courans d’air dont les directions ſont oppoſées. C’eſt une vérité qui nous a été amplement confirmée depuis la découverte des globes aéroſtatiques, par les marches & contre-marches que les globes ont tenues à diverſes élévations.

Afin de pouvoir ſe diriger facilement vers un lieu plutôt que d’un autre côté, il ſuffira de s’élever ou de s’abaiſſer dans les couches de l’atmoſphère, où régnera un vent dont la direction tende au lieu où l’on ſe propose d’aller. Alors ce ſera le vent qui fera le moteur, & ſon efficacité n’eſt nullement révoquée en doute. Si un ballon eſt dans un courant contraire à la véritable route, il ſuffira au pilote aéroſtatique, de connoître ſi c’eſt au-deſſus ou au-deſſous du ballon que ſe trouve un vent favorable. Lorſqu’il en ſera inſtruit par les moyens que nous ferons bientôt connoître, il élevera ſon globe, où il le fera deſcendre dans la couche où règne le vent favorable, & rien n’eſt plus aiſé que d’en venir à bout. On s’élevera en jetant de ſon leſt ; on s’abaiſſera en diminuant un peu la force du feu, ou en perdant un peu de ſon gaz.

Toute la difficulté conſiſte donc à connoître la direction des divers courans qui règnent dans l’atmoſphère. Voici le moyen ſimple qu’on peut employer : on fera pour cet effet pluſieurs petits ballons. Quoique dans l’origine de la découverte il fût vrai de dire que le minimum de la choſe étoit le maximum des difficultés, cependant à préſent rien n’eſt plus aiſé. Ces petits globes conſtruits, on les remplira d’air inflammable retiré de l’acide vitriolique & de la limaille de fer, ou de l’acide marin & du zinc ; & ces globes en s’élevant, ſerviront à connoître la direction des courans ſupérieurs. On remplira d’autres petits globes d’air fixe ou d’air déphlogiſtiqué, ou d’air atmoſphérique, ou d’un air mixte en proportions convenables, & ces globes étant plus peſans que l’air déplacé dans la couche où ſe trouve le grand ballon, deſcendront & indiqueront la direction des courans d’air inférieurs.

Le moyen que je propoſe ici eſt d’autant plus efficace, que les vents ou les courans d’air en ſont le grand reſſort, & que c’eſt de l’ennemi même qu’on avoit à vaincre, que je tire des armes propres à le combattre avec ſuccès ; & il eſt d’autant meilleur, qu’à une grande énergie eſt jointe la plus grande ſimplicité. On n’objectera pas ſans doute qu’il eſt rare qu’il y ait dans l’atmoſphère divers courans oppoſés à différentes hauteurs ; car toutes les obſervations faites juſqu’à préſent, prouvent qu’ils règnent ſouvent dans l’air en même-temps. Si dans des circonſtances très-rares il n’y en avoit pas, ou ſi un calme profond exiſtoit, on ſeroit réduit à attendre que des vents s’élevaſſent, comme le font les marins dans nos ports ; & certainement le temps de l’expectative ſeroit moins long pour les voyages aériens que pour la navigation ordinaire. D’ailleurs, ſi on étoit preſſé de partir dans le temps de calme, on pourroit avoir recours aux autres moyens propoſés ; mais cela n’empêche pas que celui du choix des courans d’air que nous préférons comme le plus ſimple & le plus efficace, ne ſoit d’un uſage preſque général ; ce qui montre qu’il réunit tous les avantages qu’on peut déſirer dans un objet de cette nature Si quelque projet relatif à la direction des globes aéroſtatiques peut réconcilier ſon auteur avec le grand nombre de contradicteurs qui penſent différemment, c’eſt, ſans contredit, celui où on ſe réduit à employer les forces de la nature, toujours ſi puiſſantes, lorſqu’on ſait les diriger en les faiſant ſervir à leur véritable deſtination.

J’ai penſé, dès les premiers instans de la découverte des aéroſtats, à faire mouvoir ces machines, en plaçant ſur un fourneau un œolipile, rempli en grande partie d’eau, laquelle réduite en vapeurs en ſortira avec force, frappera l’air avec impétuoſité ; mais l’air frappé, oppoſant une réſiſtance qui eſt en raiſon du quarré de la vîteſſe avec laquelle l’eau en vapeurs le frappe, réagit & re-