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AIR

des parties ; ainſi, dit-on, dans une chambre obſcure où les repréſentations des objets extérieurs ne ſont introduites que par un ſeul rayon, on voit les corpuſcules dont l’air eſt rempli, dans une fluctuation perpétuelle ; & les meilleurs thermomètres ne ſont jamais dans un repos parfait.

D’autres phyſiciens attribuent la cauſe de la fluidité de l’air, au feu qui y eſt contenu, ſans lequel toute l’atmoſphère, ſelon eux, ſe durciroit en une maſſe ſolide & impénétrable ; plus, ajoutent-ils, le degré de feu y eſt conſidérable, plus il eſt fluide, mobile & perméable ; & ſelon que les différentes poſitions du ſoleil augmentent ou diminuent ce degré de feu, l’air en reçoit toujours une température proportionnée : c’eſt, ſans doute, en grande partie, ce qui fait que ſur le ſommet des plus hautes montagnes, les ſenſations de l’ouie, de l’odorat & les autres, ſe trouvent plus foibles.

Cette fluidité conſtante de l’air lui vient donc probablement du feu ou calorique (Voyez Fluidité) ; car il eſt très-vraiſemblable que la privation abſolue du feu, ou du moins une privation beaucoup plus grande que celle qui nous eſt connue, eſt ſeule capable de congeler l’air. Mais il eſt néceſſaire de faire dépendre auſſi la congélation des fluides en général, de la configuration des parties dont l’attraction réciproque eſt toujours en raiſon du contact, puiſque tous les fluides & liquides ne ſe gélent pas à un même degré de froid, c’eſt-à-dire, au même degré de privation de feu. L’huile, l’eau, l’eſprit-de-vin & le mercure, par exemple, exigent des degrés de froid progreſſivement plus grands pour ſe geler. Il en eſt, ſans contredit de même de la ſubſtance de l’air.

Les particules de l’air ont une grande ténuité, puiſqu’elles pénètrent dans des eſpaces très-peu étendus, dans des pores d’une très-grande exiguité. Par le moyen de la machine pneumatique, on fait ſortir l’air de l’intérieur de la ſubſtance de différens corps. Voyez Porosité.

Il y a cependant des corps qui ſont imperméables pour l’air ; tel eſt, par exemple, le verre & toutes les ſubſtances analogues. Si l’air pouvoit pénétrer le verre, jamais on ne feroit le vide ſous un récipient de verre. Il en eſt de même des métaux & demi-métaux, des pierres denſes, des veſſies, &c. ; car des récipiens de ces matières peuvent être employés pour faire le vide. Il y a même des ſubſtances que l’eau pénètre, & qui ſont imperméables à l’air.

On ignore quelle eſt la figure particulière des molécules de l’air ; on ne peut pas faire même des conjectures fondées ſur cet objet. Deſcartes a prétendu que les molécules de l’air étoient rameuſes & branchues ; quelques-uns ont penſé qu’elles étoient de figure ſpirale, comme des reſſorts de fil-de-fer à boudin ; d’autres ont cru qu’elles étoient cylindriques ou ellipſoïdes, &c. pluſieurs, comme de petits tourbillons, &c. ; mais on ne peut apporter aucune preuve de ces différentes hypothèſes ſur leſquelles le vrai phyſicien ne doit point s’arrêter.

III. La peſanteur de l’air. Il eſt étonnant que la peſanteur ou gravité de l’air ait été méconnue par les anciens & pendant tant de ſiècles. On penſoit que l’air étoit eſſentiellement léger, parce qu’il s’élevoit au-deſſus des autres fluides. En vain Ariſtote objectoit-il, contre le préjugé commun, qu’une veſſie pleine d’air étoit plus peſante que lorſqu’elle étoit vuide ; on aima mieux attribuer cet excès de poids aux vapeurs & aux exhalaisons contenues dans la maſſe de l’air, qu’à l’air lui-même. L’air pur & ſec n’avoit, diſoit-on, aucune pesanteur. Un grand nombre d’effets palpables, une multitude d’expériences déciſives, frappoient tous les yeux ; mais on préféra de les attribuer à des qualités occultes plutôt qu’à la peſanteur de l’air. Si, après l’élévation du piſton dans une pompe aſpirante, on voyoit monter l’eau, on diſoit que cet effet venoit de l’horreur que la nature avoit pour le vuide.

Un fontainier du grand duc de Toſcane, ayant voulu élever l’eau par le moyen d’une pompe à une hauteur conſidérable, fut fort ſurpris de n’avoir pas réuſſi, tandis qu’il avoit eu conſtamment des ſuccès en l’élevant à des hauteurs moindres que 32 pieds. Il alla conſulter un des plus célèbres phyſiciens de ce temps, Galilée, qui étoit alors à Florence. Cet illuſtre philoſophe, embarraſſé de la queſtion, lui répondit que la nature n’avoit horreur du vuide que juſqu’à 32 pieds ; mais, peu satiſfait de cette prétendue ſolution, il ſoupçonna bientôt, après pluſieurs réflexions, que cet effet venoit d’une cauſe mécanique extérieure ; mais la mort l’empêcha de terminer ſes recherches ſur ce point. Toricelli, ſon diſciple, à qui on penſe qu’il avoit communiqué ſon idée, fut plus heureux. Il prit un tube de verre, de quatre pieds environ de longueur, fermé hermétiquement par une extrémité, & ouvert par l’autre. Il le remplit de mercure, boucha avec le doigt l’orifice ouvert, retourna le tube, & le plongea perpendiculairement dans un petit vaſe plein de mercure. Ayant enſuite ôté le doigt, il vit une partie du mercure deſcendre, & le reſte ſe ſoutenir en équilibre dans le tube, à la hauteur de 27 pouces & demi.

Cette expérience faite en 1643, fut le fruit des réflexions ; car ſi une cauſe mécanique extérieure, par exemple, la peſanteur de l’air ſoupçonnée, eſt la cauſe qui tient ſuſpendue l’eau à 32 pieds de hauteur dans les pompes aſpirantes, elle ne doit pas ſoutenir, à une ſi grande élévation, un fluide plus peſant que l’eau, tel qu’eſt le mercure : celui-ci devoit être d’autant moins élevé, qu’il eſt plus peſant que l’eau ; & ſi le mercure eſt, comme l’expérience le prouve, quatorze fois environ plus peſant que l’eau, il doit être élevé quatorze fois moins haut. Alors la même

cauſe