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AIR

nous les découvrons très-bien ; ce qui démontre d’une manière déciſive que l’air eſt tranſparent, c’eſt-à-dire, qu’il donne paſſage à la lumière, comme l’eau, le verre, &c. qui ſont des ſubſtances tranſparentes par cette raiſon. Voyez Transparence.

L’air eſt encore ſans couleur ; car l’air n’a par lui-même aucune des couleurs priſmatiques ; il n’eſt pas rouge, ni orangé, jaune, bleu, indigo, violet ; il n’eſt pas blanc, ni noir, comme il eſt aiſé de s’en convaincre, en regardant une maſſe d’air quelconque contenue dans l’eau, dans le verre ou dans toute autre ſubſtance tranſparente, on ne lui trouvera aucune des couleurs, ni aucune nuance de couleur.

À la vérité, le ciel nous paraiſſant azuré, on ſeroit tenté de croire que cet effet dépend de l’air qui a cette couleur ; mais le contraire a été prouvé au mot Azurée auquel nous renvoyons.

D’ailleurs, ſi cette couleur étoit propre à l’air, on devroit la remarquer dans des maſſes aſſez conſidérables d’air, comme ſont celles à travers deſquelles nous pouvons faire, près de la terre, des expériences ; on devroit voir tous les objets teints d’une même couleur, de la couleur de l’air : & cet effet ſeroit le même que celui qui a lieu en conſidérant un objet à travers un verre coloré, par exemple, en bleu ou jaune, il paroîtroit teint de la couleur du verre.

L’air eſt donc inviſible ; car un objet n’eſt viſible qu’autant qu’il réfléchit toutes les eſpèces de rayons de lumière, ce qui forme le blanc, ou une eſpèce particulière de rayon, ce qui donne une couleur déterminée, ou pluſieurs eſpèces, d’où réſulte une couleur mixte ; mais l’air ne produit aucune de ces réflexions. Il n’abſorbe pas non plus tous les rayons de lumière, comme le noir qui eſt indirectement viſible par les contours éclairés qui l’environnent. D’un autre côté, cet air qui n’eſt point coloré, eſt parfaitement tranſparent, puiſqu’il n’eſt aucunement opaque ; il laiſſe tellement paſſer les rayons de lumière, qu’on ne diſcerne pas ceux qui peuvent être réfléchis par ſa ſurface, à cauſe du petit nombre de ces rayons, & de la grande ténuité de ſes molécules. Au contraire, l’eau & le verre étant imparfaitement tranſparens ; & conſéquemment en partie opaques, ſont viſibles par la réflexion des rayons de lumière qui ſont renvoyés par leur ſuperficie antérieure.

Si on veut rendre l’air indirectement viſible, on eſt obligé de le faire paſſer à travers une maſſe d’eau ; on l’aperçoit alors ſous forme de bulles : il ne devient, dans ce cas, ſenſible que comme le noir l’eſt pour nous, par la figure éclairée qui le circonſcrit ; ce n’eſt, ſi on peut s’exprimer ainſi, que par l’art des contraſtes qu’on le diſtingue.

VI. L’air eſt ſans odeur ni ſaveur. L’air pur n’a aucune odeur ; ſa préſence ne fait aucune impreſſion diſcernable ſur l’organe de l’odorat ; & on ne ſauroit aſſigner quelle eſt l’eſpèce d’odeur que l’air auroit en propre. Quand même il auroit une odeur, elle deviendroit bientôt nulle par rapport à nous, par l’habitude conſtante que nous en aurions. Si quelquefois nous apercevons dans l’air des odeurs, ſoit agréables, ſoit déſagréables, c’eſt que des émanations odoriférentes des plantes, ou des exhalaiſons plus ou moins méphitiques, altèrent la pureté de l’air, & font une impreſſion ſur le ſens de l’odorat ; mais ce n’eſt pas l’air par lui-même qui produit cet effet. L’air eſt donc abſolument inodore.

L’air en lui-même n’a pas non plus de ſaveur, car il eſt impoſſible de caractériſer la prétendue ſaveur qu’on voudroit accorder à l’air ; elle ne reſſemble à aucune des eſpèces connues : d’ailleurs, l’habitude de le reſpirer empêcheroit qu’on ne pût s’en apercevoir, s’il en avoit une. L’air eſt donc en lui-même inſapide ; & ſi quelquefois l’air d’une cuiſine paroît avoir une eſpèce de goût, il faut l’attribuer aux émanations des ſubſtances étrangères qui ont été volatiliſées, & qui ſont ou diſſoutes ou ſuſpendues dans ſa maſſe.

VII. L’air eſt une ſubſtance diſtincte des exhalaiſons & des vapeurs. On ne ſauroit diſconvenir que l’air ne contienne un grand nombre de vapeurs & d’exhalaiſons de toute eſpèce ; & que ſi l’air de l’atmoſphère avoit été d’abord un fluide ſimple, il n’eût, bientôt après ſon origine, renfermé dans ſon ſein une eſpèce d’extrait, ſi on peut parler ainſi, de toutes les ſubſtances fluides ou ſolides des trois règnes de la nature. La chaleur n’auroit pas tardé à faire évaporer dans l’air les fluides qui ſont ſur la terre, leſquels auroient entraîné un grand nombre de parties ſolides ; d’autres cauſes auroient encore concouru à produire ou à augmenter cet effet. Voyez ce qui a été dit ſur cet objet, à l’article Atmosphère terrestre, ſur la nature de la conſtitution & de la formation de l’atmoſphère terreſtre, au mot Atmosphère.

Mais ces différentes parties hétérogènes, contenues dans l’air de l’atmoſphère, ne ſont pas plus l’air lui-même, que le ſel diſſous dans l’eau, ou la terre ſuſpendue dans l’eau, ſont l’eau. Car ces ſubſtances ont une nature toute différente, elles produiſent des effets divers. On peut les ſéparer de l’air ; & bien loin que, dans ce cas, l’air ait perdu ſa nature, c’eſt qu’il en eſt plus pur, & bien plus propre à produire les effets qui le caractériſent. Si on mêle à l’air des exhalaiſons & des vapeurs, il eſt alors plus ou moins vicié, & devient enſuite incapable de jouir de ſes propriétés diſtinctives.

Lorſqu’on dépouille l’air des vapeurs qui le contenoient, on retrouve auſſitôt celles-ci ſous la forme d’eau. Suppoſons, par exemple, qu’on ait