Encyclopédie méthodique/Physique/ATMOSPHÈRE

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ATMOSPHÈRE. Ce mot eſt conſacré pour déſigner cette maſſe de fluide plus ou moins ſubtil, plus ou moins élaſtique, qui enveloppe de tous côtés, le ſoleil, la lune, la terre, ou plutôt les aſtres, les planètes, & même un grand nombre de corps terreſtres ; de telle ſorte que cette maſſe de fluide environnante, à cauſe de ſon adhérence à la ſurface du corps qui l’attire, l’accompagne conſtamment & partage tous ſes mouvemens. Sans nous aſtreindre ici à l’ordre alphabétique, nous examinerons les différentes eſpèces d’atmoſphères dans l’ordre méthodique de leur rapport avec nous. Ainſi, nous commencerons plutôt par l’atmoſphère terreſtre que par celle de la lune ; enſuite nous parcourrons les différentes eſpèces d’atmoſphères des corps terreſtres, celle du ſoleil, & après celles de la lune & des autres planètes.

Atmoſphère terrestre. Par ce nom on doit entendre la maſſe de fluide élaſtique, plus ou moins tranſparent, qui environne conſtamment le globe de la terre, sans jamais l’abandonner dans aucun de ſes mouvemens diurne, ou annuel : c’eſt l’attraction que la terre exerce ſur tous corps, qui retient autour d’elle & fixe toutes les molécules dont eſt formée cette enveloppe fluide, que nous appelons l’atmoſphère terreſtre. Afin de mettre de l’ordre dans cet article, il eſt à propos d’examiner ſucceſſivement pluſieurs queſtions qui ont un rapport direct avec cet objet, & de commencer par les connoiſſances que les premiers phyſiciens ont eues, en y joignant enſuite celles que les découvertes modernes ſur les gaz nous ont procurées.

De la nature, de la conſtitution & de la formation de l’atmoſphère terreſtre. L’atmoſphère terreſtre a d’abord été regardée comme un fluide ſimple dans ſon origine & dans ſa compoſition qui, enſuite eſt devenu un mixte très-compoſé. En ſupposant que l’air fût dans le principe des choſes, un fluide ſimple enveloppant la terre, on n’a pu s’empêcher de convenir qu’il n’ait été bientôt mêlé & combiné avec un grand nombre de ſubſtances des trois règnes, & avec tous les fluides qui ſe trouvoient ſur le globe terraqué. En effet, la chaleur du ſoleil ſe communiquant à la terre, a dû produire dans tous ſes fluides une très-grande évaporation de ces ſubſtances qui, alors ont été néceſſairement mêlées avec la maſſe d’air environnant la terre ; il en a été de même de toutes les matières évaporables, contenues dans les ſubſtances animales, végétales & minérales ; les preuves ſuivantes ne permettent pas d’en douter.

Lorſque l’air nous paroît le plus pur & le plus ſec, il contient néanmoins une maſſe d’eau conſidérable. En hiver comme en été, il y a une abondante évaporation d’eau, quoique la quantité de vapeurs qui s’élèvent de l’atmoſphère, ſoit beaucoup plus grande dans la ſaison des chaleurs que dans celle des frimats, ainſi qu’il conſte par les obſervations faites avec l’atmidomètre, (Voyez ce mot & celui d’évaporation) inſtrument propre à connoître la quantité d’évaporation qui a lieu en tout temps & en tout lieu, & dont ſe ſervent habituellement ceux qui s’occupent aux obſervations météorologiques. Voyez Évaporation.

Ce qu’il y a de plus étonnant, c’eſt que la glace même, au ſein de l’hiver, eſt ſujette à l’évaporation. M. Gauteron, de l’académie des ſciences de Montpellier, ayant fait des expériences ſur ce ſujet, pendant le grand froid de 1709, obſerva, non-ſeulement que l’évaporation eſt d’autant plus grande, que le froid eſt plus conſidérable, mais encore que l’évaporation de la glace, & conſéquemment la diminution de ſon poids, ſuit la raiſon de l’intenſité du froid. Une once de la glace la plus ferme, dans une heure, diminua de ſix grains ; & depuis huit heures du matin, juſqu’à une heure après midi, elle perdit trente-ſix grains de ſon poids ; & dans vingt-quatre heures elle perdit environ le quart de ſon poids ; M. de Mairan, en 1716, obtint les mêmes réſultats de ſes expériences, le temps étant alors auſſi froid ; & une once de glace perdit en un jour plus de la cinquième partie de ſon poids.

Mais afin de pouvoir ſe former à-peu-près une idée de la quantité d’eau qui eſt en diſſolution dans la maſſe de l’atmoſphère, tâchons de découvrir celle des parties aqueuſes qui s’élèvent, pendant un jour ſeulement, dans des eſpaces connus, qu’on pourra enſuite comparer avec la ſurface entière de la terre pour en obtenir un réſultat total. Prenons, par exemple, la méditerranée ; on ne peut guère lui donner moins de quarante-cinq degrés de longitude, & dix de latitude ; ce qui fait quatre cent cinquante degrés de surface. Chaque degré étant, ſelon Muſſchenbroek, de trente mille, le degré quarré ſera de neuf cent mille : ainſi, quatre cent cinquante mille égaleront la ſurface entière de la méditerranée. D’un autre côté, la quantité moyenne de vapeurs qui s’élèvent chaque jour, étant un dixième de pouce d’eau, un eſpace de mer, de dix pouces quarrés, fournira par jour, un pouce cubique d’eau. Mais un mille quarré, contenant deux cent vingt-cinq millions de pieds quarrés, ou trente-deux milliards quatre cents millions de pouces quarrés, donnera chaque jour, par l’évaporation, trois milliards deux cents quarante millions de pouces cubiques, leſquels font un million huit cent ſoixante-quinze mille pieds cubiques d’eau. Ce dernier réſultat, multiplié par le premier quatre cent cinq mille, donnera pour produit, ſept cent cinquante-neuf milliards trois cent ſoixante-quinze millions de pieds cubiques d’eau qui s’exhaleront de la ſurface entière de la méditerranée, dans l’eſpace d’un jour ; ſomme prodigieuse. On peut faire de ſemblables calculs pour les autres mers, pour la mer morte, pour la mer qui est entre les tropiques, & on trouvera des réſultats immenses. Ceux qui ſeront curieux de voir plus de détail ſur ce ſujet, pourront consulter notre ouvrage de l’électricité des végétaux. Part. I. chap. VI.

Quelque grande que soit l’énorme quantité d’eau qui s’évapore de la ſurface des mers, les lacs, les marais, les fleuves, les rivières, &c., n’en fourniſſent pas une quantité moindre proportionnellement. Il ſuffit, pour en être convaincu, de dire que le nombre des fleuves qui ont leur embouchure dans la mer, eſt conſidérable, puiſqu’en en trouve quatre cent trente dans l’ancien monde, & cent quatre-vingt dans le nouveau, dont pluſieurs ont douze, quatorze, ſeize cents lieues & plus de longueur : le nombre des petits fleuves & des rivières eſt prodigieux, & par conſéquent fournit à l’atmoſphère une grande quantité de vapeurs par l’évaporation.

La terre même donne auſſi une étonnante quantité de vapeurs ; car il réſulte des expériences de M. Baſin, (hiſtoire de l’académie royale des ſciences,1741) que la terre, humectée tous les jours, fournit plus de vapeurs qu’un vaſe dans lequel on auroit mis une égale quantité d’eau. D’un autre côté, on ne ſauroit douter qu’en général, la ſurface du globe ne ſoit conſtamment humectée, par les pluies, les roſées, les bruines, les brouillards, les vapeurs que l’air tient en diſſolution, celles que les vents transportent, les eaux qui coulent au-deſſous de la ſuperficie de la terre, &c. &c. D’après cet expoſé, il eſt évident que la quantité d’eau qui s’élève de la ſurface de la terre, eſt énorme.

À quelle ſomme étonnante ne ſe portera-t-elle pas, ſi nous examinons les autres cauſes qui fourniſſent des vapeurs aqueuſes à la maſſe entière de l’atmoſphère ? La ſurface de la terre eſt par-tout couverte d’une infinité de végétaux divers, depuis ces tapis de mouſſes & de liquens, juſqu’à ces forêts immenſes, dont le nombre eſt ſi conſidérable. Il y plus de vingt-cinq mille eſpèces de plantes ; qui pourroit compter le nombre prodigieux d’individus de chaque famille, qui exhalent conſtamment dans l’atmoſphère des parties aqueuſes ? Le célèbre Hales a obſervé qu’une de ces plantes, qu’on nomme ſoleil, & qui n’avoit que 3 pieds & demi de hauteur, fourniſſoit, par la tranſpiration, ſeulement en douze heures de jour, une livre & quatorze onces d’eau, quantité qui, priſe ſur un pied moyen, doit être réduite à une livre quatre onces leſquelles donnent trente-quatre pouces cubiques d’eau. Un petit pommier, élevé dans un vaſe, donna neuf onces ou quinze pouces cubiques & demi ; & un citronnier trente-ſix onces ou dix pouces cubiques, & un tiers, &c. L’obſervation nous ayant appris qu’un arbre ordinaire a communément vingt mille feuilles, & que chaque feuille tranſpire dix grains par jour ; la tranſpiration totale d’un arbre, ſera donc de deux cent mille grains, ou plus de vingt-ſix livres. Ces quantités différentes de vapeurs, exhalées, multipliées par le nombre des individus de chaque eſpèce, & ajoutées aux réſultats que fourniſſent toutes les eſpèces différentes de végétaux qui peuplent toute la ſurface de la terre, préſenteront une quantité énorme d’eau, que la raiſon conçoit, mais que l’imagination la plus accoutumée au merveilleux, ne peut se figurer.

Combien d’animaux n’exiſtent pas ſur la terre ? On ſeroit fort embarraſſé de décider si la variété ne l’emporte pas ſur le nombre. Chaque animal eſt ſoumis aux loix d’une tranſpiration conſtante. Bornons-nous ici à un ſeul exemple. La tranſpiration de l’homme, évaluée ſur un pied moyen, eſt, ſelon Keill, de trente-une onces en vingt-quatre heures. D’après cette ſuppoſition, je trouve par le calcul, que la tranſpiration annuelle eſt de onze mille trois cent quinze onces, ou ſept cent ſept livres d’eau. On a même démontré par le calcul, que trois cents hommes, placés ſur la ſurface d’un arpent, exhaleroient en moins d’un mois, par la tranſpiration, une matière reſpiratoire, pour former une atmoſphère de même baſe & de ſoixante-dix pieds de hauteur. Selon les calculs de M. Templemann, ſi toute la terre étoit peuplée comme l’Angleterre, il y auroit quatre mille neuf cent ſoixante millions d’hommes ſur la ſurface du globe ; & ſi le nombre des habitans de la terre étoit proportionnel à celui de ceux qui ſont dans la Hollande, il y en auroit trente-quatre mille ſept cent vingt millions. Au lieu de trente-une onces que chaque homme tranſpire, ne prenons qu’à-peu-près la moitié de cette quantité, ſeize onces ou une livre, afin qu’on ne nous accuſe pas de porter l’évaluation trop haut ; nous trouverons que la ſomme de la tranſpiration de tous les hommes, en un ſeul jour, ne ſera pas moindre que trois cent quarante-ſept milliards deux cents millions de livres d’eau ; produit qui auroit été preſque double, ſi nous ne l’avions diminué de moitié. Si on ajoute à cette quantité celle des animaux des diverſes familles qui habitent la terre entière, on aura un réſultat au moins double, lequel, avec le précédent, ſormeroit un billion quarante-un milliards ſix cents millions de livres d’eau. Que seroit-ce, ſi à ce réſultat on ajoutoit le produit de tant de cauſes accidentelles, & de révolutions phyſiques qui arrivent ſur toute l’étendue de la ſurface du globe de la terre ? Les expériences ſont ici d’accord avec le raiſonnement ; car on voit tous les jours pluſieurs liquides & même des ſolides, augmenter notablement de poids, étant expoſés à l’air ; ce qui ne peut venir que de l’eau répandue dans l’atmoſphère, qui eſt attirée & abſorbée par ces corps. L’acide vitriolique & même tous les acides minéraux, dans des vaiſſeaux qui ne ſont point bouchés, acquièrent bientôt un poids plus conſidérable ; il en eſt de même de quelques autres liquides. L’alkali fixe végétal, bien ſec, n’attire-t-il pas puiſſamment l’humidité de l’air ? Auſſi ſon poids, au bout de quelque temps, devient-il trois fois plus grand. Tous les extraits ſecs de la plupart des matières, tirées du règne végétal, n’abſorbent-ils pas en peu de temps une certaine quantité de cette humidité qui eſt répandue dans l’atmoſphère ? La chaux-vive qui, par la calcination, a été privée de l’eau & du gaz dont elle étoit ſaturée dans l’état de pierre calcaire, cette chaux-vive ne s’éteint-elle pas à l’air, en s’emparant d’une aſſez grande quantité de l’eau que l’air tenoit en diſſolution ? Cette eau, attirée par les ſubſtances en qui on remarque la propriété de la déliqueſcence ou de la cauſticité, exiſtoit dans l’air, elle y étoit en quantité conſidérable, puiſque ces matières diverſes en attirent beaucoup, & que leur poids en eſt plus ou moins augmenté. Quelque part, par exemple, qu’on mette une livre d’alkali fixe végétal, dans un état de ſiccité, il attirera l’humidité de l’air, & bientôt cet alkali, tombé en deliquium, pèſera trois livres. Si on avoit expoſé à l’air, cent livres de ce ſel, on auroit eu deux cents livres d’eau tirées de l’atmoſphère ; & l’expérience auroit réuſſi, quelque-part qu’on l’eût placé ſur la ſurface de la terre, & même juſqu’à la hauteur des montagnes. Car M. Bouguer a prouvé, dans ſon ouvrage de la figure de la terre, que les vapeurs aqueuſes s’élevoient encore plus haut ; ce ſavant géomètre a même fixé à quatre mille quatre cents toiſes, la hauteur extrême des vapeurs, ce qui les porte à une lieue environ au-deſſus des plus hautes montagnes, & rend croyable ce que pluſieurs phyſiciens ont aſſuré, que les vapeurs répandues dans l’atmoſphère, ſont le tiers de ſa maſſe.

Indépendamment des vapeurs aqueuſes qui s’élèvent à tout inſtant de la ſurface de la terre, il y a une infinité d’exhalaiſons & d’émanations qui s’échappent des différentes ſubſtances animales, végétales & minérales, non-ſeulement combinées avec l’eau, ſoit immédiatement ſoit par le moyen de quelque intermède. Je pourrois ici faire pour ce qui regarde les exhalaiſons, un expoſé ſemblable à celui qu’on vient de lire pour les vapeurs aqueuſes ; mais il eſt facile d’y ſuppléer. Ceci ſuppoſé, on ne pourra s’empêcher de conclure que la maſſe d’air qui, par l’hypothèſe, auroit primitivement formé l’atmoſphère, n’ait dû bientôt devenir un mixte très-compoſé, d’air, de vapeurs aqueuſes, d’exhalaiſons & d’émanations animales, végétales & minérales de tous genres & de toutes eſpèces, qui ſe ſeront combinées d’une infinité de manières. Que deviennent en effet, tant de ſubſtances qui, par l’évaporation, ſe diſſipent en tout ou en partie ; tant de fluides, tant de ſolides qui diſparoiſſent de deſſus la ſurface de la terre ; toutes ces matières volatiles & odoriférantes dont il ne reſte pas enſuite de traces ; toutes ces ſubſtances que le feu conſume & élève en fumée, depuis la plus petite combuſtion juſqu’à celle de ces nombreux volcans qui couvrent la ſurface de la terre ? Ne ſe mêlent-elles pas inconteſtablement avec la maſſe de l’atmoſphère ? Ce ſont ſans doute ces conſidérations qui ont déterminé un auteur moderne, à regarder l’atmoſphère comme un grand vaiſſeau chimique, dans lequel la matière de toutes les eſpèces de corps ſublunaires flotte en grande quantité. Ce vaiſſeau eſt, dit-il, comme un grand fourneau continuellement expoſé à l’action du ſoleil ; d’où il réſulte une quantité innombrable d’opérations, de ſublimations, de ſéparations, de compoſitions, de digeſtions, de fermentations, de putréfactions, &c.

Les nouvelles connoiſſances que la ſcience des gaz a procurées, nous prouvent que les mélanges qui s’opèrent dans l’air de l’atmoſphère, ſont encore plus compliqués ; car un grand nombre de gaz divers ſe forment & s’élèvent dans l’atmoſphère ; il y a du gaz inflammable, (ou gaz hydrogène) du gaz fixe, (ou gaz acide carbonique) du gaz azote ; en un mot, toutes les eſpèces de gaz connues, & toutes celles dont nous n’avons encore aucune idée, & qu’on découvrira à meſure que nos connoiſſances s’étendront & ſe perfectionneront. Toutes les fermentations qui arrivent ſur toute la ſurface de la terre, produiſent du gaz fixe, du gaz inflammable, &c. les putréfactions fourniſſent du gaz fixe, du gaz azote, &c. les efferveſcences qui arrivent en grand dans la nature, les combuſtions, les incendies, les exploſions des volcans, les météores divers, &c. &c. donnent naiſſance à une grande quantité d’eſpèce de gaz et de combinaiſons de ces différentes ſortes de fluides élaſtiques, qui ſe feront deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, &c. & feront infiniment varier la compoſition de l’atmoſphère.

On peut confirmer ces vérités générales par des faits inconteſtables ; car il eſt prouvé qu’il y a pluſieurs ſubſtances qui ſe transforment en fluides aériformes, à des degrés de chaleur ſemblables à ceux dans leſquels nous vivons, dès qu’on diminue la preſſion de l’atmoſphère ; qu’il y en a d’autres, qui, au degré habituel de preſſion de l’atmoſphère, ſe transforment en fluides aériformes à des degrés de chaleur voiſins ou ſupérieurs à ceux dans leſquels nous vivons ; & qu’il y en a auſſi pluſieurs qui ſont conſtamment dans l’état aériformes au dégré habituel de chaleur & de preſſion de l’atmoſphère : ſi on place, (figure 126) ſous le récipient d’une machine pneumatique un petit vaſe d’éther ſulfurique, dont l’ouverture ſoit fermée par une veſſie bien aſſujettie ; & qu’après avoir fait le vuide, on perce la veſſie par le moyen d’une tige pointue qui paſſe au travers de la boîte à cuir du récipient dans lequel on aura encore placé un baromètre, l’éther ſe vaporiſera & ſe transformera en un fluide aériforme qui pourra ſoutenir en été le baromètre à vingt-cinq pouces : cette expérience réuſſit auſſi avec tous les fluides évaporables. Dans les mémoires de l’académie 1787, Messieurs Lavoisier & de la Place ont encore prouvé par voie d’expérience, que l’éther ſoumis à une preſſion égale à celle de l’atmoſphère, le baromètre étant à 28 pouces de mercure, il entre en ébullition, c’eſt-à-dire, ſe vaporiſe & ſe transforme en fluide élaſtique ou gaz, lorſque le thermomètre de mercure eſt à 32 ou 33 degrés ; & qu’il en eſt de même pour l’eſprit-de-vin à une température, au-deſſus de 67 degrés, & pour l’eau au-deſſus de 80 ; d’où il réſulte que l’éther eſt tout prêt de ne pouvoir exiſter ſur notre globe, que dans l’état aériforme ; que si la peſanteur de notre atmoſphère n’équivaloit à une colonne de 20 ou 24 pouces de mercure, au lieu de 28, on ne pourroit obtenir l’éther dans l’état liquide, au moins dans l’été, & que ſur les montagnes un peu élevées, l’éther ſe convertiroit en gaz, à meſure qu’il ſeroit formé. Ajoutons qu’il eſt d’autres ſubſtances, telles que l’acide marin ou muriatique, l’alkali volatil ou ammoniac, l’acide carbonique ou air fixé, l’acide ſulfureux, &c. qui demeurent conſtamment dans l’état aériforme, au degré habituel de la chaleur, & de preſſion de l’atmoſphère. Ajoutons encore qu’on doit regarder, avec M. Lavoiſier, comme un principe général déduit d’un grand nombre d’expériences, que preſque tous les corps de la nature ſont ſuſceptibles d’exiſter dans trois états différens : dans l’état de ſolidité, dans l’état de liquidité & dans l’état aériforme ou de gaz ; que ces trois états d’un même corps dépendent de la quantité de feu ou calorique qui lui eſt combinée. Il me paroît donc démontré que ſi par différentes cauſes, la preſſion de l’atmoſphère, diminue ou la quantité de caloriques augmente, il y aura pluſieurs eſpèces de gaz qui ſe formeront & ſe mêlerons dans la maſſe de l’atmoſphère, & que notre atmoſphère eſt le réſultat & le mélange, 1o. de toutes les ſubſtances ſuſceptibles de ſe vaporiſer ou plutôt de reſter dans l’état aériforme, au degré de température dans lequel nous vivons, & à une preſſion égale au poids d’une colonne de mercure de 28 pouces de hauteur ; 2o. de toutes les ſubſtances fluides ou concrètes, ſuſceptibles de ſe diſſoudre dans cet aſſemblage de différens gaz. Voyez CALORIQUE, GAZ.

Pour rendre cette théorie plus claire, conſidérons un moment avec M. Lavoiſier, (traité élémentaire de chimie, page 29) ce qui arriveroit aux différentes ſubſtances qui compoſent notre globe terraquée, ſi la température en étoit tout-à-coup changée. Suppoſons qu’il fût tranſporté dans la région de la planète de mercure, par exemple, où la chaleur habituelle eſt de beaucoup ſupérieure à celle de l’eau bouillante : bientôt l’eau, tous les fluides ſuſceptibles de s’évaporiſer à des degrés voiſins de l’eau bouillante, & le mercure lui-même, entreroient en expanſion ; ils ſe transformeroient en fluides aériformes ou gaz qui deviendroient parties de l’atmoſphère. « Ces nouvelles eſpèces d’air se mêleroient avec celles déjà exiſtantes, & il en réſulteroit des décompoſitions réciproques, des combinaiſons nouvelles, juſqu’à ce que les différentes affinités ſe trouvant ſatisfaites, les principes qui compoſeroient ces différens airs ou gaz, arrivaſſent à un état de repos. Mais une conſidération qui ne doit pas échapper, c’eſt que cette vaporiſation même auroit des bornes : en effet, à meſure que la quantité des fluides élaſtiques augmenteroit, la peſanteur de l’atmoſphère s’accroîtroit en proportion : or, puiſqu’une preſſion quelconque eſt un obſtacle à la vaporiſation ; puiſque les fluides les plus évaporables peuvent réſiſter, ſans ſe vaporiſer à une chaleur très-forte, quand on y oppoſe une preſſion proportionnellement plus forte encore ; enfin, puiſque l’eau elle même & tous les liquides peuvent éprouver dans la machine de Papin, une chaleur capable de les faire rougir, on conçoit que la nouvelle atmoſphère arriveroit à un degré de peſanteur tel que l’eau qui n’auroit pas été vaporiſée juſqu’alors, ceſſeroit de bouillir, & reſteroit dans l’état de liquidité ; en ſorte même que dans cette ſupposition, comme dans toute autre de même genre, la peſanteur de l’atmoſphère seroit limitée, & ne pourroit excéder un certain terme. On pourroit porter ces réflexions beaucoup plus loin, & examiner ce qui arriveroit aux pierres, aux ſels & à la plus grande partie des ſubſtances fuſibles qui compoſent le globe : on conçoit qu’elles ſe ramolliroient, qu’elles entreroient en fuſion & formeroient des fluides.

Par un effet contraire, ſi la terre ſe trouvoit tout-à-coup placée dans des régions très-froides, l’eau qui forme aujourd’hui nos fleuves & nos mers, & probablement le plus grand nombre des fluides que nous connoiſſons, ſe transformeroit en montagnes ſolides, en rochers très-durs, d’abord diaphanes, homogènes & blancs comme le criſtal de roche ; mais qui, avec le temps, ſe mêlant avec des ſubſtances de différente nature, deviendroient des pierres opaques diverſement colorées. L’air, dans cette ſuppoſition, ou au moins une partie des ſubſtances aériformes qui le compoſent, ceſſeroient sans doute d’exiſter dans l’état vapeurs élaſtiques, faute d’un degré de chaleur ſuffiſant ; elles reviendroient donc à l’état de liquidité, & il en réſulteroit de nouveaux liquides dont nous n’avons aucune idée.

Ces deux ſuppoſitions extrêmes font voir En effet, la différence dans le poids de l’air en différens temps, eſt meſurée par la hauteur du mercure dans le baromètre, & comme la plus grande variation dans la hauteur du mercure eſt de trois pouces, il s’enſuit que la plus grande différence entre la preſſion de l’air ſur notre corps, ſera égale au poids d’un cylindre de mercure de trois pouces de hauteur, qui auroit une baſe égale à la ſurface de notre corps. Or, un pied cube de mercure étant ſuppoſé de 1 064 livres, c’eſt-à-dire, de 102 244 dragmes, on dira, comme 102 244 dragmes ſont à un pied cube, ou à 1 728 pouces cubes, ainsi 59 dragmes ſont à un pouce cube. Un pouce cube de mercure pèſe donc environ 59 dragmes ; & comme il y a 144 pouces quarrés dans un pied quarré, un cylindre de mercure d’un pied quarré de baſe, & de trois pouces de hauteur, doit contenir 432 pouces cubes de mercure, & par conſéquent pèſe ou 25 488 dragmes. Répétant donc 15 fois ce même poids, on aura dragmes = 382 320 = 47 790 onces = 3 982 livres, pour le poids que la ſurface de notre corps ſoutient en certain temps plus qu’en d’autres.

Il n’eſt donc pas ſurprenant que le changement de température dans l’air affecte ſi ſenſiblement nos corps & puiſſe déranger notre ſanté : mais on doit plutôt s’étonner qu’il ne faſſe pas ſur nous plus d’effet. Car quand on conſidère que nous ſoutenons dans certain temps près de 4 000 livres de plus que dans d’autres, & que cette variation eſt quelquefois très-ſoudaine, il y a lieu d’être ſurpris qu’un tel changement ne briſe pas entièrement le tiſſu des parties de notre corps.

Nos vaiſſeaux doivent être ſi reſſerrés par cette augmentation de poids, que le ſang devroit reſter ſtagnant, & la circulation ceſſer entièrement, ſi la nature n’avoit ſagement pourvu à cet inconvénient, en rendant la force contractive du cœur d’autant plus grande, que la réſiſtance qu’il a à ſurmonter de la part des vaiſſeaux eſt plus forte. En effet, dès que le poids de l’air augmente, les lobes du poumon ſe dilatent avec plus de force ; & par conſéquent le ſang y eſt plus parfaitement diviſé : de ſorte qu’il devient plus propre pour les ſécrétions les plus ſubtiles, par exemple, pour celles du fluide nerveux, dont l’action doit par conſéquent contracter le cœur avec plus de force. De plus, le mouvement du ſang étant retardé vers la ſurface de notre corps, il doit paſſer en plus grande abondance au cerveau, ſur lequel la preſſion de l’air eſt moindre qu’ailleurs, étant ſoutenue par le crâne ; par conſéquent, la ſecrétion & la génération des eſprits ſe fera dans le cerveau avec plus d’abondance, & conſéquemment le cœur en aura plus de force pour porter le ſang dans tous les vaiſſeaux où il pourra paſſer, tandis que ceux qui ſont proches de la ſurface ſeront bouchés.

Le changement le plus conſidérable que la preſſion de l’air plus ou moins grande produiſe dans le ſang, eſt de le rendre plus ou moins épais, & de faire qu’il ſe reſſerre dans un plus petit eſpace, ou qu’il en occupe un plus grand dans les vaiſſeaux où il entre. Car l’air qui eſt renfermé dans notre ſang, conſerve toujours l’équilibre avec l’air extérieur qui paſſe la ſurface de notre corps ; & ſon effort pour ſe dilater eſt toujours égal à l’effort que l’air extérieur fait pour le comprimer ; de manière que ſi la preſſion de l’air extérieur diminue tant ſoit peu, l’air intérieur ſe dilate à proportion, & fait par conſéquent occuper au ſang un plus grand eſpace qu’auparavant. Voyez CHALEUR, FROID, &c.

Borelli explique de la manière ſuivante la raiſon pour laquelle nous ne ſentons point cette preſſion. De mot. à grav. fac. prop. 291 &c.

Après avoir dit que du ſable bien foulé dans un vaiſſeau dur, ne peut être pénétré ni diviſé par aucun moyen, pas même par l’effort d’un coin ; & que de même l’eau contenue dans une veſſie qu’on comprime également en tous ſens, ne peut ni s’échapper ni être pénétré par aucun endroit, il ajoute : « De même, il y a dans le corps d’un animal, un grand nombre de parties différentes, dont les unes, comme les os, ſont dures ; d’autres ſont molles, comme les muſcles, les nerfs, les membranes ; d’autres ſont fluides, comme le ſang, la lymphe, &c. Or, il n’eſt pas poſſible que les os ſoient rompus ou déplacés dans le corps, à moins que la preſſion ne devienne plus grande ſur un os que ſur l’autre, comme nous voyons qu’il arrive quelquefois aux porte-faix. Si la preſſion ſe partage de manière qu’elle agiſſe également en bas, en haut & en tous ſens, & qu’enfin toutes les parties de la peau en ſoient également affectées, il eſt évidemment impoſſible qu’elle puiſſe occaſionner aucune fracture ou luxation : on peut dire la même choſe des muſcles & des nerfs, qui ſont à la vérité, des parties molles, mais compoſées de parties ſolides, par le moyen deſquelles ils ſe ſoutiennent mutuellement, & réſiſtent à la preſſion. Enfin la même choſe a lieu pour le ſang & les autres liqueurs ; car comme l’eau n’eſt ſuſceptible d’aucune condenſation ſenſible, de même les liqueurs animales contenues dans les vaiſſeaux, peuvent bien recevoir une attrition par la force qui agît ſur tel ou tel endroit des vaiſſeaux, mais elles ne peuvent être forcées à en ſortir par une preſſion générale ; d’où il s’enſuit que, puiſqu’aucune des parties ne doit ſouffrir ni ſéparation, ni luxation, ni contuſion, ni enfin aucune ſorte de changement par la preſſion de l’air, il eſt impoſſible que cette preſſion puiſſe produire en nous l’effet de la douleur, qui eſt toujours l’effet de quelque ſolution de continuité. » Cela ſe confirme par ce que nous voyons arriver aux plongeurs.

La même vérité eſt appuyée par une expérience de Boyle. Ce phyſicien mit un têtard dans un vaſe à moitié plein d’eau, & introduiſit dans le vaſe une quantité d’air telle, que l’eau ſoutenois un poids d’air huit fois plus grand qu’auparavant ; le petit animal, quoiqu’il eût la peau fort tendre ne parut rien reſſentir d’un ſi grand changement.

Sur les effets qui réſultent de la diminution conſidérable, ou de la ſuppreſſion preſque totale du poids de l’atmoſphère, voycz Machine Pneumatique. Sur les cauſes des variations de l’atmoſphère, voyez Baromètre.]

De ce qu’il eſt facile de connoître la preſſion de l’atmoſphère ſur un eſpace donné à la ſurface de la terre, ainſi qu’on vient de le voir il n’y a qu’un inſtant, on en a conclu qu’il étoit également aiſé de trouver le poids de toute l’atmoſphère ſur la ſuperficie entière du globe de la terre. En effet, puiſqu’on détermine le poids de la colonne de l’atmoſphère qui pèſe ſur l’eſpace d’un pouce en quarré, d’un pied en quarré, d’une lieue en quarré, il paroît clair qu’on connoîtra le poids total de l’atmoſphère, ſi la ſurface de la terre eſt donnée ; la quantité de ce poids étant égale au produit de la preſſion ſur une lieue quarrée multipliée par le nombre de lieues quarrées que contient la ſuperficie de la terre. Or, la ſuperficie de la terre ſera aiſément déterminée, ſoit qu’on la conſidère comme une ſphère ou comme un ſphéroïde. Cependant, on ne peut apprécier ce poids avec facilité & préciſion que mathématiquement, & d’après des données hypothétiques ; car phyſiquement parlant, on ne peut que par approximation, ſavoir quel eſt le poids exact de l’atmoſphère ſur toute la terre, parce que notre globe peut avoir une figure irrégulière, au moins dans quelques portions, & à cauſe de l’inégalité des hauteurs ou montagnes qui ſont plus ou moins élevées, plus ou moins nombreuſes, & à cauſe de la différente denſité des colonnes de l’atmoſphère qui varie beaucoup ſelon les lieux & le temps ; enfin parce qu’il faut, aux conſidérations précédentes, ajouter celle des effets de la force centrifuge qui réſulte du mouvement de la terre ſur ſon axe, &c. Mais en faiſant abſtraction de ces circonſtances phyſiques, on trouvera facilement, du moins pour un inſtant, le poids de toute la maſſe de l’atmoſphère qui enveloppe le globe de la terre. Outre la méthode que nous avons indiquée, il y en a une autre, qui étant donnée le rayon du globe terreſtre, & la hauteur de la colonne de mercure du baromètre, ſoutenue en équilibre par la pression de l’atmoſphère ; le rapport de la circonférence au diamètre, & la peſanteur ſpécifique du rnercure ; il y en a une autre, dis-je, qui conſiſte à chercher les ſolides de deux ſphères, dont l’une a pour rayon, une hauteur égale à celle du rayon de la terre, puis l’élévation de la colonne de mercure, & l’autre a pour rayon celui du globe de la terre. En retranchant le ſecond ſolide du premier, on a un reſte qu’on multiplie par la peſanteur ſpécifique du mercure, & le produit donne enſuite l’expreſſion générale & très-approchée du poids de l’atmoſphère ſur toute la ſurface du globe de la terre. Par exemple, en ſuppoſant que la hauteur du mercure dans le baromètre ſoit de 28 pouces, le poids d’un pied cube de mercure 960 livres, & le degré d’un grand cercle de la terre de 57 000 toiſes ; on trouvera que le poids total de l’atmoſphère eſt de 11 028 854 877 090 908 000 livres environ.

[Hauteur de l’atmoſphère. Les philoſophes modernes ſe ſont donnés beaucoup de peine pour déterminer la hauteur de l’atmoſphère. Si l’air n’avoit point de force élaſtique, mais qu’il fût par-tout de la même denſité, depuis la ſurface de la terre juſqu’au bout de l’atmoſphère, comme l’eau, qui eſt également denſe, à quelque profondeur que ce ſoit, il ſuffiroit pour déterminer la hauteur de l’atmoſphère, de trouver, par une expérience facile, le rapport de la denſité du mercure, par exemple, à celle de l’air que nous reſpirons ici bas ; & la hauteur de l’air ſeroit à celle du mercure dans le baromètre, comme la denſité du mercure eſt à celle de l’air. En effet, une colonne d’air d’un pouce de haut, étant à une colonne de mercure de même hauteur, comme 1 à 10 800 ; il eſt évident que 10 800 fois une colonne d’air d’un pouce de haut, c’eſt-à-dire une colonne d’air de 900 pieds, ſeroit égale en poids à une colonne de mercure d’un pouce : donc une colonne de 30 pouces de mercure dans le baromètre, ſeroit ſoutenue par une colonne d’air de 27 000 pieds de haut, ſi l’air étoit dans toute l’atmoſphère de la même denſité qu’ici-bas : ſur ce pied la hauteur de l’atmoſphère ſeroit d’environ 27 000 pieds, ou de de lieue ; c’eſt-à-dire de deux lieues , en prenant 2 000 toiſes à la lieue. Mais l’air par ſon élaſticité, a la vertu de ſe comprimer & de ſe dilater : on a trouvé par différentes expériences fréquemment répétées en France, en Angleterre & en Italie, que les différens eſpaces qu’il occupe, lorſqu’il eſt comprimé par différens poids, ſont réciproquement proportionnels à ces poids ; c’eſt-à-dire, que l’air occupe moins d’eſpace en même raiſon qu’il eſt plus preſſé, d’où il s’enſuit, que dans la partie ſupérieure de l’atmoſphère, où l’air eſt beaucoup moins comprimé, il doit être beaucoup plus raréfié qu’il ne l’eſt proche la ſurface de la terre ; & que par conſéquent la hauteur de l’atmoſphère doit être beaucoup plus grande que celle que nous venons de trouver. Voici une idée de la méthode que quelques auteurs ont ſuivie pour la déterminer.

Si nous ſuppoſons que la hauteur de l’atmoſphère ſoit diviſée en une infinité de parties égales, la denſité de l’air dans chacune de ces parties eſt comme ſa maſſe ; & le poids de l’atmoſphère, à un endroit quelconque, eſt auſſi comme la maſſe totale de l’air au-deſſus de cet endroit ; d’où il s’enſuit que la denſité ou la maſſe de l’air dans chacune des parties de la hauteur, eſt proportionnelle à la maſſe ou au poids de l’air ſupérieur ; & que par conſéquent cette maſſe, ou ce poids de l’air ſupérieur eſt proportionnelle à la différence entre les maſſes de deux parties d’air contiguës priſes depuis la ſurface de l’atmoſphère ; or, nous ſavons par un théorème de géométrie, que lorſque des grandeurs ſont proportionnelles à leurs différences, ces grandeurs ſont en proportion géométrique continue ; donc, dans la ſuppoſition que les parties de la hauteur de l’air forment une progreſſion arithmétique, la denſité, ou ce qui revient au même, le poids de ces parties, doit former une proportion géométrique continue.

Par le moyen de cette ſérie, il eſt facile de trouver la raréfaction de l’air à une hauteur quelconque, ou la hauteur de l’air, correspondante à un degré donné de raréfaction, en obſervant, par deux ou trois hauteurs de baromètre, la raréfaction de l’air à deux ou trois hauteurs différentes ; d’où l’on conclura la hauteur de l’atmoſphère, en ſuppoſant que l’on ſache le dernier degré de raréfaction, au-delà duquel l’air peut aller. Voyez les articles Baromètre, Aurore, Boréale. Voyez auſſi Grégory Aſtronom. Phyſ. & Géom. liv. V. prop. 3. & Halley dans les tranſact. Phil. n°. 181.

Il faut avouer cependant que ſi on s’en rapporte à quelques obſervations faites par M. Caſſini, on ſera tenté de croire que cette méthode de trouver la hauteur de l’atmoſphère eſt fort incertaine. Cet aſtronome, dans les opérations qu’il fit pour prolonger la méridienne de l’obſervatoire de Paris, meſura avec beaucoup d’exactitude les hauteurs des différentes montagnes qui ſe rencontrèrent dans ſa route ; & ayant obſervé la hauteur du baromètre ſur le ſommet de chacune de ces montagnes, il trouva que cette hauteur, comparée à la hauteur des montagnes, ne ſuivoit point du tout la proportion indiquée ci-deſſus ; mais que la raréfaction de l’air à des hauteurs conſidérables au-deſſus de la ſurface de la terre, étoit beaucoup plus grande qu’elle ne devroit être, ſuivant la règle précédente.

L’académie royale des ſciences ayant donc quelque lieu de révoquer en doute l’exactitude des expériences ; elle en fit un grand nombre d’autres ſur des dilatations de l’air très-conſidérables, & beaucoup plus grandes que celles de l’air ſur le ſommet des montagnes ; & elle trouva toujours que ces dilatations ſuivoient la raiſon inverſe des poids dont l’air étoit chargé ; d’où quelques phyſiciens ont conclu, que l’air qui eſt ſur le ſommet des montagnes, eſt d’une nature différente de l’air que nous reſpirons ici-bas, & ſuit apparament d’autres loix dans ſa dilatation & ſa compreſſion.

La raiſon de cette différence doit être attribuée à la quantité de vapeurs & d’exhalaiſons groſſières, dont l’air eſt chargé ; & qui eſt bien plus conſidérable dans la partie inférieure de l’atmoſphère qu’au-deſſus. Ces vapeurs étant moins élaſtiques, & moins capables par conſéquent de raréfaction que l’air pur, il faut néceſſairement que les raréfactions de l’air pur augmentent en plus grande raiſon que le poids ne diminue.

Cependant M. de Fontenelle explique autrement ce phénomène, d’après quelques expériences de M. de la Hire ; il prétend que la force élaſtique de l’air s’augmente par l’humidité  ; & qu’ainſi l’air qui eſt proche le ſommet des montagnes, étant plus humide que l’air inférieur, eſt par-là plus élaſtique, & capable d’occuper un plus grand eſpace qu’il ne devroit occuper naturellement, s’il étoit plus ſec.

Mais M. Jurin ſoutient que les expériences dont on ſe ſert pour appuyer cette explication, ne ſont point du tout concluantes. Append. ad Varen. Geograph.

M. Daniel Bernoulli donne dans ſon Hydrodynamique une autre méthode pour déterminer la hauteur de l’atmoſphère ; dans cette méthode, qui eſt trop géométrique pour pouvoir être expoſée ici, & miſe à la portée du commun des lecteurs, il fait entrer la chaleur de l’air parmi les cauſes de la dilatation.

La règle des compreſſions en raiſon des poids, ne peut donner la hauteur de l’atmoſphère ; car il faudroit que cette hauteur fût infinie, & que la denſité de l’air fût nulle à ſa ſurface ſupérieure. Il ſeroit plus naturel de ſuppoſer la denſité de l’air proportionnelle, non au poids comprimant, mais à ce même poids augmenté d’un poids constant : alors la hauteur de l’atmoſphère ſeroit finie, & ne seroit pas plus difficile à trouver que dans la première hypothèſe, comme il eſt démontré dans le traité des fluides de M. d’Alembert.

Quoi qu’il en ſoit, il eſt conſtant que les raréfactions de l’air à différentes hauteurs, ne ſuivent point la proportion des poids dont l’air eſt chargé ; par conſéquent les expériences du baromètre faites au pied & ſur le ſommet des montagnes, ne peuvent nous donner la hauteur de l’atmoſphère, puiſque ces expériences ne ſont faites que dans la partie la plus inférieure de l’air. L’atmoſphère s’étend bien au-delà ; & ſes réfractions s’éloignent d’autant plus de la loi précédente, qu’il eſt plus éloigné de la terre. C’est ce qui a engagé M. de la Hire, après Kepler, à ſe ſervir d’une méthode plus ancienne, plus ſimple & plus ſûre pour trouver la hauteur de l’atmoſphère : cette méthode eſt fondée ſur l’obſervation des crépuſcules.

Tous les aſtronomes conviennent que quand le ſoleil eſt à dix-huit degrés au-deſſous de l’horiſon, Il envoye un rayon qui touche la ſurface de la terre, & qui ayant ſa direction de bas en haut, va frapper la ſurface ſupérieure de l’atmoſphère, d’où il eſt renvoyé juſqu’à la terre, qu’il touche de nouveau dans une direction horiſontale. Si donc il n’y avoit point d’atmoſphère, il n’y auroit pas de crépuſcule : par conſéquent, ſi l’atmoſphère n’étoit pas auſſi haute qu’elle eſt, le crépuſcule commenceroit & finiroit quand le ſoleil ſeroit à moins de 18 degrés au-deſſous de l’horiſon, & au contraire : d’où on peut conclure que la grandeur de l’arc dont le ſoleil eſt abaiſſé au-deſſous de l’horiſon, au commencement & à la fin du crépuſcule, détermine la hauteur de l’atmoſphère. Il faut cependant remarquer qu’on doit ſouſtraire 32 minutes de l’arc de 18 degrés, à cauſe de la réfraction qui élève alors le ſoleil plus haut de 32 minutes qu’il ne devroit être ; & qu’il faut encore ôter 16 minutes pour la diſtance du limbe ſupérieur du ſoleil, (qui eſt ſuppoſé envoyer le rayon) au centre de ce même aſtre, qui eſt le point qu’on ſuppoſe à 18 degrés moins 32 minutes : l’arc reſtant ſera par conſéquent de 17 degrés 12 minutes ; & c’eſt de cet arc que l’on doit ſe ſervir pour déterminer la hauteur de l’atmoſphère.

Les deux rayons, l’un direct, l’autre réfléchi, qui ſont tous deux tangens de la ſurface de la terre, doivent néceſſairement ſe couper dans l’atmoſphère, de manière qu’ils faſſent entr’eux un angle de 17 degrés 12 minutes, & que l’arc de la terre compris entre les points touchans, ſoit auſſi de 17 degrés 12 minutes : donc par la nature du cercle, une ligne qui partiroit du centre, & qui couperoit cet arc en deux parties égales, rencontreroit les deux rayons à leur point de concours. Or, il eſt facile de trouver l’excès de cette ligne ſur le rayon de la terre ; & cet excès ſera la hauteur de l’atmoſphère. M. de la Hire a trouvé, par cette méthode, la hauteur de l’atmoſphère de 37 223 toiſes, ou d’environ dix-ſept lieues de France. La même méthode avoit été employée par Képler : mais cet aſtronome l’avoit rejetée par cette ſeule raiſon, qu’elle donnoit la hauteur de l’atmoſphère 20 fois plus grande qu’il ne la croyoit.

Au reſte, il faut obſerver que dans tout ce calcul, l’on regarde les rayons direct & réfléchi comme des lignes droites ; au lieu que ces rayons ſont en effet des lignes courbes, formées par la réfraction continuelle des rayons dans leur paſſage par les couches différemment denſes de l’atmoſphère. Si donc on regarde ces rayons comme deux couches ſemblables, ou plutôt comme une ſeule & unique courbe, dont une des extrémités eſt tangente de la terre, le ſommet de cette courbe, également diſtant des deux extrémités, donnera la hauteur de l’atmoſphère : par conſéquent, on doit trouver cette hauteur un peu moindre que dans le cas où on ſuppoſoit que les deux rayons étoient des lignes droites ; car le point de concours de ces deux rayons qui touchent la courbe à ſes extrémités, doit être plus haut que le ſommet de la courbe, qui tourne ſa concavité vers la terre. M. de la Hire diminue donc la hauteur de l’atmoſphère d’après ce principe, & ne lui donne que 36 362 toiſes, ou 16 lieues. Hiſt. de l’acad. roy. des ſciences, an 1713, pag. 61. Voyez les articles Réfraction & Crépuscule, &c.]

M. de Mairan, dans ſon traité de l’aurore boréale, (pag. 62, édit de 1754) de quelques obſervations de la hauteur des différentes aurores boréales, en a conclu que la hauteur de l’atmoſphère étoit de 266 lieues de 25 au degré, & même de plus de 300 lieues.

[ On pourra donc maintenant ſavoir ce que ſignifie le mot d’atmoſphère terreſtre, car c’eſt le nom qu’on donne à l’air qui environne la terre, c’eſt-à-dire, à ce fluide rare & élaſtique dont la terre eſt couverte par-tout à une hauteur conſidérable, qui gravite vers le centrc de la terre & pèſe ſur ſa ſurface, qui eſt emporté avec la terre autour du ſoleil, & qui en partage le mouvement tant annuel que diurne. Voyez Terre.

On peut encore entendre proprement par atmoſphère, l’air considéré avec les vapeurs dont il eſt rempli. Voyez Air. Ce mot eſt formé des mots grecs ὰτμὸς, vapeur, & σΦαιρα, ſphère ; ainſi, on ne doit point écrire athmoſphère par une h, mais atmoſphère ſans h, le mot grec ὰτμὸς, d’où il vient, étant écrit par un τ & non par un θ.

Par atmoſphère, d’autres entendent ordinairement la maſſe entière de l’air qui environne la terre : cependant quelques écrivains ne donnent le nom d’atmoſphère qu’à la partie de l’air proche de la terre qui reçoit les vapeurs & les exhalaiſons, & qui rompt ſenſiblement les rayons de lumière. Voyez Réfraction.

L’espace qui eſt au-deſſus de cet air groſſier, quoiqu’il ne ſoit peut-être pas entièrement vuide d’air, eſt ſuppoſé rempli par une matière plus ſubtile qu’on appelle éther, & eſt appelé pour cette raiſon, région éthérée ou eſpace éthéré.

On a inventé un grand nombre d’inſtrumens pour faire connoître & pour meſurer les différens changemens & altérations de l’atmoſphère ; comme baromètres, thermomètres, hygromètres, manomètres, anémomètres, &c. Voyez les articles Baromètre, Thermomètre, &c. L’atmoſphère s’inſinue dans tous les vuides des corps, & devient par ce moyen, une des principales cauſes des changemens qui leur arrivent ; comme générations, corruptions, diſſolutions, &c.

Une des grandes découvertes de la philoſophie moderne, eſt que tous les effets que les anciens attribuoient à l’horreur du vuide, ſont uniquement dus à la preſſion de l’atmoſphère. C’eſt auſſi cette preſſion qui eſt cauſe en partie de l’adhérence des corps. Voyez Horreur du vide, Pompe, Pression, &c. ]

L’atmoſphère terreſtre a une figure aplatie vers les pôles ; car, tournant avec la terre ſur son axe, la force centrifuge qui eſt plus grande à l’équateur & entre les tropiques, que vers les pôles, affoiblit néceſſairement la gravitation de cette partie de l’atmoſphère, & lui donne plus d’élévation dans les colonnes qui ſont compriſes entre ces deux cercles, qu’aux colonnes qui ſont voiſines des pôles ; d’où réſulte néceſſairement la figure d’un ſphéroïde aplati par les pôles qui lui eſt propre, comme au globe même de la terre. Voyez Force centrifuge, &c. De plus, la chaleur qui eſt plus grande entre les tropiques que dans les zones tempérées & glaciales, doit y raréfier davantage les colonnes de l’atmoſphère qui y ſont compriſes, & conſéquemment leur donner plus d’étendue en hauteur.

L’atmoſphère éprouve des alternatives de chaud & de froid, dans les différentes ſaiſons & dans les divers temps de la journée ; elle eſt tantôt plus, tantôt moins humide, ſelon les circonſtances ; ſa denſité eſt donc plus ou moins grande dans divers inſtans, de même que ſon reſſort & ſes autres propriétés ; mais comme ces propriétés appartiennent directement à l’air ; c’eſt dans cet article & les autres qui y ont rapport, qu’on les conſidérera. Il en eſt de même du mouvement qui peut être imprimé à la maſſe de l’atmoſphère. L’atmoſphère a, comme la terre, un mouvement diurne & un mouvement annuel ; elle éprouve dans ſes différentes parties un mouvement de vibration & de frémiſſement, lorſqu’un corps ſonore les agite ; dans pluſieurs circonſtances un grand volume d’air eſt déplacé avec plus ou moins de force & de vîteſſe dans une direction déterminée. Ces objets ſeront traités aux articles Terre, Son & Vent.

C’eſt dans l’atmoſphère que ſe forment la plupart des météores ignées, aqueux, aériens & lumineux : ces objets ſont une des parties les plus curieuſes & les plus intéreſſantes de la phyſique, ils ſeront traités avec toute l’étendue néceſſaire à l’article Météores auquel nous renvoyons.

Atmosphère des corps terrestres. Il y a des phyſiciens qui ont prétendu que tous les corps terreſtres, de quelque nature qu’ils fuſſent, étoient entourés d’une atmoſphère particulière. Les corps les plus durs, ſelon eux, ont une eſpèce d’enveloppe ſphérique, formée par les petits corpuſcules qui s’en échappent ; Boyle eſt de ce ſentiment, & prétend que les diamans & tous les corps les plus ſolides ont leur atmoſphère. Cette aſſertion peut être entendue de deux manières : 1o. en ce ſens, que tous les corps ſont enveloppés d’une atmoſphère quelconque, d’une matière qui peut être commune à tous ; 2o. de ſorte que cette atmoſphère particulière soit formée d’une matière propre à chaque eſpèce de corps.

Il paroît probable que tous les corps ſont entourés d’une couche d’air plus ou moins épaiſſe ; car l’air adhère à la ſurface de tous les corps, ainſi que nous l’avons prouvé à l’article Adhérence. Si cette couche eſt appelée une atmoſphère, nous conviendrons, puiſqu’il ne faut pas diſputer des noms, que tous les corps ont une atmoſphère d’air, air qui les environne de tous côtés, air qui eſt tranſporté avec eux, à cauſe de ſon adhérence aux ſurfaces qui l’attirent, et dont il ne ſe ſépare que difficilement, après que le contact réciproque a eu lieu. On ſe rappelle que l’on a prouvé par expérience cette adhérence de l’air aux ſurfaces. Une aiguille d’acier, couchée horizontalement ſur l’eau, y ſurnage, quoiqu’elle ſoit beaucoup plus peſante ſpécifiquement qu’un égal volume qui lui répond : or, cet effet vient de la couche d’air adhèrent qui l’enveloppe, & forme autour d’elle une eſpèce de petite gondolle d’air ; de ſorte que la totalité de ces deux corps eſt plus légère qu’un égal volume du liquide. Mais ſi on mouille cette aiguille pour en détacher l’air, elle ne ſurnage plus. Cette expérience eſt la même avec des aiguilles des autres métaux ; & avec des fétus d’autres ſubſtances plus peſantes que l’eau, &c. Voyez Adhérence. Or, en appliquant aux grands corps ce qu’on vient de dire des petits, il en réſultera que l’air adhère à toutes les ſurfaces des corps terreſtres, quelle que ſoit leur grandeur.

Il eſt probable que la matière électrique, la matière du feu, & celle de pluſieurs autres fluides, adhèrent auſſi aux corps terreſtres qui ſont plongés dans ces fluides, & forment ainſi une eſpèce d’atmoſphère improprement dite.

Mais, quoique pluſieurs corps aient une atmoſphère particulière, compoſée d’une matière propre & analogue à la nature du corps qui en eſt doué, il n’eſt pas prouvé par l’expérience que tous les corps de quelque règne qu’ils ſoient, en aient une de cette eſpece. Rien ne montre, par exemple, qu’un morceau d’or ou d’argent, par exemple, qui eſt bien pur, ait une atmoſphère particulière ; on doit en dire autant de la plupart des pierres, du granit, par exemple, du quartz, du ſpath, &c. Quelques phyſiciens ont cru prouver l’exiſtence d’une atmoſphère pour tous les corps terreſtres, en diſant qu’il n’y en a aucun qui ne produiſe une diffraction ou inflexion de la lumière, lorſqu’on préſentera un de ſes angles à un rayon ſolaire dans une chambre obſcure. Mais cet effet peut venir de la ſimple attraction de la maſſe du corps terreſtre, quel qu’il soit, ſans aucune atmoſphère ; d’ailleurs ſi on vouloit abſolument une atmoſphère pour expliquer cet effet par réfraction, on pouroit avoir recours à l’air & aux vapeurs aqueuſes de l’air qui ſeroient dans un état d’adhérence avec les ſurfaces des corps.

Comme il ſeroit trop long d’examiner en particulier les corps qui ont des atmoſphères propres, nous nous contenterons d’indiquer ici les principaux, qui en général ſont des corps ignées, les corps lumineux, les corps magnétiques, les corps électriques, les corps animaux & les végétaux, & les ſubſtances odoriférantes. Mais nous prévenons ici que ces atmoſphères ne ſont point mues comme de petits tourbillons ; leur exiſtence eſt bien loin d’être prouvée. Le grand nombre des particules dont ſont compoſées les atmoſphères des corps terreſtres, n’a d’autre mouvement que celui de s’élever dans la maſſe de l’air environnante ; une autre partie ſe répand en tous sens, & une dernière enfin reſte plus ou moins adhérente à la ſurface des corps.

Atmosphère des corps ignées. Les corps incandeſcens & enflammés ; les corps brûlans ou chauds, de quelque nature qu’ils ſoient, ont autour d’eux une eſpèce d’atmoſphère, formée par la matière du feu qui en ſort continuellement par tous les points de leur ſurface : cette atmoſphère de feu eſt leur ſphère d’activité ; & tous les autres corps qui n’en ſont pas éloignés, en reſſentent les effets. On sent la chaleur à une certaine diſtance du feu. L’intenſité de cette activité eſt toujours en raiſon inverſe du quarré des diſtances. La matière du feu, en ſortant des corps chauds, entraîne toujours avec elle pluſieurs parties propres à ces corps, car la plupart diminuent de poids : ainſi leur atmoſphère n’eſt pas ſeulement compoſée du calorique ou matière de la chaleur.

Atmosphère des corps lumineux. Les corps lumineux doivent être conſidérés comme les centres d’autant de ſphères d’activité ; & l’intenſité de leur lumière eſt en raiſon réciproque du quarré des diſtances à ce centre. L’expérience prouve que les corps lumineux ont autour d’eux une ſorte d’atmoſphère lumineuſe qui eſt très-viſible, même de loin : on en ſeroit convaincu, en conſidérant une ſimple bougie allumée. D’ailleurs, la perte de ſa ſubſtance que fait continuellement tout corps terreſtre lumineux, prouve aſſez la réalité d’une eſpèce d’atmoſphère lumineuſe. On obſervera qu’on ne doit donner le nom d’atmoſphère qu’à la portion de lumière qui entoure le corps lumineux & qui peut être tranſporté avec lui. La portion la plus abondante qui eſt diſſipée au loin, a appartenu, avant la diſjonction, à l’atmoſphère à laquelle elle eſt enſuite devenue étrangère. Cette remarque a lieu pour les articles ſuivans.

Atmosphère des corps magnétiques. Lorſqu’on place un aimant ou un morceau de fer aimanté ſous un carton, & qu’on tamiſe ſur ce carton de la limaille de fer, on voit celle-ci s’arranger en différentes courbes régulières, qui ſemblent annoncer qu’un fluide magnétique circule autour des corps aimantés. Cette limaille ſe meut, s’élève & s’abaiſſe tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, lorſqu’on remue l’aimant par-deſſous le carton, ce qui indique une atmoſphère magnétique qui agit ſur les parcelles de limaille à une certaine diſtance. Voyez Aimant & Magnétique.

Atmosphère électrique. Un tube de verre électriſé, un conducteur qui eſt dans un état actuel d’électriſation, donnent même à une certaine diſtance des ſignes d’électricité à ceux qui s’en approchent. On ſent d’abord l’impreſſion d’un vent frais, enſuite celle que feroit une toile d’araignée ; on apperçoit après, de la lumière ſuivie d’une étincelle, lorſque l’approximation devient progreſſivement plus grande. Un corps électriſé eſt donc environné de toutes parts d’une matière fluide, analogue à la lumière & au feu, c’eſt-à-dire, d’une atmoſphère électrique. Mais tout ce qui regarde ce sujet ne peut bien être traité que dans l’article Électricité & dans ceux qui y ont rapport. M. l’abbé Nollet, & ſes partiſans, ont prétendu que la matière affluente & effluente qui exiſtoit en même-temps autour d’un corps électriſé, formoit l’atmoſphère électrique, & étoit la cauſe des attractions & des répulſions. On a déjà vu à l’article Affluences, combien cette opinion étoit peu fondée ; nous y renvoyons ainſi qu’aux autres articles d’électricité. Comme il n’y a point de ſimultanéïté dans les affluences & dans les effluences ; que le fluide eſt ou effluent des corps électriſés-poſitivement, ou affluent vers ceux qui ont une électricité négative, il en réſulte que l’atmoſphère électrique ne peut être formée que par le fluide électrique effluent, ou par le fluide électrique affluent, & plus particulièrement par cette portion de ce fluide dont l’air ambiant empêche la diſſipation.

Atmosphère des corps odoriférans. Toutes les ſubſtances odorantes, animales, végétales ou minérales ſont environnées d’une atmoſphère, formée par les effluves ou émanations qui s’échappent de ces corps. Si ces ſubſtances diverſes font une impression ſur l’organe de l’odorat, à une certaine diſtance, ces ne peut être que par le moyen des effluves continuels qu’ils exhalent autour d’eux ; car nul effet ſans cauſe, nulle impreſſion ſans mouvement produit. Or, à un éloignement du corps odoriférant, il n’y a que les écoulemens & émanations qu’il lance de tous côtés, qui puiſſent produire ſur l’organe un effet ſenſible. Mais le corps odorant, étant un centre duquel partent de tous côtés des rayons odoriférans, c’eſt-à-dire, des ſuites de corpuſcules qui lui ſont propres, il eſt de toute néceſſité qu’il ſoit environné d’une atmoſphère odorante, qui diminuera de vertu en raiſon inverſe du quarré des diſtances.

Le ſoufre, & les matières bitumineuſes, étant frottées, chauffées ou en fuſion, ont une atmoſphère très-ſenſible de loin ; il suffit, pour en être convaincu, d’avoir été dans des ports de mer, dans le temps qu’on gouderonne des vaiſſeaux. Les fleurs de pluſieurs eſpèces de plantes, exhalent de tous côtés des émanations odorantes, dont on s’apperçoit ſur-tout le matin & le ſoir, en entrant dans un parterre. L’ambre gris & le muſc lancent de toutes parts des effluves odorans pendant pluſieurs années, ſans perdre ſenſiblement de leurs poids ; & à tout inſtant on peut reconnoître leur préſence, même à une diſtance plus ou moins grande, ſelon les circonſtances. Voyez Odeur.

Atmosphère des végétaux. Les végétaux tranſpirent habituellement comme les animaux, & leur tranſpiration eſt rnême de beaucoup plus conſidérable qu’on ne ſeroit tenté de le croire, ſi les expériences les plus ſûres ne le démontroient. On en a rapporté pluſieurs au commencement de cet article ; il suffira d’ajouter ici, qu’en douze heures de jour, un petit pommier, élevé dans un vaſe, fournit par ſa tranſpiration, neuf onces ou quinze pouces cubiques & demi d’eau. On peut voir dans la ſtatique des végétaux de M. Hales, un grand nombre d’autres réſultats de ce genre. Mais ces vapeurs, en grande partie aqueuſes, qui s’échappent par la tranſpiration de tous les végétaux & de toutes les parties qui s’élèvent & se diſſipent continuellement dans la maſſe de l’air, ſont ſans ceſſe remplacées par d’autres qui fourniſſent une nouvelle atmoſphère. Il en eſt cependant une partie qui, par ſon adhérence à la ſuperficie des plantes, y ſéjourne plus long-temps. Les fleurs des plantes odoriférantes, & même de pluſieurs de leurs autres parties, ne permettent pas de douter de l’abondance des émanations qui ſortent de la plupart des plantes. Elles ſont même ſi ſenſibles, qu’on peut deviner de quelle eſpèce eſt une plante qu’on ne verroit pas, ſans employer d’autre moyen que l’odorat, même à une certaine diſtance.

Atmosphère des animaux. Tous les animaux tranſpirent continuellement, & la quantité de matière perſpiratoire qui ſort à tout inſtant des pores de leur corps, eſt étonnante : Sanctorius qui, à deſſein de la connoître, a resté trente ans dans une balance, a obſervé que ſur huit livres de nourriture, il y en a cinq qui s’échappent par la tranſpiration inſenſible. Si on fait raſer la tête d’un homme, qu’on le place près d’un mur blanchi, dans une chambre obſcure qui reçoive par un ſeul trou les rayons du ſoleil, on verra ſur le mur, la projection de l’ombre des vapeurs de la tranſpiration : on les appercevra encore mieux ſi on ſe ſert d’un microſcope ſolaire. Dans ce cas, on voit des fleuves de corpuſcules qui s’élancent dans l’air avec une grande vîteſſe.

On ſait que les chiens de chaſſe, doués d’un organe exquis, ſuivent à la piſte le gibier, que tous les chiens même, retrouvent leur maître, en diſtinguant les émanations qui ſortent des corps animés. On verra des preuves de cette vérité, aux articles Odeur, Émanations, Odorat, &c.

Lorſqu’un vent ſouffle, on reſſent toujours plus de froid, quoique le thermomètre ſoit au même degré que dans d’autres circonſtances où il ne fait pas de vent, & où la liqueur eſt au même point. Cet effet dépend uniquement du changement de l’atmoſphère animale, que le vent enlève & diſſipe à chaque inſtant ; l’évaporation continuelle de cette eſpèce de fluide de deſſous la ſuperficie du corps, produit ce froid ; & on doit la regarder comme une ſuite d’immerſions du corps dans un bain qui ſe renouvelle ſucceſſivement, c’eſt-à-dire, dans des atmoſphères animales qui ſe ſuccèdent rapidement les unes aux autres. Voyez encore porosité des corps, Vent, Thermomètre, &c.

L’atmoſphère des corps des animaux, & même celle des végétaux, prennent des accroiſſemens bien plus grands, lorſque ces ſubſtances ſont dans un état de putréfaction. On voit alors les animaux accourir de toutes parts, avertis par les effluves & les émanations abondantes qui en exhalent. L’odeur va toujours en diminuant à mesure qu’on s’éloigne du corps, & elle a une intenſité bien plus grande à une plus grande proximité. Mais dans ce cas, on ne peut regarder comme atmoſphère que la portion plus dense des effluves, qui eſt autour du corps & qui partage ſes mouvemens. Ce qui ſe diſſipe au loin a appartenu auparavant à l’atmoſphère avant la ſéparation, & en indique l’exiſtence par voie de conſéquence. Il faut en dire autant des émanations qui déterminent les chiens de chaſſe ; & de toutes celles qui s’échappent des corps odoriférans, des corps ignées & lumineux.

Atmosphère lunaire L’expreſſion d’atmoſphère lunaire déſigne un fluide élaſtique qui enveloppe conſtamment le globe de la lune. L’analogie porte dabord à croire que la lune a une atmoſphère comme la terre, & qu’il en eſt de même des autres planètes. Cependant les auteurs ne ſont pas d’accord ſur cet objet : pluſieurs aſtronomes en prouvent l’exiſtence, en diſant que dans les éclipſes totales du ſoleil, la lune paroît entourée d’un anneau lumineux parallèle à ſa circonférence. Dans la grande éclipſe de 1715, on vit l’anneau à Londres & ailleurs ; Wolf l’obſerva à Leipſick dans une éclipſe de 1706, & la partie la plus voiſine de la lune fut plus brillante que celle qui en étoit plus éloignée, circonſtance que les aſtronomes françois obſervèrent également. Kepler précédemment avoit rapporté qu’on avoit vu la même chose à Naples & à Anvers dans une éclipſe de 1605. De ces phénomènes, il paroît réſulter, diſent-ils, qu’il y a autour du globe de la lune une atmoſphère, c’eſt-à-dire, un fluide qui réfléchit les rayons du ſoleil en même temps qu’il les briſe, & qui eſt d’autant plus rare, qu’il s’éloigne de la ſurface de la lune.

Il y en a qui ont aſſuré avoir apperçu dans les éclipſes totales de ſoleil, immédiatement avant l’immerſion un tremblement dans le limbe de la lune, avec une apparence de fumée claire qui ſe tenoit ſuſpendue au-deſſus durant l’immerſion ; phénomènes qu’on remarque dans notre air quand il eſt chargé de vapeurs ; & phénomènes qu’on n’obſerve pas en d’autres temps dans la lune, lorſque ſon air eſt pur & tranſparent, de même qu’on ne les voye pas dans notre atmoſphère, lorſqu’elle eſt exempte de vapeurs & d’exhalaiſons.

On a encore ajouté que M. le Monnier a obſervé en 1736 & 1738, que l’étoile Aldébaran s’avançoit en plein jour un peu ſur le diſque éclairé de la lune, où cette même étoile diſparut enſuite, après avoir entamé très-ſenſiblement le diſque, & cela vers le diamètre horiſontal de la lune.

On a obſervé ſouvent dans les éclipſes d’étoiles ou de planètes par la lune, que l’aſtre éclipſé paroiſſoit tout entier pendant quelques ſecondes ſur le diſque éclairé de la lune. Or, ce phénomène, ſelon pluſieurs, dépend de l’atmoſphère de la lune. Cependant nous devons dire que M. Deliſle l’attribuoit à l’inflexion des rayons lumineux qui raſent les bords de la lune, & qui en ſont attirés ; il rapportoit auſſi à la même cauſe les anneaux que l’on obſerve quelquefois autour du ſoleil dans les éclipſes totales. M. de la Lande penſe que c’eſt une ſimple illuſion oblique, occaſionnée par l’irradiation ou le débordement de lumière de la lune. L’atmoſphère de la lune, dit-il, ne ſauroit produire un effet ſi ſenſible ; car dans les éclipſes de ſoleil on voit le bord de la lune très-net & très-bien terminé, à l’exception de quelques inégalités dans certaines parties de ſa circonférence ; les taches de la lune ſont toujours de la même couleur ; vénus, quand elle eſt éclipſée par la lune, ne change pas de forme & de couleur ; enfin on a vu dans une occultation de Jupiter par la lune, que le bord de la lune paroiſſoit ſur le bord même de Jupiter. Néanmoins cet habile aſtronome ne rejette pas l’exiſtence de toute atmoſphère de la lune, il en admet une qu’il croit peu conſidérable & inſuffiſante pour faire paroître les étoiles ſur le diſque éclairé de la lune.

Il n’eſt guère poſſible maintenant de douter de la réalité d’une atmoſphère lunaire, sur-tout depuis que M. Duſéjour a démontré par les obſervations de l’éclipſe de 1764, l’inflexion des rayons qui raſent les bords de la lune, inflexion qui eſt de quatre ſecondes & demie, & qu’on ne peut s’empêcher d’attribuer à une petite réfraction de l’atmoſphère de la lune.

M. Huyghins qui croyoit que la lune n’avoit point d’atmoſphère, diſoit, pour prouver ſon opinion, 1°. qu’on ne voyoit jamais la ſurface de la lune couverte de nuages, comme cela arrive à la terre ; 2°. que les étoiles éclipſées par la lune, en diſparoiſſant derrière ſon diſque, ou en venant à reparoître, ne ſouffroient aucune réfraction ſenſible. M. de Mairan a répondu à la première de ces objections,(traité de l’aurore boréale, pag. 276) qu’indépendamment « de la différence qu’on ſeroit en droit de ſuppoſer entre l’air qui environne la terre, & celui de l’atmoſphère lunaire, où les particules d’eau ne ſauroient peut-être ſe ſoutenir, il y a des pays ſur le globe terreſtre, tels que le Pérou & de grandes contrées d’Afrique, où il ne pleut jamais, & qu’on ne voit point chargés de ces nuages qui ſont ailleurs les avant-coureurs de la pluie. Les vapeurs élevées par la chaleur du ſoleil pendant le jour, y retombent en forme de roſée pendant la nuit. Un obſervateur placé ſur la lune, ſeroit-il fondé d’en conclure qu’il n’y a point d’atmoſphère pour toutes ces parties de la terre… Ajoutez enfin que le ſoleil, dardant ſes rayons près de quinze de nos jours de ſuite ſur le même hémiſphère de la lune, il y doit prodigieuſement atténuer les vapeurs & les exhalaiſons qui s’élèvent de ſa ſurface, en diſſiper les petits amas à meſure que ſa lumière gagne la partie qui va nous devenir viſible, & n’y rien laiſſer d’opaque pour le ſpectateur qui la voit de la terre. N’eſt-ce point à quelqu’un de ces petits amas de vapeurs qui n’étoit pas encore diſſipé, qu’il faut attribuer cette traînée de lumière rougeâtre que M. Bianchi apperçut dans l’intérieur de la tache de Platon, le 16 août 1725, une heure & demie après le coucher du ſoleil, avec une lunette de Campani, de 150 palmes romains ? Car la lune venoit d’atteindre ſon premier quartier le jour précédent, & la tache de Platon, ainſi que cette traînée rougeâtre, dirigée en ligne droite à l’oppoſite du ſoleil, portoient ſur les confins de la lumière & de l’ombre du diſque de la lune. Or, de quelque manière qu’on imagine que les rayons du ſoleil, qui ſe levoient alors ſur l’horiſon de cette tache, y ayent pénétré, ſoit par une ouverture ou par un trou de ſes bords montagneux, & en vertu d’une eſpèce de réfraction ou de diffraction, comment s’y ſeroient-ils rendus viſibles & colorés, s’ils n’y avoient trouvé une atmoſphère ou des vapeurs qui ſuppoſent une atmoſphère ?

Quant à la ſeconde objection, remarquez que vraiſemblablement la matière réfractive de l’atmoſphère terreſtre eſt quelque choſe de différent de l’air, & que cette matière ne s’étend, ſelon d’habiles aſtronomes, qu’environ 2 000 toiſes au-deſſus de la ſurface de la terre, ce qui ne fait pas la 3000me partie de ſon diamètre. Donc toutes proportions gardées entre le globe lunaire & le globe terreſtre, en ſuppoſant la partie inférieure de l’atmoſphère de ces deux globes ſemblablement douée d’une vertu réfractive & de même force ; ſuppoſition d’ailleurs très-gratuite, cette partie n’occupera pas au-deſſus de la ſurface de la lune un 3000me de ſon diamètre. Or, tout le diſque de la lune ne mettant qu’environ une heure à paſſer devant une étoile fixe, il ſuit que ſon bord réfringent, & toute la matière qui en fait l’épaiſſeur, n’y employera que la 3200me partie d’une heure, ou environ une ſeconde ; ce qui fait, comme on voit, un temps trop court pour s’appercevoir des réfractions, à moins que quelque hazard, ou des circonſtances favorables ne s’y mêlent. Enfin, ſans prétendre pourtant preſſer beaucoup cette preuve, il eſt de fait qu’on a vu quelquefois des étoiles qui ſembloient entrer ſur le diſque de la lune, quelques momens avant que n’en être éclipſés, & qui par conſéquent paroiſſoient ſouffrir une réfraction dans ce paſſage. On en a vu d’autres ſe colorer de rouge à une approche ſemblable, & c’eſt auſſi ce qui arriva à la planète de vénus en 1715. »

Nous ajouterons ici que le P. Boſcovich dans ſa diſſertation de lunœ atmoſphœrâ, a prouvé que la lune pourroit avoir une atmoſphère auſſi denſe que l’eau, ſans qu’il fût poſſible de s’en appercevoir, & que cette atmoſphère pourroit bien être la cauſe qui empêche de diſtinguer les montagnes ſur le bord de la lune, tandis qu’on les voit diſtinctement ſur ſon diſque. On peut voir aussi ce que dit le P. Friſi, dans ſa diſſertation de atmoſphœrâ corporum cœleſtium, qui remporta le prix de l’académie en 1758. Le célèbre Euler a auſſi prouvé l’exiſtence de l’atmoſphère de la lune par les écliſses de ſoleil. Voyez les mémoires de l’académie de Berlin année 1748, pag. 103.

Non-ſeulement il y a dans la lune des montagnes & des vallées, mais encore des mers, d’où il doit s’élever des vapeurs propres à former une atmoſphère autour de la lune. Il y a des montagnes ; on eſt venu à bout même d’en meſurer la hauteur ; on en a trouvé une qui avoit environ trois lieues de hauteur. De plus, on y apperçoit de grands eſpaces dont la ſuperficie eſt unie, & qui réfléchit moins de lumière que d’autres ; or cet effet eſt propre aux ſurfaces des fluides qui, à cauſe de leur tranſparence, tranſmettant la plus grande partie de la lumière qui tombe sur eux, ne peuvent la réfléchir abondamment comme les corps ſolides. Or, de vastes mers doivent produire une grande évaporation de parties aqueuses, & conſéquemment former une atmoſphère.

Atmosphère des planètes. On ne peut douter qu’autour de la terre il n’y ait une atmoſphère ; la lune a ſûrement une atmoſphère, quoique peut-être moins conſidérable que celle de la terre ; les autres planètes reſſemblent ſi fort à la terre, qu’il eſt bien difficile de ne pas ſe perſuader qu’elles ne ſoient enveloppées d’une atmoſphère comme la terre. Les taches variables qu’on apperçoit ſur la planète de jupiter, ne ſemblent-elles pas prouver qu’elle a une atmoſphère changeante. Il en ſeroit probablement de même de ſaturne, ſi la grande diſtance de cette planète ne nous empêchoit d’y appercevoir des taches variables.

Mars, le premier octobre 1672, ayant éclipſé l’étoile moyenne dans l’eau du verſeau, M. Roëmer, qui chercha avec beaucoup d’attention autour de mars cette étoile quelque temps après ſon émerſion, ne la trouva qu’au bout de deux minutes & lorſqu’elle étoit déja éloignée du bord oriental de mars des deux tiers de ſon diamètre ; & il ne commença à la voir ſans difficulté, que quand elle fut éloignée de mars des trois quarts de ſon diamètre. Cette difficulté de voir cette étoile, qui eſt de la cinquième grandeur, très-proche de mars, a fait conclure avec raiſon que cette planète eſt environnée d’une atmoſphère, & cela, d’autant plus, qu’il n’y a pas la même difficulté à voir des étoiles de la même grandeur même juſqu’au bord de la lune. Voyez les anciens mémoires de l’académie des ſciences de Paris, Tome VII, pag. 359.

Pluſieurs aſtronomes ont obſervé des anneaux lumineux autour de vénus & de mercure dans le paſſage de ces planètes ſur le ſoleil. On en vit un à Montpellier dans le paſſage de mercure en 1736, & cet anneau continua de paroître ſix à ſept ſecondes après que la planète fut totalement ſortie de deſſus le diſque du ſoleil. M. de Fouchy, M. le Monnier, M. Chappe, M. Wargentin, ont auſſi vu cet anneau autour de vénus. Voyez les mémoires de l’académie des ſciences de Paris, année 1761, pag. 365. Le grand Caſſini, fondé ſur pluſieurs obſervations aſtronomiques, a auſſi admis des atmoſphères autour des planètes.

Le père Béraud, aſtronome de l’académie de Lyon, vit pendant le paſſage de mercure ſur le diſque du ſoleil du 6 mai 1753, un anneau lumineux autour de cette planète durant tout le temps qu’elle fut ſur le ſoleil, c’eſt-à-dire, pendant cinq heures. (voyez anneau de mercure) Or, cet anneau depend très-probablement de l’atmoſphère de mercure qui abſorbe ou intercepte une portion des rayons du soleil.

Ajoutons que les planètes étant des corps opaques & ronds comme notre globe ; de la terre & des mers qui y ſont, il doit s’élever des exhalaiſons & des vapeurs propres à former une atmoſphère. Il en eſt de même des comètes. Voyez Comètes.

Atmosphère du soleil. Le ſoleil eſt un grand corps de lumière qui a une atmoſphère comme toutes les maſſes lumineuſes qui brillent à nos yeux. L’atmoſphère ſolaire eſt une matière lumineuſe par elle-même, ou ſeulement éclairé par les rayons du ſoleil qui environne le globe de cet aſtre On l’apperçoit toujours autour du globe du ſoleil, dans ſes éclipſes totales pendant qu’il eſt caché par celui de la lune, La plupart des phyſiciens & des aſtronomes penſent que la Iumière zodiacale n’eſt autre choſe que l’atmoſphère ſolaire. Voyez ZODIACALE. C’eſt à cette atmoſphère du ſoleil que nous ſommes redevables de n’être pas plongés dans une nuit profonde pendant les éclipſes totales de ſoleil. Kepler même a donné cette raiſon : ſubſtantia craſſa cura ſolem, non hiis in iro aere, ſed in ipſâ ſede ſolis, apparetque etiam recto ſole ut flamma circulariter emicans. (Epitom. astr. copern. lib. VI. p. 895.) Et cette raiſon eſt fondée ſur ses obſervations & celles qu’on avoit faites généralement de ſon temps : ainſi on ne ſauroit douter de l’exiſtence de l’atmoſphère ſolaire, anciennement viſible comme elle l’eſt à préſent dans les circonſtances qui en favoriſent l’apparition.

L’atmoſphère du ſoleil, ſelon M. de Mairan, s’étend quelquefois juſqu’à plus de 30 millions de lieues : lorſque les dernières couches de l’atmoſphère ſolaire ne ſont pas éloignées de plus de 60 mille lieues de la terre, il penſe qu’elles tombent alors vers notre globe en vertu de la gravitation mutuelle des corps, la matière lumineuſe de l’atmoſphère ſolaire se précipitant en aſſez grande quantité dans l’atmoſphère terreſtre, doit y cauſer des aurores boréales. Mais cette grande étendue n’eſt donnée à l’atmoſphère du soleil, que par le beſoin du ſyſtème, & aucune preuve ne peut en être donnée. On peut voir au mot aurore boréale ce qu’il faut penſer de l’hypothèſe de M. Mairan.

Cet auteur qui fait jouer le plus grand rôle poſſible à l’atmoſphère ſolaire, croit encore que les queues des comètes réſultent de la partie de l’atmoſphère ſolaire dont les comètes ſe ſont chargées, & qu’elles ont entraînée avec elles en approchant de leur périhélie.

Atmosphère des étoiles. Les étoiles étant autant de ſoleils, on ne ſera pas ſurpris que ces aſtres lumineux par eux-mêmes, ayent une atmoſphère comme le ſoleil. Pluſieurs aſtronomes ont obſervé autour de quelques étoiles des eſpèces d’atmoſphères ; par exemple, Huyghens découvrit en 1656, un eſpace lumineux autour de la nébuleuſe d’orion ; cette clarté de figure irrégulière étoit moins bleue & moins foncée que le reſte du ciel. Cette eſpèce d’atmoſphère, celle de quelques autres étoiles, ainſi que l’atmoſphère du ſoleil, ſont ſujettes à des changemens conſidérables. M. Huyghens dit que ce n’eſt qu’avec de très-grandes lunettes qu’on peut les obſerver. Mrs. Picard, Godin, Fouchy & pluſieurs autres aſtronomes ont obſervé ce phénomène. M. de Mairan a vu auprès de l’eſpace lumineux d’orion, l’étoile D de M. Huyghens, environnée d’une clarté toute ſemblable à celle que produiroit, ſans doute, l’atmoſphère du ſoleil, ſi elle devenoit aſſez denſe & aſſez étendue pour être viſible avec des lunettes à une pareille diſtance.