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AIR

l’hiſtoire des maladies épidémiques, avec un journal de la température de l’air par rapport à la ville d’Yorck, depuis 1715 juſqu’en 1725. À ces ouvrages il faut joindre l’eſſai ſur les effets de l’air, par M. Jean Arbuthnot.

L’air rempli d’exhalaiſons animales, particulièrement de celles qui ſont corrompues, a ſouvent cauſé des fièvres peſtilentielles. Les exhalaiſons du corps humain ſont ſujettes à la corruption. L’eau où l’on s’eſt baigné acquiert, par le ſéjour, une odeur cadavéreuſe. Il eſt démontré que moins de 3 000 hommes placés dans l’étendue d’un arpent de terre, y formeroient de leur propre tranſpiration, dans 34 jours une atmoſphère d’environ 71 pieds de hauteur, laquelle n’étant point diſſipée par les vents, deviendroit peſtilentielle en un moment. D’où l’on peut inférer que la première attention en bâtiſſant des villes, eſt qu’elles ſoient bien ouvertes, les maiſons point trop hautes, & les rues bien larges. Des conſtitutions peſtilentielles de l’air ont été quelquefois précédées de grands calmes. L’air des priſons cauſe ſouvent des maladies mortelles : auſſi le principal ſoin de ceux qui ſervent dans les hôpitaux, doit être de donner un libre paſſage à l’air. Les parties corruptibles des cadavres enſevelis ſous terre, ſont emportées, quoique lentement, dans l’air ; & il ſeroit à ſouhaiter qu’on s’abſtînt d’enterrer dans les égliſes, & que tous les cimetières fuſſent hors des villes en plein air.

On peut juger de là, que dans les lieux où il y a beaucoup de monde aſſemblé, comme aux ſpectacles, l’air s’y remplit en peu de temps de quantité d’exhalaiſons animales très-dangereuſes par leur prompte corruption. Au bout d’une heure on ne reſpire plus que des exhalaiſons humaines ; on admet dans ſes poumons un air infecté ſorti de mille poitrines, & rendu avec tous les corpuſcules qu’il a pu entraîner de l’intérieur de toutes ces poitrines, ſouvent corrompues & puantes.

L’air extrêmement chaud peut réduire les ſubſtances animales à un état de putréfaction. Cet air eſt particulièrement nuiſible aux poumons. Lorſque l’air extérieur eſt de pluſieurs degrés plus chaud que la ſubſtance du poumon, il faut néceſſairement qu’il détruiſe & corrompe les fluides & les ſolides, comme l’expérience le vérifie. Dans une rafinerie de ſucre, où la chaleur étoit de 146 degrés, c’eſt-à-dire de 54 au-delà de celle du corps humain, un moineau mourut dans 2 minutes, & un chien en 28 ; mais ce qu’il y eut de plus remarquable, c’eſt que le chien jetta une ſalive corrompue, rouge & puante. En général, perſonne ne peut vivre long-temps dans un air plus chaud que ſon propre corps.

Le froid condenſe l’air proportionnellement à ſes degrés. Il contracte les fibres animales & les fluides, auſſi loin qu’il les pénètre ; ce qui eſt démontré par les dimenſions des animaux, réellement moindres dans le froid que dans le chaud. Le froid extrême agit ſur le corps en manière d’aiguillon, produiſant d’abord un picotement, & enſuite un léger degré d’inflammation, cauſé par l’irritation & le reſſerrement des fibres. Ces effets ſont bien plus conſidérables ſur le poumon, où le ſang eſt beaucoup plus chaud & les membranes très-minces. Le contact de l’air froid entrant dans ce viſcère, ſeroit inſupportable, ſi l’air chaud en étoit entièrement chaſſé par l’expiration. L’air froid reſſerre les fibres de la peau ; & refroidiſſant trop le ſang dans les vaiſſeaux, arrête quelques-unes des parties groſſières de la tranſpiration, & empêche quantité de ſels du corps de s’évaporer. Faut-il s’étonner que le froid cauſe tant de maladies ? Il produit le ſcorbut avec les plus terribles ſymptômes, par l’irritation & l’inflammation des parties qu’il reſſerre. Le ſcorbut eſt la maladie des pays froids, comme on le peut voir dans les journaux de ceux qui ont paſſé l’hiver dans le Groënland & dans d’autres régions froides. On lit dans les voyages de Martens & du capitaine Wood, que les Anglois ayant paſſé l’hyver en Groënland, eurent le corps ulcéré & rempli de veſſies ; que leurs montres s’arrêtèrent ; que les liqueurs les plus fortes ſe gelèrent, & que tout ſe glaçoit même au coin du feu. M. Formey.

L’air humide produit le relâchement dans les fibres animales & végétales. L’eau qui s’inſinue par les pores du corps, en augmente les dimenſions ; c’eſt ce qui fait qu’une corde de violon mouillée baiſſe en peu de temps. L’humidité produit le même effet ſur les fibres des animaux. Un nageur eſt plus abatu par le relâchement des fibres de ſon corps, que par ſon exercice. L’humidité facilite le paſſage de l’air dans les pores. L’air paſſe aiſément dans une veſſie mouillée. L’humidité affoiblit l’élaſticité de l’air ; ce qui cauſe le relâchement des fibres en temps de pluie. L’air ſec produit le contraire. Le relâchement des fibres dans les endroits où la circulation du ſang eſt imparfaite, comme dans les cicatrices & dans les parties luxées ou contuſes, cauſe de grandes douleurs.

Un des exemples de l’efficacité merveilleuſe de l’air, c’eſt qu’il peut changer les deux règnes, l’animal & le végétal, l’un en l’autre.

En effet, il paroît que c’eſt de l’air que procède toute la corruption naturelle & l’altération des ſubſtances ; & les métaux, & ſinguliérement l’or, ne ſont durables & incorruptibles que parce que l’air ne les ſauroit pénétrer. C’eſt la raiſon pourquoi on a vu des noms écrits dans le ſable ou dans la pouſſiére ſur de hautes montagnes, ſe lire encore bien diſtinctement au bout de quarante ans, ſans avoir été aucunement défigurés ou effacés.

Quoique l’air ſoit un fluide fort délié, il ne pénètre pourtant pas toutes ſortes de corps. Il ne pénètre pas, comme nous venons de dire, les métaux : il en eſt même quelques-uns qu’il ne pénètre pas, quoique leur épaiſſeur ne ſoit que

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