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ARC

offrandes ſe ſervoient par préférence de bois ſur lequel l’arc-en-ciel avoit reposé & qui en avoit été mouillé, parce qu’ils s’imaginoient, on ne ſait pourquoi, que ce bois rendoit une odeur bien plus agréable que les autres.

Pline ne paroît pas avoir fait des obſervations particulières ſur ce météore ; il se contente de rapporter ce qui étoit connu de ſon temps ; il a même raſſemblé peu de faits ſur ce sujet ſi intéreſſant. Mais laiſſons dans l’oubli tout ce que les anciens ont dit ſur l’arc-en-ciel ; leurs connoiſſances n’étoient pas aſſez avancées pour rien établir de ſatisfaiſant ſur cette matière ; il faut franchir un intervalle de temps conſidérable, pour aller jusqu’à Antonio de Dominis.

Marc-Antonio de Dominis, archevêque de Spalatro, montre dans ſon livre de radiis viſùs & lucis, imprimé à Veniſe en 1611, que [ l’arc-en-ciel eſt produit dans des gouttes rondes de pluie, par deux réfractions de la lumière ſolaire, & une réflexion entre deux ; & il confirme cette explication par des expériences qu’il a faites avec une fiole & des boules de verre pleines d’eau, expoſées au ſoleil. Il faut cependant reconnoître que quelques anciens avoient avancé antérieurement à Antoine de Dominis, que l’arc-en-ciel étoit formé par la réfraction des rayons du ſoleil dans des gouttes d’eau. Kepler avoit eu la même penſée, comme on le voit par les lettres qu’il écrivit à Brenger en 1605, & à Harriot en 1606. Deſcartes qui a ſuivi dans ſes météores l’explication d’Antoine de Dominis, a corrigé celle de l’arc extérieur. Mais comme ces deux savans hommes n’entendoient point la véritable origine des couleurs, l’explication qu’ils ont donnée de ce météore, eſt défectueuſe à quelques égards ; car Antoine de Dominis a cru que l’arc-en-ciel extérieur étoit formé par les rayons qui raſoient les extrémités des gouttes de pluie, & qui venoient à l’œil après deux réfractions & une réflexion. Or, on trouve par le calcul, que ces rayons dans leur ſeconde réfraction doivent faire un angle beaucoup plus petit avec le rayon du ſoleil qui paſſe par l’œil, que l’angle ſous lequel on voit l’arc-en-ciel intérieur ; & cependant l’angle ſous lequel on voit l’arc-en-ciel extérieur, eſt beaucoup plus grand que celui ſous lequel on voit l’arc-en-ciel intérieur : de plus, les rayons qui tombent fort obliquement ſur une goutte d’eau, ne font point de couleurs ſenſibles dans leur ſeconde réfraction, comme on le verra aisément par ce que nous dirons dans la ſuite. À l’égard de M. Deſcartes, qui a le premier expliqué l’arc-en-ciel extérieur par deux réflexions & deux réfractions, il n’a pas remarqué que les rayons extrêmes qui font le rouge, ont leur réfraction beaucoup moindre que ſelon la proportion de 3 à 4, & que ceux qui font le violet, ſont beaucoup plus grandes, de plus, il s’eſt contenté de dire qu’il venoit plus de lumière à l’œil ſous les angles de 41 & de 42 degrés, que ſous les autres angles, ſans prouver que cette lumière doit être colorée ; & ainſi il n’a pas ſuffiſamment démontré d’où vient qu’il paroît des couleurs ſous un angle d’environ 42 degrés, & qu’il n’en paroît point ſous ceux qui ſont au-deſſous de 40 degrés, & au-deſſus de 44 dans l’arc-en-ciel intérieur. Ce célèbre auteur n’a donc pas ſuffiſamment expliqué l’arc-en-ciel, quoiqu’il ait fort avancé cette explication. Newton l’a achevée par le moyen de sa doctrine des couleurs. ]

Plus les phénomènes que l’arc-en-ciel préſente, ſont brillans, plus le déſir d’en connoître la cauſe doit être vif. Afin de ſatisfaire nos lecteurs, nous allons expoſer en peu de mots, 1o. les principes d’où dépend ce météore ; 2o. une explication claire & abrégée de la manière dont il ſe forme 3o. une explication plus détaillée & plus compoſée ; 4o, la deſcription de quelques variétés & de différentes eſpèces d’arcs-en-ciel, tels que l’arc-en-ciel lunaire, l’arc-en-ciel marin, l’arc-en-terre, l’arc-en-ciel des cataractes & des cascades, les arcs-en-ciel blancs & les iris perpendiculaires ; 5o. la réfutation de quelques objection faites contre la théorie de Newton.

1o. Les principes d’où dépendent la formation de l’arc-en-ciel, ſont les loix de la réfraction, celles de la réflexion, & enfin les loix de la réfrangibilité des rayons de lumière.

Tout rayon de lumière qui paſſe obliquement d’un milieu dans un autre de différente nature, éprouve une déviation, un changement de direction qu’on appelle réfraction.

Cette réfraction ſe fait, ou en s’approchant, ou en s’éloignant de la perpendiculaire. Si le rayon de lumière paſſe obliquement d’un milieu moins attirant dans un milieu plus attirant, par exemple, de l’air dans l’eau, il s’approchera de la perpendiculaire ; il s’en éloignera au contraire, s’il va d’un milieu plus attirant dans un autre qui le ſoit moins, par exemple, de l’eau dans l’air.

Le ſinus de l’angle de réfraction eſt dans un rapport conſtant avec le ſinus de ſon angle d’incidence. Le rapport du ſinus de l’angle briſé ou réfracté, eſt, lorſque le rayon paſſe de l’air dans l’eau, comme 3 à 4, & réciproquement de 4 à 3 quand le paſſage ſe fait de l’eau dans l’air.

L’angle de réflexion eſt égal à l’angle d’incidence. La lumière étant un fluide parfaitement élaſtique, ſes rayons ſuivent cette loi bien plus exactement que les autres corps.

La lumière eſt compoſée de rayons de diverſes eſpèces, différemment réfrangibles & différemment réflexibles. Conſéquemment la réfraction la décompoſe en produiſant leur sſparation, & ces rayons ainſi ſéparés, ſe préſentent aux yeux avec les couleurs qui leur sont propres. Voici l’ordre des rayons