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donc égaux, & la différence de leurs poids doit donner celle de leurs peſanteurs ſpécifiques, ou le rapport de leur denſité. Pour cet effet, on fera cette proportion : la peſanteur ſpécifique de cette liqueur eſt à celle de l’eau, comme le poids du volume de cette liqueur, meſuré par l’aréomètre, eſt au poids du volume d’eau, auſſi meſuré par l’aréomètre. Ce qu’on vient d’établir ici, ſert à expliquer divers faits. Si tous les corps qui flottent s’enfoncent plus ou moins, ſuivant la denſité du fluide, une barque chargée en mer aura donc moins de parties hors de l’eau, ſi elle vient à remonter une rivière, car l’eau ſalée pèſe plus que l’eau douce, & les nageurs aſſurent qu’ils en ſentent bien la différence. On doit donc avoir égard à cet effet, & ne pas rendre la charge auſſi grande qu’elle pourroit l’être, ſi l’on prévoit qu’on doive paſſer par une eau moins chargée de ſel, que celle où l’on s’embarque. On a vu quelquefois des îles flottantes, c’eſt-à-dire, des portions de terre aſſez conſidérables qui ſe détachent du continent & ſe trouvant moins peſantes que l’eau, ſe ſoutiennent à la ſurface, & flottent au gré des vents. L’eau mine peu-à-peu certains terreins, qui ſont plus propres que d’autres à ſe diſſoudre : ces ſortes d’excavations s’augmentent avec le temps, & s’étendent au loin ; le deſſus demeure lié par les racines des plantes & des arbres, & le ſol n’eſt ordinairement qu’une terre bitumineuſe, fort légère ; de ſorte que cette eſpèce de croûte eſt moins peſante que le volume d’eau ſur lequel elle eſt reçue, quand un accident quelconque vient à la détacher de la terre ferme, & à la mettre à flot. L’exemple de l’aréomètre fait voir encore qu’il n’eſt pas beſoin, pour ſurnager, que le corps flottant ſoit d’une matière plus légère que l’eau ; car cet inſtrument ne ſe ſoutient point en vertu du verre ou du mercure dont il ſst fait, mais ſeulement parce qu’il a, avec peu de ſolidité, un volume conſidérable qui répond à une quantité d’eau plus peſante. Ainſi l’on pourroit faire des barques de plomb, ou de tout autre métal, qui ne s’enfonceroient pas. Et en effet, les chariots d’artillerie portent ſouvent à la ſuite des armées, des gondoles de cuivre, qui ſervent à établir des ponts pour le paſſage des troupes.

Aréomètre de Baumé pour les ſels & pour les liqueurs ſpiritueuſes. Cet inſtrument eſt un aréomètre ordinaire, fait en verre, comme on le voit dans la figure 266. On le gradue de la manière ſuivante : on marque zéro à l’endroit du tube où il ceſſe de s’enfoncer dans l’eau pure ; c’eſt le premier terme de la graduation qui doit ſe trouver vers l’extrémité ſupérieure de ce tube. On obtient le ſecond terme, en préparant une eau ſalée, dans laquelle on fait diſſoudre quinze livres de ſel marin très-ſec & très-pur, dans quatre-vingt-cinq livres d’eau, ce qui forme cent livres de liquide. On ſimplifie cette opération, en n’employant que quinze onces de ſel, & quatre-vingt-cinq onces d’eau, car le rapport eſt le même. Enſuite on plonge l’inſtrument dans cette liqueur à une température déterminée, (car lorſque la liqueur eſt plus froide l’inſtrument s’y enfonce moins.) Quand l’aréomètre ceſſe de s’y enfoncer, on marque cet endroit ſur le tube, & on y le chiffre quinze degrés, ce qui forme le ſecond terme de la graduation.

Après cette opération, on diviſe l’intervalle qui ſe trouve entre ces deux termes en portions égales qui ſont autant de degrés. Cet intervalle ainſi diviſé peut ſervir d’étalon pour diviſer de la même manière la partie inférieure du tube, à laquelle on a eu ſoin de donner, en la formant, aſſez de longueur. Pour cet effet, on prend avec un compas la diſtance de zéro à 15, que l’on reporte en bas & que l’on diviſe de même ; ce qui donne 30 degrés ſur l’inſtrument. On peut ainſi augmenter le nombre des degrés juſqu’à 80, ſi on le juge à propos, quoiqu’on ait jamais occaſion de s’en ſervir.

Comme il n’est pas aiſé d’avoir des tubes parfaitement cylindriques, on y remédiera, en formant les degrés de l’aréomètre les uns après les autres. Ainſi on prendra une livre de ſel qu’on fera diſſoudre dans quatre-vingt-dix-neuf livres d’eau, & l’endroit où l’aréomètre plongé dans cette liqueur s’arrêtera, formera le premier degré. Pour marquer le ſecond degré, on fera diſſoudre deux livres du même ſel, dans quatre-vingt-dix-huit livres d’eau : pour le troiſième degré, ou prendra trois livres de ſel, & quatre-vingt-dix-sept livres d’eau, & ainſi de ſuite, juſqu’à ce que l’on ſoit parvenu à graduer entièrement l’aréomètre, en diminuant toujours la quantité de l’eau, d’autant de livres que l’on ajoute de livres de ſel. Toutes ces opérations doivent ſe faire dans une cave, & il faut y laiſſer les liqueurs aſſez de temps, pour qu’elles en prennent la température, qui eſt de dix degrés au-deffus de la congélation. Pendant l’opération, il faut prendre garde qu’il n’y ait aucune évaporation, qui diminueroit la quantité d’eau, de ſorte que les proportions ne ſe trouveroient plus.

Ce procédé ſert à conſtruire un aréomètre pour connoître le degré de rectification des liqueurs ſpiritueuſes. Afin de le conſtruire, il faut deux liqueurs propres à fournir deux termes ; l’un ſera l’eau pure, & l’autre cette eau chargée d’une quantité déterminée de ſel. On prépare cette dernière liqueur, en prenant dix onces de ſel marin purifié & bien ſec : on les met dans un matras ; & après avoir verſé par-deſſus quatre-vingt-dix onces d’eau pure, on agite le matras, afin de faciliter la diſſolution du ſel.

Lorſque le ſel eſt diſſous dans l’eau, on prend un aréomètre dispoſé comme le précédent, & ſuffiſament chargé de mercure : on le-plonge dans cette liqueur : il doit s’y enfoncer à deux ou trois lignes au-deſſus de la ſeconde boule ; s’il s’y