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corps, n’eſt donc point abſolue, comme le remarque M. Macquer, elle eſt ſeulement relative au degré de chaleur qu’ils éprouvent.

L’argent ſe criſtalliſe en pyramides tétraëdres, mais pour cet effet le refroidiſſement doit être lent & tranquille ; l’action combinée de l’air & de l’eau n’altère pas la couleur & le brillant de l’argent, & n’y occaſionne aucune rouille ; néanmoins la ſurface de ce métal ſe ternit un peu. On a cru long-temps que ce métal étoit indeſtructible par l’action combinée de la chaleur & de l’air ; il eſt certain que, tenu en fuſion avec le contact de l’air, il ne paroît pas s’altérer ſenſiblement. Cependant Macquer ayant expoſé de l’argent dans un creuſet de porcelaine au feu qui cuit celle de Sève ; a obtenu, à la vingtième fuſion, une matière vitriforme d’un vert d’olive qui paroît être un véritable oxide (chaux) d’argent vitreux. Junker avoit eu le même réſultat par un autre procédé. L’argent expoſé au foyer des verres ardens dont on a parlé plus haut, a toujours préſenté une matière blanche, pulvérulente à ſa ſurface, & un enduit vitreux verdâtre. Ces deux faits, dit M. Fourcroy, ne peuvent laiſſer de doute ſur l’altération de l’argent, quoiqu’il ſoit beaucoup plus difficile à oxider que les autres matières métalliques ; il eſt cependant ſuſceptible de ſe changer à la longue en un oxide blanc qui, traité à un feu violent, donne un verre couleur d’olive. La commotion électrique paroît oxider ce métal.

L’eau n’a pas d’action ſur l’argent. Les matières ſalino-terreuſes & les alkalis n’agiſſent pas non plus ſur lui d’une manière ſenſible.

L’acide vitriolique (ſulfurique) très-concentré & bouillant, diſſout l’argent très-diviſé : de cette diſſolution, on obtient une grande-quantité de gaz acide ſulfureux.

L’acide nitreux (nitrique) oxide & diſſout l’argent avec rapidité, même ſans chaleur ; & il ſe dégage alors beaucoup de gaz nitreux. L’acide nitrique peut même diſſoudre plus de la moitié de ſon poids d’argent. Cette diſſolution eſt d’une très-grande cauſticité : en faiſant évaporer, on obtient par le refroidiſſement une grande quantité de cristaux blancs, en forme d’écailles, nommés cryſtaux de lune. C’eſt du nitrate d’argent qui détonne bien ſur un charbon ardent, & laiſſe enſuite une poudre blanche qui eſt de l’argent pur : il eſt très-fuſible & forme la pierre infernale.

Preſque toutes les matières métalliques décompoſent la diſſolution nitrique d’argent ayant plus d’affinité avec ce métal, qu’avec l’acide nitrique. La plupart des métaux & des demi-métaux précipitent l’argent dans ſon état métallique parce qu’ils lui enlèvent l’oxigène avec lequel ils ont plus d’affinité. Dans une diſſolution de l’argent par l’acide nitrique, étendue dans l’eau, la lenteur de la précipitation par le mercure, produit un arrangement ſymmétrique auquel on a donné le nom d’arbre de Diane (Voyez arbre de Diane.) parce qu’il repréſente une ſorte de végétation en forme de buiſſon, plus ou moins touffu.

Le cuivre plongé dans une diſſolution d’argent en précipite de même ce métal ſous la forme brillante & métallique. C’eſt le procédé uſité pour ſéparer l’argent de ſon diſſolvant après l’opération du départ.

L’acide marin (muriatique) ne diſſout point immédiatement l’argent, mais bien ſon oxide. Lorſque cet acide eſt ſurchargé d’oxigène, il oxide facilement le métal. L’acide nitro-muriatique agit ſur l’argent, & le précipite à meſure que la diſſolution s’opère. On ne connoît pas bien l’action des autres acides ſur l’argent.

L’argent s’unit avec l’arſenic, qui le rend caſſant, il se combine difficilement avec le cobalt. Il s’allie très-bien au biſmuth, & forme avec lui un métal mixte fragile. Ce métal ſe fond avec l’antimoine, & l’alliage qui en réſulte eſt très-fragile ; il ſe combine facilement avec le zinc, par la fuſion, & l’alliage eſt très-caſſant. Il s’unit très-bien avec l’étain qui, même en petite doſe, lui fait perdre toute ſa ductilité. Il s’allie promptement avec le plomb, qui le rend très-fuſible, & qui lui ôte ſon élaſticité & ſa qualité ſonore. Il ſe combine avec le fer. De cet alliage, il réſulte une ſubſtance preſqu’auſſi blanche que l’argent, laquelle eſt malléable & attirable à l’aimant. Il ſe fond & ſe combine en toutes proportions avec le cuivre qui ne lui ôte pas ſa ductilité, mais le rend plus dur & plus ſonore, & avec lequel il forme un alliage ſouvent employé dans les arts.

Le mercure diſſout complétement, & même à froid, l’argent ; mais il diſſout l’or plus facilement, & moins aiſément le plomb, l’étain, le cuivre & le fer. L’alliage de l’argent avec le mercure a non-ſeulement une peſanteur ſpécifique plus grande qu’elle ne devroit être, ſuivant les règles de l’alliage, mais encore elle eſt plus grande que celle du mercure même, quoique l’argent ſoit plus léger. La preuve en eſt que l’amalgame d’argent va au fond du mercure ; & de plus cela eſt démontré par les expériences de la balanee hydroſtatique.

On trouve l’argent ſous différentes formes dans l’intérieur de la terre : l’argent vierge ou natif qui a ſon brillant & ſa ductilité ; on remarque en lui différentes variétés pour la forme ; mais plus communément la nature nous le préſente dans l’état minéral ; il eſt alors uni avec beaucoup de matières hétérogènes, telles que des ſubſtances métalliques & des ſubſtances minéraliſantes, qui ſont le soufre & l’arſenic, dont on le ſepare par divers procédés usités dans l’art docimaſtique & dans les travaux en grand des mines.