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points voiſins de chaque pôle, & des deux pôles enſemble. Lorſqu’on a taillé un aimant, la vertu attractive de chaque côté, trop diſtribuée dans une grande ſurface, perd en intenſité ce qu’elle gagne en ſuperficie. Mais ſi on a ſoin de donner de justes proportions aux pieds de l’armure, alors cette vertu eſt raſſemblée & comme concentrée dans un eſpace moindre, & acquiert conſéquemment de la force. En réuniſſant les deux pôles, c’eſt-à-dire, la vertu concentrée des deux côtés des pôles, on augmente encore la vertu attractive. C’eſt pourquoi on met toujours des portans, des pièces de contact, Α B C D, (fig. 347 & 349) aux aimans naturels & artificiels. C’eſt au mot Magnétisme, que nous traiterons de la cauſe des phénomènes de l’aimant ; on y verra celle de l’augmentation de force par l’armure.

C’eſt à la force que donne l’armure à un aimant, qu’il me paroît qu’on doit attribuer la cauſe des phénomènes qu’on a rapportés, il n’y a qu’un inſtant, & qui ſont repréſentés dans les fig. 350 & 351. Le pôle Α ne peut ſupporter ſeul le barreau de fer Α B ; mais lorſqu’on y a mis la traverſe G, la vertu magnétique des deux pôles ſe trouve réunie, & capable conſéquemment de produire un effet plus grand. La traverſe étant ôtée, il n’y a que la force attractive du pôle Α qui agit, & comme elle eſt inſuffisante pour soutenir le barreau Α B, il n’eſt pas étonnant que celui-ci tombe.

La pratique d’armer les aimans naturels, eſt ancienne, mais ce n’eſt qu’en 1740, que M. l’abbé Nollet imagina de faire armer des aimans artificiels. Pour cet effet, il fit réunir par des ligatures de cuivre, douze lames d’acier trempé ; & à leurs extrémités, il fit attacher deux armures ſemblables à celles que l’on met aux pierres d’aimant. Cet aimant artificiel qui, avant d’être armé, n’enlevoit par le bout le plus fort, qu’une livre & demie de fer, ou à-peu-près, porta, quand il le fut, un poids de ſix livres & demie, par le moyen d’une pièce de fer qu’on mit en contact ſur les deux maſſes des armures. Il paroît que c’eſt la première fois qu’on ait réuni l’action des deux pôles d’un aimant artificiel, par une lame de fer qui communiquât de l’un à l’autre.

On augmente prodigieuſement la force attractive de l’aimant, en la réuniſſant avec la force directive, au moyen d’une armure de fer ou d’acier ; car cette armure fait converger les directions ; en ſorte qu’il ne reſte à l’aimant armé, qu’une portion des forces directives qu’il avoit étant à nu, & que ce même aimant nu, qui, par ſes parties polaires, ne pouvoit ſoutenir qu’un certain poids de fer, en ſoutiendra dix, quinze ou vingt fois davantage, s’il eſt bien armé ; & plus le poids qu’il ſoutiendra, étant nu, ſera petit, plus l’augmentation du poids qu’il pourra porter, étant armé, ſera grande ; les forces directives de l’aimant ſe réuniſſent donc avec ſa force attractive, & toutes ſe portant ſur l’armure, y produiſent une intenſité de force bien plus grande, ſans que l’aimant en ſoit plus épuiſé ; cela ſeul, dit M. de Buffon, prouveroit que la force magnétique ne réſide pas dans l’aimant, mai qu’elle eſt déterminée vers le fer & l’aimant, par une cauſe extérieure, dont l’effet peut augmenter ou diminuer, ſelon que les matières ferrugineuſes lui ſont préſentées d’une manière plus ou moins avantageuſe ; la force attractive n’augmente ici que par ſa réunion avec la force directive, & l’armure ne fait que réunir ces deux forces ſans leur donner plus d’extenſion ; car, quoique l’attraction, dans l’aimant armé agiſſe beaucoup plus puiſſamment ſur le fer, qu’elle retient plus fortement, elle ne s’étend pas plus loin que celle de l’aimant nu.

Cette plus forte attraction produite par la réunion des forces attractives & directives de l’aimant, paroît s’exercer en raiſon des ſurfaces ; par exemple, ſi la ſurface plane d’un pied de l’armure contre laquelle on applique le fer, eſt de trente-ſix lignes quarrées, la force de l’attraction ſera quatre fois plus grande que ſur une ſurface de neuf lignes quarrées, autre preuve que la cauſe de l’attraction magnétique eſt extérieure, & ne pénètre pas la maſſe de l’aimant, puiſqu’elle n’agit qu’en raiſon des ſurfaces, au lieu que celle de l’attraction univerſelle, agiſſant toujours en raiſon des maſſes, eſt une force qui réſide dans toute matière. D’ailleurs, toute force dont les directions ſont différentes, & qui ne tend pas directement du centre à la circonférence, ne peut pas être regardée comme une force intérieure, proportionnelle à la maſſe, & n’eſt en effet qu’une action extérieure qui ne peut ſe meſurer que par ſa proportion avec la ſurface. M. Daniel Bernoulli a trouvé, en effet, par pluſieurs expériences, que la force attractive des aimans artificiels de figure cubique, croiſſoit comme la ſurface, & pas comme la maſſe de ces aimans (Voyez ſa lettre à M. Trembley.)

Les deux pôles d’un aimant ſe nuiſant réciproquement par leur action contraire, lorſqu’ils ſont trop voiſins l’un de l’autre, la position de l’armure & la figure de l’aimant, doivent également influer ſur ſa force, & c’eſt, par cette raiſon, que des aimans foibles gagnent quelquefois davantage à être armés que des aimans plus forts. Cette action contraire des deux pôles trop rapprochés, ſert à expliquer pourquoi deux barres aimantées, qui ſe touchent, n’attirent pas un morceau de fer avec autant de force, que lorſqu’elles ſont à une certaine diſtance l’une de l’autre. Œpinus ; n°. 248.

Les pieds de l’armure doivent être placés ſur les pôles de la pierre, pour réunir le plus de force ; ces pôles ne ſont pas des points mathématiques, ils ont une certaine étendue, & l’on recoinnoît aiſément les parties polaires d’un aimant, en ce qu’elles retiennent le fer avec une grande