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indique néanmoins une tradition fort ancienne ſur le goût des patriarches pour l’aſtronomie, on ne peut douter, dit M. de Caſſini, que l’aſtronomie n’ait été inventée dès le commencement du monde : « comme il n’y a rien de plus ſurprenant que la régularité du mouvement de ces grands corps lumineux, qui tournent inceſſamment autour de la terre, il eſt aiſé de juger qu’une des premières curioſités des hommes, a été de conſidérer leur cours, & d’en obſerver les périodes. » La néceſſité, encore plus que la curioſité, dut auſſi les y obliger ; car ſi l’on n’obſerve les ſaiſons qui ſe diſtinguent par le mouvement du ſoleil, il eſt impoſſible de réuſſir dans l’agriculture, ni d’établir aucun ordre dans la ſociété.

Afin de mettre quelque ordre dans les recherches qui ont été faites ſur l’origine de cette ſcience, il eſt néceſſaire de diſtinguer les époques, la mythologie, qui remonte tout au plus à 2 300 ans avant l’ère chrétienne, temps auquel on a coutume de ſuppoſer le déluge ; les obſervations chaldéennes, qui ne vont guère qu’à 720 ans avant J. C. & les recherches de détail qui n’ont commencé que 400 ans avant l’ère chrétienne.

Origine fabuleuſe de l’aſtronomie. Diodore de Sicile parlant des Atlantes, dit que ce peuple, le plus policé de l’Afrique, dont le pays étoit riche & rempli de grandes villes, prétendoit qu’Uranus, leur premier roi, qui raſſembla les hommes en ſociété, étoit ſoigneux obſervateur des aſtres, qu’il détermina pluſieurs circonſtances de leurs révolutions, meſura l’année par le cours du ſoleil, & les mois par celui de la lune, & déſigna le commencement & la fin des ſaiſons. Les prédictions d’Uranus le firent mettre au rang des dieux après ſa mort, & on donna ſon nom à la partie ſupérieure de l’univers. Uranus eut, dit-on, quarante-cinq enfans de pluſieurs femmes ; les dix-huit qu’il eut de Titœla, furent appelés Titans : il fut auſſi père d’Atlas & de Saturne. Atlas excella dans l’aſtrologie, & repréſenta l’univers par une ſphère ; c’est pour cette raiſon qu’on a prétendu qu’Atlas portoit le monde ſur ſes épaules.

Heſper, un des enfans d’Atlas, recommandable par ſa piété & ſa juſtice, fut auſſi obſervateur des aſtres ; on lui décerna encore les honneurs divins, & on donna ſon nom d’Heſper au plus brillant des aſtres, à Vénus. Hercule tranſmit enſuite aux Grecs, les connoiſſances aſtronomiques qu’il avoit reçues d’Atlas, & il paſſa dans la ſuite pour l’inventeur de l’aſtronomie. Aux fables d’Uranus, d’Atlas & d’Hercule, on doit ajouter celles de tous les hommes illuſtres qui s’étoient diſtingués dans l’aſtronomie, & qui paſſèrent pour en être les inventeurs. Lucien, dans ſon petit ouvrage ſur l’aſtrologie, explique par là les fables d’Orphée, de Tiréſias, Atrée, Thieſte, Bellerophon, Phryxus, Dœdale, Paſiphaé, Endymion, Phaéton, Muſœus, Linus, Caſſiopée, Céphée, Prométhée qui tous, au jugement des anciens, durent leur célébrité à leurs connoiſſances dans l’aſtronomie.

Tout ce qu’on vient de voir juſqu’ici, n’eſt qu’une tradition obſcure & fabuleuſe ; mais vers le temps de l’expédition des Argonautes, 1 300 ou 1 400 ans avant Jésus-Chriſt, l’aſtronomie fit quelques progrès. Le Centaure Chiron, Theſſalien, que d’autres ont dit être fils de Saturne, apprit aux hommes les figures du ciel, ſuivant l’auteur de Ia Titanomachie. L’expédition fameuſe des Argonautes, paroît liée avec l’établiſſement des conſtellations dans la Grèce, comme l’obſerve M. Newton, dans ſa chronologie. On voyoit ſur la ſphère de Muſœus, le bélier d’or, qui étoit le pavillon du navire dans lequel Phryxus ſe ſauva dans la Colchide ; le taureau aux pieds d’airain, dompté par Jaſon ; les gémeaux, Castor & Pollux, deux des Argonautes ; le Cigne de Léda leur mère ; le Navire Argos, l’Hydre, ce dragon ſi vigilant ; la coupe de Médée, &c. &c ; le cancer, le lion ; enfin la lyre d’Orphée, qui étoit auſſi l’un des Argonautes. Tout cela ſemble prouver que ces noms furent donnés par les Grecs aux conſtellations peu-après le temps du voyage des Argonautes.

De l’aſtronomie des Chaldéens. Lorſque les enfans de Noé eurent quitté les rochers de la Gordienne, & commencé à former un peuple nombreux dans les grandes plaines de Sennaar, où fut bâtie la ville de Babylone, ils portèrent plus particulièrement leur attention vers le ciel, où tout concouroit à ſixer leurs regards. La garde des troupeaux faiſoit leur principale occupation ; mais la chaleur du jour les déterminoit à choiſir le temps de la nuit pour leurs travaux, leurs exercices & leurs voyages. Les Chaldéens firent donc des progrès diſtingués dans l’aſtronomie. L’aſtrologie des Babyloniens eſt citée dans divers endroits de l’écriture. Pluſieurs auteurs ont regardé Abraham comme un aſtronome Chaldéen, qui avoit appris l’arithmétique & l’aſtronomie aux Égyptiens. Il eſt parlé de pluſieurs conſtellations dans le livre de Job, & Job étoit Arabe & voiſin de la Babylonie. On trouve, dès le temps d’Achaz, 750 ans avant J. C. l’uſage des cadrans ſolaires à Jéruſalem, & il paroît qu’on les avoit reçus des Babyloniens, à qui Hérodote en attribue l’invention. Les Chaldéens prétendoient avoir des obſervations ou annales de 470 mille ans ; mais Diogène-Laërce réduit ce nombre à 48 863 ans avant Alexandre. Cicéron regardoit ces prétentions d’ancienneté comme une folie ou une impoſture. On croit communément que les anciens avoient compté leurs mois pour des années.

La plus ancienne obſervation eſt une éclipſe de lune, faite à Babylone 720 ans avant J. C. Ptolomée, dans ſon Almageſte, le plus ancien ouvrage d’aſtronomie que nous ayons, l’emploie