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quarré ne ſuffiroit pas. Les différens points du ſyſtême du monde, au moins ceux que nous avons examinés juſqu’ici, s’accordent avec la loi du quarré des diſtances. Cependant, comme cet accord n’eſt qu’un à-peu-près, il eſt clair qu’ils s’accorderoient de même avec une loi qui ſeroit un peu différente de celle du quarré des diſtances ; mais on ſent bien qu’il ſeroit ridicule d’admettre une pareille loi par ce seul motif.

Reſte donc à ſavoir, ſi un ſeul phénomène, qui ne s’accorderoit point avec la loi du quarré, ſeroit une raiſon ſuffisante pour nous obliger à changer cette loi dans tous les autres, & s’il ne ſeroit pas plus ſage d’attribuer ce phénomène à quelque cauſe ou loi particulière. M. Newton a reconnu lui-même d’autres forces que celle-là, puiſqu’il paroît ſuppoſer que la force magnétique de la terre agit ſur la lune, & l’on ſait combien cette force eſt différente de la force générale d’attraction, tant par ſon intenſité, que par les loix ſuivant leſquelles elle agit.

M. de Maupertuis, un des plus célèbres partiſans du Newtonianiſme, a donné, dans ſon diſcours ſur les figures des aſtres, une idée du ſyſtême de l’attraction, & des réflexions ſur ce ſyſtême auxqueiles nous croyons devoir renvoyer nos lecteurs, comme au meilleur précis que nous connoiſſions de tout ce qu’on peut dire ſur cette matière. Le même auteur obſerve dans les mémoires académiques, 1734 ; que MM. de Roberval, de Fermat & Paſcal, ont créé long-temps avant M. Newton, que la peſanteur étoit une vertu attractique & inhérente aux corps : en quoi l’on voit qu’ils ſe ſont expliqués d’une manière bien plus choquante pour les Cartéſiens, que M. Newton ne l’a fait. Nous ajouterons que M. Hook avoit eu la même idée, & avoit prédit qu’on expliqueroit un jour très-heureuſement par ce-principe les mouvemens des planètes. Ces réflexions, en augmentant le nombre des partiſans de M. Newton, ne diminuent rien de ſa gloire, puiſqu’étant le premier qui ait fait voir l’uſage du principe, il en eſt proprement l’auteur & le créateur. Voyez Newtonianisme.

Attraction des montagnes. Quelque nombreuſes & péremptoires que ſoient les preuves de la réalité de l’attraction, aux yeux de bien des philoſophes, il manqueroit quelque choſe à ce concours de démonſtration, ſi les montagnes qui ſont des corps dont la maſſe eſt aſſez conſidérable, ne donnoient des marques d’une attraction non-équivoque. Or, la plupart des hautes montagnes en ont toujours donné ; mais quoique ces preuves ſoient auſſi anciennes que le monde, ce n’eſt que depuis peu qu’on y fait attention.

Les vapeurs & les nuages ſont des corps légers ſuſpendus dans la vaſte région des airs ; étant en équilibre & ſoutenus par l’air, ils nagent dans l’atmoſphère comme dans un fluide, & ſont diſpoſés à obéir à toutes les impreſſions qui peuvent les déterminer à prendre telle ou telle direction. Souvent les nuages ſont portés par les vents dans des directions qui les éloigneroient de la maſſe des montagnes ; mais lorſque leur diſtance n’eſt pas trop grande, ils ſont attirés par elles. Pour que cet effet ait lieu, pluſieurs conditions ſont néceſſaires ; 1o. la maſſe des montagnes doit être aſſez grande, la force attractive étant proportionnelle à la quantité de la matière ; 2o. il faut que le ſommet des montagnes ait une élévation ſuffiſante, afin d’atteindre à la région des nuages ; 3o. les nuages doivent être dans la ſphère d’activité de la montagne, parce que la force attractive ne peut s’étendre au-delà de cette ſphère ; 4o. il eſt néceſſaire que ces vapeurs & ces nuages, qui ſont toujours dans un état d’équilibre & d’équipondérance, ne ſoient pas pouſſés par des vents trop impétueux, capables de leur communiquer une impreſſion ſupérieure à celle de l’attraction des montagnes. Toutes ces conditions exiſtant, j’ai toujours vu les vapeurs & les nuages être attirés par les hautes montagnes du Languedoc, par celles des Pyrénées. Les Alpes produiſent encore les mêmes effets : tout obſervateur attentif fera conſtamment les mêmes obſervations.

Je pourrois rapporter ici pluſieurs obſervations que j’ai faites ſur cet objet avec beaucoup de détail, mais j’aime mieux confirmer cette vérité, en faiſant connoître ce qu’ont vu pluſieurs autres obſervateurs.

Dans le troiſième voyage du capitaine Cook, (tom. IV, pag. 150, édit. in-8°.) on lit qu’étant à Owhyhée, une des îles Sandwich, où il a demeuré quatre mois, ils eurent de fréquentes occaſions d’obſerver ce phénomène. « Nous vîmes communément les nuages ſe raſſembler autour des ſommets des collines, & verſer la pluie ſous le vent ; mais ces nuages ſe diſperſent lorſque le vent les a ſéparés de la terre ; ils ſe perdent dans l’atmoſphère, & ils ſont remplacés par d’autres ; c’eſt ce qui arrivoit chaque jour à Owhyhée ; les montagnes étoient pour l’ordinaire enveloppées d’un nuage ; des ondées tomboient ſucceſſivement ſur les diverſes parties de l’intérieur de l’île, tandis qu’on avoit un beau temps & un ciel pur au bord de la mer. »

M. Delamanon a obſervé la même choſe, & particulièrement ſur le brouillard de 1783, qui fut attiré par pluſieurs grandes maſſes de montagnes où il ſe trouva dans cette circonſtance ; il a depuis vérifié pluſieurs fois cette obſervation.

M. le Grand d’Auſſi a remarqué le même phénomène en Auvergne, ſur le Puy-de-Dôme. « Si l’atmoſphère, dit-il, n’eſt chargée que de ces vapeurs déliées & inviſibles, qui n’empêchent point Ie ciel d’être beau, ou ſi les nuages ſont trop élevés, ſon attraction ne peut agir ſur eux ; alors