Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/365

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ſa cîme eſt pure & nette, & c’eſt ainſi qu’il devient le ſigne d’un beau temps. Si au contraire ils deviennent plus peſans & s’abaiſſent, alors la force attractive des quarante montagnes de la chaîne, agit ſur eux. Forcés de céder à cette maſſe puiſſante, ils s’en approchent ; mais dans leur deſcente, rencontrant Dôme, qui plus élevé & plus conſidérable qu’elles, a une action antérieure & ſupérieure à la leur, ils ſe portent vers lui, & vont ſe réunir autour de ſa cîme, » Des nuages étoient à une grande diſtance de Dôme ; tout-à-coup ils changeoient de direction pour s’approcher de lui ; en avançant, ils augmentoient graduellement de vîteſſe, & venoient avec impétuoſité s’y précipiter les uns après les autres. Quelquefois ils lui formoient une couronne, qui ſelon leur volume & l’état de l’atmoſphère, avoit plus ou moins de hauteur.

On ne ſauroit donc douter que le ſommet des montagnes n’attirent les nuages &les vapeurs ; & qu’enſuite condenſées, elles ne ſe réſolvent en pluie, en neie, en grêle, &c. lorſque les circonſtances ſont propres à produire ces divers météores ; mais plus généralement on obſerve les vapeurs s’arrêter ſur les montagnes, les envelopper preſqu’en entier, & ſe fixer ſur leurs côtés ; de ſorte que des vents foibles ne peuvent les en détacher, l’attraction des montagnes étant ſupérieure à la force actuelle de ces vents.

Mais une des preuves les plus triomphantes de l’attraction des montagnes, eſt la déviation du fil à plomb, occaſionné par la force attractive de la maſſe des montagnes.

Il eſt certain, dit M. d’Alembert, que ſi l’on admet l’attraction de toutes les parties de la terre, il peut y avoir des montagnes dont la maſſe ſoit aſſez conſidérable pour que leur attraction ſoit ſenſible. En effet, ſuppoſons pour un moment que la terre ſoit un globe, d’une denſité uniforme, & dont le rayon ait 1 500 lieues, & imaginons ſur quelque endroit de la ſurface du globe une montagne de la même denſité que le globe, laquelle ſoit faite en demi-ſphère, & ait une lieue de hauteur, il eſt aiſé de prouver qu’un poids placé au bas de cette montagne, ſera attiré dans le ſens horiſontal, par la montagne, avec une force qui ſera la trois millième partie de la peſanteur ; de manière qu’une pendule ou fil à plomb, placé au bas de cette montagne, doit s’écarter d’environ une minute de la ſituation verticale ; le calcul n’en eſt pas difficile à faire, on peut le sſppoſer.

Il peut donc arriver que quand on obſerve la hauteur d’un aſtre au pied d’une fort groſſe montagne, le fil à plomb, dont la direction ſert à faire connoître cette hauteur, ne ſoit point vertical, & ſi l’on faiſoit un jour cette obſervation, elle fourniroit, ce ſemble, une preuve conſidérable en faveur du ſyſtème de l’attraction. Mais comment s’aſſurer qu’un fil à plomb n’eſt pas exactement vertical, puiſque la direction même de ce fil eſt le ſeul moyen qu’on puiſſe employer pour déterminer la ſituation verticale. Voici le moyen de réſoudre cette difficulté.

Imaginons une étoile au nord de la montagne & que l’obſervateut ſoit placé au ſud ; ſi l’attraction de la montagne agit ſenſiblement ſur le fil à plomb, il ſera écarté de la ſituation verticale vers le nord, & par conſéquent le zénith apparent reculera, pour ainſi dire, d’autant vers le ſud : ainſi la diſtance obſervée de l’étoile au zénith doit être plus grande que s’il n’y avoit point d’attraction ; donc ſi après avoir obſervé au pied de la montagne la diſtance de cette étoile au zénith, on ſe tranſporte loin de la montagne sur la même ligne à l’eſt ou à l’ouest, enſorte que l’attraction ne puiſſe plus avoir d’effet ; la diſtance de l’étoile, obſervée dans cette nouvelle ſtation, doit être moindre que dans la première ; au cas que l’attraction de la montagne produiſe un effet ſenſible.

On peut auſſi ſe ſervir du moyen ſuivant, qui eſt encore meilleur : il eſt viſible que ſi le fil-à-plomb au ſud de la montagne, eſt écarté vers le nord, ce même fil-à-plomb au nord de la montagne, ſera écarté ſers le ſud ; ainſi le zénith qui dans le premier cas, étoit pour ainsi dire reculé en arrière vers le ſud, ſera dans le ſecond cas rapproché en avant vers le nord ; donc dans le ſecond cas la diſtance de l’étoile au zénith ſera moindre que s’il n’y avoit pas d’attraction, au lieu que dans le premier cas elle étoit plus grande. Prenant donc la différence de ces deux diſtances, & la diviſant par la moitié, on aura la quantité dont le pendule eſt écarté de la ſituation verticale par l’attraction de la montagne.

On peut voir toute cette théorie fort clairement expoſée avec pluſieurs remarques qui y ont rapport, dans un excellent mémoire de M. Bouguer, imprimé en 1749, à la fin de ſon livre de la figure de la terre. Il donne dans ce mémoire le détail des obſervations qu’il fit conjointement avec M. de la Condamine, au ſud & au nord d’une groſſe montagne du Pérou appelée Chimboraco ; il réſulte de ces obſervations, que l’attraction de cette groſſe montagne écarte le fil-à-plomb d’environ 7 ſecondes & demie de la ſituation verticale.

Au reſte, M. Bouguer fait à cette occaſion la remarque judicieuſe, que la plus groſſe montagne pourroit avoir très-peu de denſité par rapport au globe terreſtre, tant par la nature de la matière qu’elle peut contenir, que par les vides qui peuvent s’y rencontrer, &c. qu’ainſi cent obſervations où l’on ne trouveroit point d’attraction ſenſible, ne prouveroit rien contre le ſyſtême newtonien ; au lieu qu’une ſeule qui lui ſeroit favorable comme