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qu’on a remarqué qu’il étoit ordinairement dirigé vers le nord ; mais dans ces derniers temps, des voyageurs & des navigateurs célèbres ayant parcouru l’Amérique méridionale & les mers auſtrales, ont été témoins de pluſieurs aurores ſituées vers le pôle auſtral de la terre, ſemblables en tout à celles que nous remarquons ſouvent vers le nord ; de ſorte qu’on peut les nommer, avec raiſon, aurores méridionales, aurores auſtrales. Puiſqu’il y a des aurores à chacun des deux pôles, on devroit donc donner au phénomène dont nous traitons à ce mot aurore, le nom d’Aurore polaire.

Quoiqu’on n’ait pas fait dans l’hémiſphère auſtral autant d’obſervations de ce phénomène que dans nos contrées, il ne faut pas en conclure que l’aurore boréale ſoit plus commune au nord que l’aurore auſtrale au midi ; parce que les mers du ſud ne ſont pas fort connues, encore moins fréquentées, & que ce n’eſt que depuis peu qu’on les a reconnues & encore fort rapidement ; d’un autre côté, elles ſont très-orageuſes & preſque toujours le ciel y eſt couvert de brumes ; de plus, les voyageurs ne peuvent s’inſtruire de ce qui arrive communément dans ces contrées, parce que les nations qui habitent ces continens, ou les iſles de ces parages, ne ſont point policées, que les ſciences leur ſont entièrement inconnues, & ſur-tout que leur langage eſt ſi éloigné des idiomes des voyageurs Européens, qu’on n’a que des moyens très-imparfaits de ſe communiquer réciproquement ſes idées. C’est ce que nous apprennent les relations des différens voyages entrepris  récemment autour du monde.

Dans le voyage manuſcrit de Desbois, autour du monde, ce navigateur dit, qu’après avoir doublé, à cinquante-deux degrés de latitude ſud, le cap des Vierges, qui fait l’embouchure du détroit de Magellan, ils virent de l’autre côté de ce détroit, l’île de Feu ; « que cette terre eſt remplie de hautes montagnes, qui ſont preſque toujours couvertes de neige ou de glace. » Après avoir paſſé le détroit de le Maire & le cap de Horn, ils trouvèrent des vents contraires ; ils eſſuyèrent la pluie, la neige, la grêle qui les accabloit : la glace étoit ſouvent attachée à leurs haubans… Outre ces ſouffrances, dit-il, nous ne jouiſſions pas de ſept heures de jour, même lorſque le ciel étoit le plus ſerein ; car lorſque le temps étoit obſcur, comme il l’eſt preſque toujours, nous en avions bien moins, & nous ne vîmes pas trois fois le ſoleil pendant le ſéjour forcé que nous fîmes dans cette contrée ; encore jouiſſions-nous bien peu de ce bonheur, quand nous l’avions, &c. On voit dans ce récit la preuve que nous avons avancée, que le ciel, dans ces contrées, ne permet pas d’obſerver ſouvent les aurores boréales, & qu’elles pourroient fréquemment exiſter dans les hautes régions de l’atmoſphère, ſans être viſibles pour les habitans de l’hémiſphère auſtral, les brumes, les orages & les tempêtes les leur dérobant preſque continuellement.

Le capitaine Cook a confirmé cette vérité dans ſes divers voyages dans les mers du sud, il y a éprouvé un froid rigoureux, des brumes, des pluies & des glaces qui l’empêchoient de s’avancer vers le pole autant qu’il auroit déſiré. De ſes dernières recherches, il réſulte que la vraie terre auſtrale qu’il a découverte vers le cap Horn, eſt une terre gelée & inhabitable ; & qu’ayant pénétré juſqu’au ſoixante-onzième degré dix minutes de latitude ſud, par la longitude de deux cent cinquante-cinq degrés, comptée de Greenwich, ou deux cent ſoixante-douze & demi de l’île de Fer, il fut arrêté par une glace plate, ou par une mer gelée comme une rivière, de même que le capitaine Phlipps l’avoit trouvée dans l’hémiſphère boréal, vers quatre-vingt-un degrés de latitude. À cette occaſion, on remarquera que l’hémiſphère auſtral eſt plus froid que le notre, à-peu-près d’une quantité qui répond à dix degrés de latitude ; & les obſervations de M. Dagelet, faites aux terres auſtrales, vers le quarante-neuvième degré de latitude, prouvent la même choſe.

Ces vérités ſupposées, bien loin d’être ſurpris qu’on ait peu obſervé d’aurores auſtrales dans les contrées ou parages du ſud, on doit être étonné qu’on en ait vu autant, ainſi qu’on en ſera convaincu par les obſervations ſuivantes.

Freſier, en doublant le cap de Horn, découvert ſeulement en 1706, aperçut, en 1712, au travers des brouillards, ſi communs dans les mers australes, une aurore méridionale. Il dit expreſſément, dans ſa relation de la mer du ſud, que cette lumière étoit différente du feu Saint-Elme & des éclairs, Mém. de l’Acad. des Sciences, 1741, p. 10.

Don Antoine Ulloa, un des officiers eſpagnols qui firent le voyage de l’équateur avec MM. Godin, Bouguer & la Condamine, aperçût, en 1745, dans les mêmes parages, pluſieurs aurores auſtrales d’une très-grande clarté, quelquefois rougeâtres, quelquefois plus brillantes, qui montoient juſqu’à trente degrés au-deſſus de l’horiſon. Il ne pouvoit les obſerver tout au plus que quatre minutes de ſuite, à cauſe des brouillards épais que le vent chaſſoit : « Je penſe, dit-il, qu’elles doivent être fréquentes, dans l’hiver de cet hémiſphère, puiſque toutes les fois que les nuages le permettoient, & que |e ciel venoit à ſe découvrir du côté du pôle, j’en apercevois quelque choſe. Quant à l’heure où paroiſſoit cette aurore, le plus souvent c’étoit juſqu’à dix heures, & quelquefois juſqu’à minuit. » Pluſieurs officiers du vaiſſeau en furent auſſi témoins La lune étoit alors ſous l’horiſon : ainſi on ne doit point avoir de doute ſur ces obſervations. On peut voir cette lettre de D. Ulloa dans l’ouvrage ſur l’aſtronomie de M. Darquier ; d’autres voyageurs parlent encore d’une lumière blanchâtre