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octobre 1726, il parut à Warſovie, à Moſcow, à Péterſbourg, à Rome, à Naples, à Madrid, à Liſbonne & à Cadix. Or, le calcul fait ſelon les règles de la trigonométrie, démontre que dans cette dernière obſervation où l’aurore boréale fut vue fort haut à Péterſbourg, & en même-temps à Liſbonne, ſon élévation doit avoir été de 266 lieues au moins, en apportant toutes les précautions poſſibles à mettre toujours les élémens du calcul ſur le pied le plus bas, ainſi que l’a fait M. de Mairan. De quelques autres obſervations correſpondantes faites à de plus petites diſtances, & qui ſont en grand nombre, on a également conclu que la hauteur du phénomène étoit à 100, 200 & 300 lieues.

Quelques-uns ont objecté que lorſque les aurores boréales ont été vues en divers endroits à-la-fois, il n’étoit pas certain que c’étoit toujours la même lumière qui ſe tenoit & brilloit à la même place ; mais on a répondu que par les deſcriptions que chaque obſervateur en a faites, les apparences étoient ſemblables, & que les points déterminés étoient le même ſommet des arcs lumineux, phénomènes conſtans, ou des points de divers ſommets concentriques au pôle, ce qui produit un effet équivalent à celui du même point.

On ajoutera ici que M. Mayer a donné, dans le premier tome des Mémoires de l’académie impériale de Pétersbourg, un problême très-ingénieux qui fournira peut-être quelque jour un moyen fort exact de déterminer la diſtance de l’arc boréal à l’obſervateur, par une ſeule obſervation, & ayant, avec les élémens aſtronomiques de la poſition du lieu de l’obſervation, la hauteur du ſommet de ſon arc & ſon amplitude. M. de Maupertuis en donna l’analyſe & la conſtruction à l’académie des ſciences, en 1731 ; de ſa formule, il réſulte encore que l’arc de pluſieurs aurores boréales eſt élevé de cent ou deux cents lieues au-deſſus de la ſurface de la terre.

Le P. Boſcovich, célèbre géomètre, détermina la hauteur de l’aurore boréale, obſervée à Padoue, le 16 décembre 1737, par M. de Poleni à 275 lieues.

Cette élevation de l’atmoſphère ne doit point ſurprendre, car on ſait qu’elle eſt très-grande : on ſait que d’après la meſure de la hauteur du pic de Ténérife, par le P. Feuillée, minime, & de pluſieurs autres montagnes, M. Caſſini conclut, dès 1733, la hauteur de l’atmoſphère de plus de 500 lieues, lors même que l’air y ſoutiendroit encore une ligne de mercure dans le baromètre.

Euler penſe que la hauteur de l’aurore boréale eſt de quelques milliers de milles, (à 2 ou 3 mille lieues) & qui ſurpaſſe même quelquefois le diamètre entier de la terre, art. XIII, pag. 135 des Rech. de Euler ; mais ſur quelles obſervations ſe fonde-t-on, dit M. de Mairan, pour porter l’aurore boréale à de pareilles diſtances & ſi fort au-deſſus de ce que en indiquent les parallaxes. Par tout l’historique que nous avons aujourd’hui ſur ce ſujet, nous ſavons que le ſommet de l’arc lumineux qui caractériſe le plus l’aurore boréale, a été vu quelquefois au zénith de 60 degrés de latitude ; à Pétersbourg, par exemple, & même en deça ; à Upſal, à Copenhague ; & de plus que la moindre latitude où ce phénomène ait été vu, ne paſſe pas le 36 ou le 35me degré, Cadix, Alep, &c. ; or, ſi la matière du phénomène & de l’arc étoit de quelques milliers de milles, d’un diamètre entier de la terre, ou de 2 865 lieues au-deſſus de la ſurface de la terre, il eſt clair, par le calcul des ſécantes & de leurs angles correſpondans, que cet arc pourroit être vu de l’équateur même, & de bien au-delà ; auſſi n’avons-nous preſque point de parallaxe qui portent l’aurore boréale à 300 lieues de hauteur.

Mais ce qui prouve que l’élévation des aurores boréales n’eſt pas auſſi grande que l’a penſé Euler, mais n’eſt ordinairement que d’environ 200 lieues, c’eſt que, d’après une ſomme de 54 obſervations faites (à Paris, à Peynier en Provence, à Breuil-lepont, à Montpellier, à Toulouſe, à Genève, à la Haye, à Padoue, à Rome, à Copenhague, à Pétersbourg, à Torneo, &c.) par divers obſervateurs qui ſe coreſpondoient ; c’eſt que d’après cette ſomme de 54 obſervations, diviſée par le nombre des hauteurs données, on en tire une hauteur moyenne de 174,53 ou d’environ 175 lieues.

De ce que nous venons d’établir, il réſulte bien certainement que l’aurore boréale eſt ſouvent vue par plufieurs obſervateurs placés à de grandes diſtances entr’eux. Quelques obſervations que nous venons de citer le démontrent, & nous croyons inutile de traiter de cet objet, ſous un titre particulier. Il nous ſuffiroit d’en donner encore une ou deux preuves. L’aurore boréale du 17 ſeptembre 1710, parut à Paris, à Vienne en Autriche, où elle fut très-brillante, & à Pékin même, où le père Amiot, jéſuite, l’obſerva. Ce phénomène, qui fut très-beau ; fut accompagné de lames & de jeux de lumière ; il dura depuis 9 heures du ſoir, juſqu’à 3 heures du matin.

Les tranſactions de Philadelphie, de 1771, rapportent que le 5 janvier 1709, à 7 heures & demie du soir, on apperçut une très-belle aurore boréale à Lencaſtre, en Penſylvanie, qui dura juſqu’à 10 heures du ſoir. Le père Gotee l’obſerva à Montmorenci, le même jour, à 11 heures du ſoir. Ce phénomène, qui dura juſquà 4 ou 5 heures du matin, fut très-beau. La Penſylvanie eſt ſituée environ au 80me degré de longitude occidentale ;