Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
AUR

illuſions optiques : alors, je vis certainement quelques colonnes prolongées en-deçà du zénith & d’autres au-delà. De ce concours mutuel des colonnes & des rayons lumineux, il résultoit une apparence de coupole ou de pavillon qui n’étoit pas complète du côté du ſud.

Il ne faut pas croire que ces différentes colonnes qui, des environs de l’horiſon, paroiſſoient s’élever & ſe réunir à l’endroit le plus haut du ciel, fuſſent ainſi prolongées ſans aucune interruption dans leur longueur & dans leur largeur ; il y avoit, au contraire, tant de discontinuité, qu’on auroit pris la plus grande partie, moins pour des portions d’un même tout, que pour plusieurs petites colonnes placées çà & là à diverses diſtances. En général, ces arcs, ces colonnes & ces faiſceaux de rayons lumineux étoient d’une couleur blanche & phoſphorique ; cependant, en pluſieurs endroits, ils avoient une teinte de couleur rougeâtre ; en d’autres une nuance de jaune-orangé, ou d’une eſpèce de vert-bleu.

Ce ſpectacle avec toute cette pompe ne fut pas long-temps permanent, on ne le vit que pendant quelques minutes à-peu-près ſur les ſix heures & quart dans ſa plus grande ſplendeur. Il éprouva enſuite des alternatives de mouvement, de diſparition & de réapparition, dans certaines parties, de ſorte que la figure totale étoit très-changeante, & prenoit ſucceſſivement pluſieurs formes bizarres ; ainſi, tantôt on ne voyoit preſque plus de créneaux, mais un arc continu d’une lumière pâle ; tantôt le ſegment s’éclairciſſoit ; quelquefois les colonnes & les rayons étoient plus ou moins interrompus, plus ou moins brillans ; d’autres fois diverſes parties conſidérables disparoiſſoient, pour ſe montrer enſuite de nouveau avec des changemens marqués, qui avoient, avec les apparences que nous venons de décrire, les rapports de différentes parties à leur tout. Voilà ce qu’on peut dire des variations de ce phénomène, que j’appelerois volontiers un vrai prothée, tant il change & prend de formes diverses pour ſe jouer, ce ſemble, de l’obſervateur le plus attentif. Cette aurore reſplendiſſante, avec toutes les alternatives, dont on vient de faire mention, dura preſque juſqu’à ſept heures, elle diminua enſuite conſidérablement ; & un quart-d’heure après, il ne resta dans le ciel aucun veſtige de tout ce magnifique appareil de colonnes radieuses, de jets lumineux, de faiſceaux brillans & de taches rouges. Voyez la figure 138.

On vit ſeulement alors une aurore boréale tranquille, ſemblable à celle du crépuſcule le plus fort ; & long-temps après, cette lumière occupoit encore un très-grand eſpace, qui s’étendoit beaucoup plus vers l’occident que vers l’orient. Elle parut élevée d’environ 40 degrés dans ſa plus grande élévation, & moins brillante à proportion qu’elle s’éloignoit de l’horiſon ; elle ſubſiſta depuis avant ſix heures juſqu’à près de minuit, en diminuant graduellement de hauteur & d’amplitude. Les grandes & belles apparences du phénomène dont nous avons parlé, la couvroient en grande partie ; ainſi ſes proportions correſpondantes au ſegment elliptique obſcur, aux colonnes, aux bandes, aux rayons lumineux, dont la ſplendeur étoit plus éclatante, ne permettoit pas de la diſcerner ; ce n’eſt que dans les diminutions & les diſparitions de ces brillantes parties du phénomène, qu’elle paroiſſoit bien, & jamais on ne la vit mieux qu’après l’extinction totale de l’aurore boréale reſplendiſſante. Pour éviter la confuſion, j’aimerois à appeler aurore boréale, celle qu’on connoît ſous le nom de reſplendiſſante, qui eſt avec colonne, jets, rayons de lumière, &c. ; je voudrois nommer crépuſcule boréal, l’aurore boréale tranquille, qui parut depuis ſept heures environ, juſqu’à neuf heures paſſées, & depuis neuf heures & demie, juſqu’au milieu de la nuit ; en réſervant toujours le mot de lumière ſeptentrionale, pour déſigner ce phénomène constant & viſible près du pôle, & même dans le Groënland & le Spitzberg ; c’eſt ſur ce crépuſcule boréal, comme ſur un fond de lumière, qu’étoit projeté le beau ſpectacle dont nous venons d’être témoins.

Pendant que l’aurore boréale ſe montroit dans toute ſa ſplendeur, on voyoit conſtamment quelques nuages noirs autour de l’horiſon : ceux qui étoient vers le nord étoient très-noirs, & ceux du midi l’étoient beaucoup moins. D’autres nuées ſemblables & toujours noires & très-obſcures, étoient auſſi diſperſées à une certaine élévation entre le nord-oueſt, & le nord-nord-eſt ; on les diſtinguoit beaucoup mieux dans le temps des diminutions alternatives des apparences brillantes, & ſur-tout après leur extinction, depuis ſept heures paſſées, juſqu’à neuf heures & dix minutes.

Sur les neuf heures & quart, environ, il y eut une repriſe du phénomène, mais beaucoup moins belle que celle qu’on avoit vue auparavant entre ſix & ſept heures. J’aperçus alors quatre grandes girouettes qui indiquoient un vent de nord, foible, & qui ne produiſoit aucune agitation ſur les feuilles des arbres. Le baromètre, à neuf heures du matin, étoit à 27 pouces 8 lignes  ; le thermomètre à 5 degrés au-deſſus de zéro ; à onze heures, les vapeurs & les nuages diſparurent, excepté à l’horiſon ; le ſoleil brilloit & faiſoit ſentir de la chaleur ; le thermomètre au nord, étoit à 6 degrés. Cet état du ciel fut le même juſqu’à midi & quart ; alors le ciel ſe couvrit & ſe chargea de nuage. À une heure & demie, le baromètre étoit à 27 pouces 7 lignes  ; le thermomètre à 8 degrés ; à trois heures & demie ; le baromètre à 27 pouces 7 lignes ; le thermomètre à 7  ; une petite pluie ſurvint enſuite, le vent étant toujours au nord.

Le 5, il gela pendant la nuit, ainſi que durant celles qui ſuivirent le matin. Le vent du nord

étoit