Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/403

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fois depuis 5 juſqu’à 100 degrés, & même davantage. La nuée eſt blanche & brillante ; elle eſt auſſi ſouvent noire & épaiſſe. Son bord ſupérieur eſt parallèle à l’horiſon, & forme comme une longue traînée éclairée, qui eſt plus haute en certains endroits, & plus baſſe en d’autres ; elle paroît auſſi recourbée en manière d’arc, reſſemblant à un diſque orbiculaire qui s’élève un peu au-deſſus de l’horiſon, & qui a ſon centre au-deſſus. On voit quelquefois une large bande blanche ou luiſante qui tient au bord ſupérieur de la nuée noire. La partie ſombre de la nuée ſe change auſſi en une nuée blanche & lumineuſe, lorſque l’aurore boréale a brillé pendant quelque temps, & qu’elle a dardé pluſieurs verges ardentes & éclatantes. Il part du bord ſupérieur de la nuée des rayons sous la forme de jets, qui ſont quelquefois en grand, quelquefois en petit nombre, tantôt les uns proches des autres, tantôt à quelques degrés de diſtances. Ces jets répandent une lumière fort éclatante, comme ſi une liqueur ardente & brillante ſortoit avec impétuoſité d’une ſeringue. Le jet brille davantage, & a moins de largeur à l’endroit du bord d’où il part, il ſe dilate & s’obſcurcit à meſure qu’il s’éloigne de son origine. Il s’élève d’une large ouverture de la nuée une colonne lumineuſe comme une fuſée, mais dont le mouvement eſt lent & uniforme, & qui devient plus large en s’avançant. Leurs dimenſions & leur durée varient. La lumière en eſt blanche, rougeâtre, ou de couleur de ſang ; lorſqu’elles avancent, les couleurs changent un peu, & forment une eſpèce d’arc-en-ciel. Lorſque pluſieurs colonnes, parties de divers endroits, ſe rencontrent au zénith, elles ſe confondent les unes avec les autres, & forment par leur mélange une petite nuée fort épaiſſe, qui ſe mettant d’abord en feu, brûle avec plus de violence, & répand une lumière plus forte que ne faiſoit auparavant chaque colonne ſéparément. Cette lumière devient alors verte, bleue & pourpre ; & quittant ſa première place, elle ſe porte vers le ſud, ſous la forme d’un petit nuage clair. Lorſqu’il ne ſort plus de colonne, la nuée ne paroît ſouvent que comme le crépuſcule du matin, & elle ſe diſſipe inſenſiblement.

Ce phénomène dure quelquefois toute la nuit ; on Ie voit même ſouvent deux ou trois jours de ſuite. M. Muſſchenbroek l’obsſerva plus de dix jours & dix nuits de ſuite en 1734, & depuis le 22 juſqu’au 31 mars 1735, ainſi qu’on l’a déja vu. La nuée qui ſert de matière à l’aurore boréale dure ſouvent pluſieurs heures de ſuite ſans qu’on y remarque le moindre changement ; car on ne voit pas alors qu’elle s’élève au-deſſus de l’horiſon, ou qu’elle deſcende au-deſſous. Quelquefois elle ſe meut un peu du nord à l’eſt ou à l’oueſt ; quelquefois auſſi elle s’étend beaucoup plus loin de chaque côté, c’est-à-dire, vers l’eſt & l’ouest en même-temps, & il arrive alors qu’elle darde pluſieurs de ces colonnes lumineuſes dont nous avons parlé. On l’a auſſi vu s’élever au-deſſus de l’horiſon, & ſe changer entièrement en une nuée blanche & lumineuſe : enfin, la lumière nait & disparoît quelquefois en peu de minutes.

La largeur de l’arc lumineux, ou de ſon limbe varie extrêmement, à raison de la hauteur ou de l’épaiſſeur de couche de la matière dont il réſulte, dit M. de Mairan ; on en voit de 2, 3, 4, 5, & juſqu’à 8 ou 10 degrés de largeur. Son bord ſupérieur eſt ſouvent aſſez bien terminé, quoiqu’il ſe confonde auſſi quelquefois inſenſiblement avec le bleu du ciel, ou avec la lumière générale que répand tout le phénomène ; son amplitude ſur l’horiſon ou ſa longueur n’eſt pas moins diverſe dans les différentes aurores boréales ; on en voit à Paris de 50 juſqu’à 150 degrés d’amplitude ſur l’horiſon : ordinairement elles ſont d’environ 100 degrés d’étendue. Sa hauteur ſur l’horiſon, priſe à ſon ſommet, est de 10, 20, 30 à 40 degrés, rarement au-delà ou au-deſſous ; dans les aurores boréales remarquables, il y a des latitudes, en avançant de plus en plus vers le pôle, d’où l’obſervateur peut voir & le demi-cercle & une plus grande portion du cercle, & enfin le cercle entier de la calotte ſur l’horiſon. L’aurore boréale paroît ſouvent à Upsal ; ſous la forme d’arc plus que ſemi-circulaire. Les académiciens Français qui allèrent au cercle polaire, virent encore, avant que d’être à Torneo (s’eſtimant ſur le Doggers-Bank à 54 degrés 35 minutes de hauteur, le 4 mai 1736,) ils virent une aurore boréale qui formoit un arc elliptique, mais dont les extrémités qui se terminoient vers l’horiſon avoient une amplitude conſidérable moins grande que les parties de cet arc qui répondoient au grand axe de l’ellipſe.

Des eſpèces d’aurores boréales. Le ſpectacle des aurores boréales étant toujours très-varié, il eſt clair qu’on peut diſtinguer ce phénomène en pluſieurs eſpèces apparentes, afin de mettre de la préciſion dans les différentes obſervations qu’on en a faites ou qu’on peut en faire à l’avenir. Des mots techniques & des expreſſions conſacrées à divers objets ou à diverſes parties d’un objet composé, ſont très-utiles dans l’étude des ſciences ; mais auſſi ces noms ne doivent pas être trop multipliés pour déſigner de ſimples accidens. C’eſt le défaut dans lequel les anciens ſont tombés en donnant à ce phénomène différentes dénominations, & en le multipliant en quelque ſorte. On croyoit autrefois qu’il y avoit un grand mérite à ſavoir inventer des noms pour chaque choſe ; ce talent s’eſt exercé ſur le phénomène en queſtion. On donne le nom de poutre à une lumière oblongue qui paroît dans l’air, & qui eſt parallèle à l’horiſon. Cette même ſorte de lumière s’appelle flèche, lorſqu’une de ſes extrémités forme une pointe en manière de flèche. La torche eſt une lumière qui ſe tient ſuſpendue en l’air de toutes ſortes de manières, mais qui a une de ſes extrémités plus large que l’autre. On appelle chèvre danſante une lumière à laquelle le vent fait prendre diverſes figures ; & qui paroît