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automate joue un air entier avec des coups de langue à chaque note.

Quelle combinaiſon de vent n’a-t-il pas fallu trouver pour cet effet ? l’auteur a fait auſſi des découvertes dont on ne ſe seroit jamais douté ; auroit-on cru que cette petite flûte eſt un des inſtrumens à vent qui fatigue le plus la poitrine des joueurs ? les muſcles de leur poitrine font un effort équivalent à un poids de cinquante-ſix livres, puiſqu’il faut cette même force de vent, c’eſt-à-dire, un vent pouſſé par cette force ou cette peſanteur, pour former le ſi d’en-haut qui eſt la dernière note où cet inſtrument puiſſe s’étendre : une once seule fait parler la première note qui eſt le mi : que l’on juge quelle diviſion de vent il a fallu faire peur parcourir toute l’étendue du flageolet provençal.

Ayant ſi peu de poſitions de doigts différentes, on croiroit peut-être qu’il n’a fallu de différens vents, qu’autant qu’il y a de différentes notes ; point du tout, le vent qui fait parler, par exemple, le re à la ſuite de l’ut, le manque abſolument quand le même re est à la ſuite du mi au-deſſus & ainſi des autres notes.

Qu’on calcule, on verra qu’il a fallu le double de différens vents, ſans compter les dièſes pour lesquels il faut toujours un vent particulier. L’auteur a été lui-même étonné de voir cet inſtrument avoir beſoin d’une combinaiſon ſi variée, & il a été plus d’une fois prêt à déſeſpérer de la réuſſite ; mais le courage & la patience l’ont enfin emporté.

Ce n’est pas tout : ce flageolet n’occupe qu’une main, l’automate tient de l’autre une baguette, avec laquelle il bat du tambour de Marſeille ; il donne des coups ſimples & doubles, fait des roulemens variés à tous les airs qu’il joue avec ſon flageolet de l’autre main. Ce mouvement n’eſt pas un des plus aiſés de la machine ; il eſt queſtion de frapper tantôt plus-fort, tantôt plus vîte, & de donner toujours un coup ſec pour tirer du ſon du tambour. Cette mécanique conſiſte dans une combinaiſon infinie de léviers & de reſſorts différens, tous mus avec aſſez de juſteſſe pour ſuivre l’air ; ce qui ſeroit trop long à détailler. Enfin, cette machine a quelque reſſemblance avec celle du flûteur, mais elle a été construite par des moyens différens.

3o. Le troiſième automate eſt le canard : cet automate admirable prenoit du grain avec le bec, l’avaloit, le trituroit, & le rendoit enſuite par les voies ordinaires, dans l’état apparent d’un grain digéré.

Dans ſon canard, M. de Vaucanſon repréſente le mécaniſme des viſcères deſtinés aux fonctions du boire, du manger & de la digeſtion ; le jeu de toutes les parties néceſſaires à ces actions y eſt exactement imité : il allonge ſon cou pour aller prendre du grain dans la main, il l’avale, le digère, & le rend par les voies ordinaires tout digéré ; tous les geſtes d’un canard qui avale avec précipitation, & qui redouble de vîteſſe, dans le mouvement de ſon goſier, pour faire paſſer ſon manger juſque dans l’eſtomac, y ſont copiés d’après nature ! l’aliment y eſt digéré comme dans les vrais animaux ; par diſſolution, & non par trituration ; la matière digérée dans l’eſtomac eſt conduite par des tuyaux, comme dans l’animal, par ſes boyaux, juſqu’à l’anus, où il y a un ſphincter qui en permet la ſortie.

L’auteur ne donne pas cette digeſtion pour une digeſtion parfaite, capable de faire du ſang & des ſucs nourriciers pour l’entretien de l’animal ; on auroit mauvaiſe grace de lui faire ce reproche ; il ne prétend qu’imiter la mécanique de cette action en trois choſes, qui ſont : 1o. d’avaler le grain ; 2o. de le macérer, cuire ou diſſoudre ; 3o. de le faire ſortir dans un changement ſenſible.

Il a fallu cependant des moyens pour les trois actions, & ces actions mériteront peut-être quelqu’attention de la part de ceux qui demanderoient davantage. Il a fallu employer différens expédiens pour faire prendre le grain au canard artificiel, le lui faire aſpirer juſque dans ſon eſtomac, & de-là, dans un petit eſpace, conſtruire un laboratoire chymique, pour en décompoſer les principales parties intégrantes, & le faire ſortir à volonté par des circonvolutions de tuyaux, à une extrémité de ſon corps toute oppoſée.

On ne croit pas que les anatomiſtes aient rien à déſirer ſur la conſtruction de ſes ailes : on a imité os par os, toutes les éminences qu’ils appellent apophyſes ; elles y ſont ſi régulièrement obſervées, comme les différentes charnières, les cavités, les courbes ; les trois os qui compoſent l’aile y ſont très-diſtinctes : le premier, qui eſt l’humerus, a ſon mouvement de rotation en tous sens, avec l’os qui fait l’office d’omoplate ; le ſecond, qui eſt le cubitus de l’aile, a ſon mouvement avec l’humerus, par une charnière, que les anatomiſtes appellent par ginglyme ; le troiſième, qui eſt le radius, tourne dans une cavité de l’humerus, & eſt attaché par ſes autres bouts aux petits os du bout de l’aile, de même que dans l’animal.

Pour faire connoître que les mouvemens de ces ailes ne reſſemblent point à ceux que l’on voit dans les grands chef-d’œuvres du coq de l’horloge de Lyon & de Strasbourg, toute la mécanique du canard artificiel a été vue à découvert ; le deſſein de l’auteur ayant été plutôt de démontrer que de montrer simplement une machine.

Les perſonnes attentives ſentiront la difficulté qu’il y a eu de faire faire à cet automate tant de mouvemens différens ; comme lorſqu’il s’élève ſur ſes pattes & qu’il porte ſon cou à droite & à gauche ; elles connoîtront tous les changemens des différens points d’appui ; elles verront même que ce qui ſervoit de point d’appui à une partie mobile devient à ſon tour, mobile ſur cette partie, qui de-