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imitoient les mouvemens des mains, des doigts, de la tête, des yeux, des paupières, de la bouche et de la reſpiration, de manière à rendre l’illuſion complète.

7o. Les automates de M. Droz furent vus à Paris en 1782. La première figure automate repréſentoit une fille de dix à douze ans, qui touchoit un clavecin organiſé. Son corps, ſa tête, ſes yeux, ſes bras, & ſes doigts avoient divers mouvemens naturels, la tête et les yeux étant mobiles en tout ſens, elle portoit alternativement ſes regards ſur ſa muſique et ſur ſes doigts ; elle n’exécutoit pas ſeulement un air, mais pluſieurs, & toujours avec beaucoup de préciſion. À la fin de chaque air, elle faiſoit une révérence à la compagnie par une inclination de corps et un mouvement de tête. On voyoit de temps en temps ſa gorge s’enfler, s’abaiſſer alternativement & ſi régulièrement, qu’on auroit cru qu’elle reſpiroit.

La ſeconde pièce étoit un automate deſſinateur, ou figure d’enfant, aſſis ſur un tabouret, & deſſinant ſur un pupitre, placé devant lui différens ſujets, tels que les portraits du roi, de la reine, &c. Cet automate exécutoit proprement pluſieurs deſſeins, dont il crayonnoit d’abord les premiers traits, en obſervant les pleins & les déliés, enſuite les ombres ; il retouchoit enſuite ſon ouvrage ; & pour cet effet, il écartoit de temps en temps la main, comme pour voir plus à découvert ce qu’il avoit fait. Les divers mouvemens des yeux & de la main, imitoient exactement la nature.

La troiſième pièce offroit un oiſeau dans une cage, dont les parties principales du corps paroiſſoient animées ; les mouvemens du bec, du jabot, de la queue, des ailes & du corps entier ſembloient ſi naturels, qu’on avoient de la peine à ſe perſuader que ce n’étoit pas un oiſeau vivant. L’oiſeau ſiffloit ſon chant naturel, et imitoit encore le chant du ſerin, du chardonneret, et en quelque ſorte celui de l’alouette. À chaque ſon, on voyoit le bec ſe mouvoir, & le goſier s’enfler ; c’étoit cependant de la baſe de la cage que les ſons partoient réellement. Cet oiſeau ſe mouvoit ſur ſa perche en tous ſens, & par intervalles, il paroiſſoit s’élancer d’une perche à l’autre ſi promptement & ſi exactement que l’œil le plus ſubtil avoit peine d’apercevoir la pièce de fer en lévier ſur laquelle il étoit fixé & qui ſe mouvoit réellement.

M. de Kempelen, ayant vu, à Vienne en Autriche, un françois (M. Pelletier) qui, devant l’impératrice-reine, avoit fait quelques jeux magnétiques, qui lui donnèrent l’idée d’un automate, joueur d’échec, chercha à l’exécuter, à l’imiter, & parut avoir perfectionné ce genre de machine. Il fit voir à Paris, en 1783, cette figure, depuis le mois d’avril juſqu’au mois d’août ſuivant. Cette automate, habillé en turc, étoit aſſis devant un bureau de trois pieds & demi, qui portoit quatre roulettes. On le faiſoit mouvoir, ainſi que le bureau, devant les ſpectateurs, & on ouvroit l’un & l’autre pour montrer les rouages & le cylindre, qu’on diſoit mouvoir le bras du joueur. Ce bras ſe levoit lentement, avançoit juſque ſur la pièce du jeu d’échec qu’il devoit prendre, ouvroit les doigts pour la ſaiſir, l’enlevoit, la tranſportoit, et la poſoit ſur la caſe où il falloit la placer ; le bras ſe retiroit enſuite, & ſe reposoit ſur un couſſin.

À chaque coup de l’adverſaire qui jouoit avec l’automate, celui-ci remuoit la tête, & parcouroit des yeux tout l’échiquier ; lorſqu’il faiſoit échec, il inclinoit la tête pour avertir le joueur. Si ce dernier faiſoit une fauſſe marche, l’automate prenoit la pièce & la remettoit à ſa place, en branlant la tête. Je l’ai vu jouer contre un des meilleurs joueurs d’échecs de Paris, & le gagner.

Cet automate ne ſe bornoit pas à des parties d’échecs, il faiſoit parcourir au cavalier toutes les caſes de l’échiquier, le cavalier ayant été placé par un des ſpectateurs, ſur une caſe à ſon gré.

Je lui ai auſſi vu répondre à toutes les queſtions qu’on lui faiſoit, au moyen d’un tableau des vingt-quatre lettres de l’alphabet, placé devant lui, & ſur lequel il indiquoit ſucceſſivement avec les doigts, toutes les lettres qui formoient ſa réponſe.

Nous ne penſons point que le joueur d’échec fût un véritable automate, & il eſt impoſſible qu’aucun reſſort intérieur ait jamais pu produire les effets qu’on remarquoit en lui ; car il eſt de principe, & le ſimple bon ſens le démontre, que toute machine ne peut produire que des mouvemens déterminés & relatifs aux reſſorts qu’on emploie, & non des mouvemens correſpondans à une ſuite de volontés qui n’a pu être prévue par le mécanicien. Celui-ci ignorant donc quelle ſeroit la marche des pièces que joueroit l’adverſaire, n’a donc pu arranger en conſéquence les reſſorts de la machine. Ce raiſonnement eſt ſi évident que nous croyons ſuperflu d’en ajouter d’autres ou même de le développer.

L’automate ne joue point réellement par un principe intérieur de mouvement placé dans lui ; la ſérie des mouvemens qu’il paroît produire, dépend uniquement de l’influence du mécanicien ſur l’automate, pendant qu’il joue ; & le ſeul art de cette machine conſiſte dans l’adreſſe avec laquelle M. Kempelen cachoit la manière dont il influoit ſur ſon automate, ce qu’on n’a encore pu deviner. Quelqu’un a ſoupçonné qu’un aimant, caché dans la poche des deux personnes qui, de temps en temps, s’approchoient de l’automate, faiſoit lever ou fermer une détente, & que le cylindre qui étoient dans le bureau avec une eſpèce de pantograghe, faiſoit tout le reſte. Mais un aimant ordinaire, comme celui qui auroit pu être dans la poche, ne nous paroît pas avoir aſſez de force pour agir ſur une détente, à la distance