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BAG
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peu d’exercice en apprendra plus que le diſcours le plus étendu. Je puis aſſurer qu’il ſera facile à quiconque le déſirera de ſe rendre habile dans cette eſpèce d’opération. On choiſit du bois de coudrier pour faire une baguette, parce que ce bois étant pliant, ne caſſe pas facilement malgré la torſion : mais d’autres eſpèces de bois peuvent avoir la même qualité.

Pour déſabuſer bien des perſonnes dont les préjugés ſur cette matière étoient trés-enracinés, j’ai fait croire, pour un inſtant, que j’avois le don de la baguette divinatoire, je l’ai fait tourner, j’ai déſigné en conſéquence des ſources d’eau qu’on a effectivement trouvées ; j’ai fait cacher dans des appartemens & dans des champs différens objets, & je les ai toujours devinés. Les moyens naturels pour découvrir les ſources que j’ai rapportés plus haut, me ſervoient très-bien dans le premier cas. Dans le ſecond, c’étoient toujours les perſonnes qui avoient caché, qui, ſans le vouloir, me révéloient leur ſecret, par les moyens même qu’elles employoient pour me le celer encore mieux ; elles ſe trahiſſoient toujours par l’excès des précautions. L’aveu que je leur faiſois enſuite de mes moyens, n’a jamais manqué de les persuader.

Dans ces derniers temps on a tâché de donner un nouvel appui au préjugé populaire, en ayant recours à une baguette courbée en arc de ſphéroïde allongé ; cette baguette étoit alors placée ſur l’index de chaque main, écartée l’une de l’autre, de telle ſorte que le point d’appui étoit environ au quart de la longueur de la baguette, la courbure étant tournée vers la terre.

À la vérité, dans cette poſition, on ne peut attribuer le mouvement de circulation de la baguette au mouvement forcé des muſcles des doigts, ou à celui des poignets ; mais dans cette circonſtance l’effet dépend du mouvement alternatif de rapprochement & d’éloignement des deux mains, & de la courbure de la baguette dont le centre de gravité & les points d’appui changent continuellement de place ; ce qui produit ce mouvement de circulation. On ſera bientôt convaincu de cette vérité, ſi on fait attentivement cette expérience en particulier, en plaçant ſur le milieu des deux index une baguette de fer un peu courbée, de la manière qu’on l’a décrit plus haut ; & en rapprochant & éloignant ſucceſſivement les deux mains, on la verra tourner dès qu’on aura acquis un peu d’habitude. Ceux qui ont un intérêt à en impoſer, ont l’art de faire ce mouvement alternatif, d’une manière peu viſible & cependant réelle.

Confirmons ce que nous venons de dire par le témoignage d’un ſavant qui a également vu les choſes de près, & avec de bons yeux. M. Demours, qui a ſur-tout aſſiſté aux expériences que Bletton a faites au jardin des apothicaires, aſſure avoir obſervé un manége adroit dans ce ſourcier.

« De retour chez moi, dit-il, je me procurai un fil de fer de la groſſeur à-peu-près & de la longueur de celui que j’avois vu entre les mains de Bletton ; je le courbai en arc, & l’ayant mis ſur mes deux doigts index, la convexité tournée en bas, en rapprochant inſenſiblement les deux points d’appui, je trouvai que la poſition ou le poids des deux extrémités de cette baguette l’emportoit ſur celui de la partie moyenne contenue entre mes deux mains ; alors en éloignant ſur le champ d’un très-petit intervalle les deux points d’appui, cette partie moyenne tomboit en tournant, & achevoit ainſi une révolution complette, qui étoit ſuivie d’autant d’autres, toutes les fois que j’approchois, & que j’éloignois les points d’appui l’un de l’autre. En répétant pluſieurs fois cette petite manœuvre, je ſuis parvenu à faire faire à la baguette cent dix tours par minute, & je ne doute pas que quiconque voudra s’en donner la peine, ne parvienne, avec l’habitude néceſſaire, à lui en faire faire cent trente comme Bletton. Connoiſſant une fois la cauſe du mouvement de la baguette, je ſuis venu à bout de la faire tourner comme lui ſur les mains des autres ».

Tout le monde peut donc ſe convaincre, par ſoi-même, que le mouvement d’une baguette arquée eſt entièrement dû à une manipulation & aux loix de la peſanteur, & non aux impreſſions d’un fluide électro-magnétique ; en ſe procurant un fil de fer d’environ deux pieds de long, de deux lignes de diamètre, & en lui donnant la forme d’un arc qui feroit portion d’un cercle dont le rayon ſeroit de deux pieds (cette courbure paroît la plus favorable), on parviendra bientôt, avec un peu de patience, à lui imprimer un mouvement de rotation : une baguette de bois, de verre ou de toute autre ſubſtance, réuſſit à-peu-près de même, cependant les baguettes de métal tournent plus aiſément.

Il eſt certain, dit le père Malbranche, que les cauſes matérielles, n’ayant ni intelligence ni liberté, elles agiſſent toujours de la même manière dans les mêmes circonſtances des corps, ou dans les mêmes diſpoſitions de la matière qui les environne, & que dans les cauſes purement matérielles, il n’y a point d’autres circonſtances qui déterminent leurs actions, que des circonſtances matérielles. Les corps ne peuvent agir les uns ſur les autres que par leur choc : cela ſuppoſé, quelque vertu qu’on veuille imaginer dans l’eau & le bâton fourchu, il eſt évident que l’eau étant à découvert, doit agir plus fortement dans la baguette, que lorsqu’elle eſt cachée ſous terre, puiſqu’alors l’eau & la baguette ſont plus proches ; car la découverte que nous avons de leur découverte, ne change rien ni dans l’eau, ni dans la ba-