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BAG

guette. De même, il eſt clair que qui que ce ſoit qui tienne la baguette, de quelque manière qu’on la tienne, quand même ce ſeroit avec des tenailles, elle devroit ſe pencher également, de même que l’aimant agit également ſur le fer, qui que ce ſoit qui le tienne, & qui l’en approche. Que ſi on prétend que le tempérament contribue à l’action de la baguette, on demandera ſi on a vu quelqu’un d’un tel tempérament, qu’en tenant en ſa main un flambeau, le flambeau n’éclairoit plus.

Suppoſons enfin telle vertu qu’on voudra, on ſoutient qu’il eſt impoſſible de ſavoir la profondeur de la ſource, & combien on trouvera au-deſſous d’argille, de ſable, de roche, &c., & ſi la ſource ſera abondante ; car une ſource plus abondante & moins profonde, devroit agir naturellement ſur la baguette, autant qu’une plus abondante, mais plus profonde & plus éloignée, puiſque toutes les vertus naturelles & néceſſaires, agiſſent également dans des diſtances égales : ainſi elles font néceſſairement le même effet, lorſque le ſujet ſur lequel elles agiſſent, eſt dans des diſtances différentes, mais réciproquement proportionnelles à leurs forces. Quoique deux flambeaux, par exemple, aient une lumière inégale, ils peuvent éclairer également un objet, ſi on ſuppoſe cet objet plus proche du petit flambeau que du grand. Ainſi, on ne peut juger de la profondeur d’une ſource, qu’en ſuppoſant qu’on en connoît l’abondance, ni de ſon abondance que par la connoiſſance de la profondeur.

Il ſemble qu’un génie ennemi de la vérité, faſſe de temps en temps des efforts pour faire reparoître des préjugés victorieuſement détruits. En 1772 on parla beaucoup d’un nouvel hydroſcope ; on prétendit que le jeune Parangue, non-seulement découvroit les ſources, mais qu’il les voyoit dans la terre, qu’il ſuivoit leur direction & déterminoit leur profondeur. M. Menuret, médecin de Montelimart, écrivit à l’académie des ſciences de Paris, une lettre dans laquelle il donnoit le recit de quelques faits relatifs à cet objet : d’autres perſonnes également dignes de foi atteſtèrent ces faits qu’ils avoient vus ; mais les vrais phyſiciens ne furent point ſéduits, & n’apperçurent dans tout ce qu’on leur diſoit que la ſupercherie de Parangue & de ceux qui le conduiſoient. Des lettres très-détaillées de M. Faujas, premier juge de Montelimart même, ville qui fut le lieu de la ſcène & le théâtre où on avoit joué pluſieurs de ces eſpèces de repréſentation ; ces lettres authentiques, & atteſtations légales faites dans toutes les formes les plus rigoureuſes, démontrèrent la fauſſeté & l’abſurdité de tout ce qui avoit été avancé. Il fut prouvé que cet enfant s’étoit trompé bien des fois ; qu’après avoir indiqué les routes d’une eau ſouterreine, il lui étoit arrivé de s’écarter du vrai chemin, lorſqu’on avoit voulu le faire revenir ſur ſes pas. Des ſignaux placés à ſon inſçu furent des pièces de conviction contre lui. Voici un fait, entre pluſieurs, qui ne laiſſe aucun doute. Il aſſura que dans un tel endroit, près d’un château où on l’avoit mené, à quelque diſtance de Montelimart, il y avoit une très-groſſe ſource, mais qu’elle étoit ſi près de la ſuperficie de la terre, qu’il ne pouvoit pas en déterminer la profondeur ; il aſſura qu’elle n’étoit tout au plus qu’à deux pieds. On creuſa juſqu’à dix pieds, & on ne trouva rien.

Malgré les démonſtrations qu’on avoit données de la ſupercherie du jeune Parangue & de ſes conſorts, M. Sauri fit un petit ouvrage dans lequel il prétendoit expliquer le phénomène ſuppoſé qui conſiſtoit, ſelon lui, à appercevoir l’eau couler ſous terre par le moyen des sensations ; les uns vouloient que ce fut par le ſens de la vue, les autres par le ſens du tact, par les impreſſions que faiſoient les vapeurs ſortant de terre ; impreſſions différentes, ſelon l’éloignement d’où partoient les molécules aqueuſes. La meilleure réponſe qu’on fit à la brochure de M. Sauri, fut celle de l’introſcope, dans laquelle un anonyme prétendit, en le perſiflant, qu’il y avoit une perſonne qui voyoit au travers du corps tout ce qui ſe paſſoit dans l’âme, les penſées les plus cachées, & les sentimens les plus ſecrets. Voyez Hydroscope.

On a beaucoup parlé du fameux Bletton, dont j’ai eu occaſion de ſuivre les allures, ainſi que je l’ai dit plus haut ; il n’étoit qu’un ruſé charlatan qui ſavoit profiter habilement de toutes les circonſtances naturelles qui ſe préſentoient, & ſur-tout de ce que pluſieurs curieux lui diſoient de bonne foi ſans s’en appercevoir. Ce qui engage quelque perſonnes à adopter pluſieurs faits merveilleux, & ſur-tout ceux qui ſont relatifs à la baguette divinatoire, c’eſt la probité de ceux qui les rapportent ; mais on devroit conſidérer que la probité n’eſt point à l’abri des preſtiges de l’imagination & des illuſions de la crédulité. Quoiqu’il en ſoit, par le procès verbal des diverſes expériences faites au jardin de l’abbaye de Ste Geneviève, le 29 mai, le 5 & le 17 juin 1782, en préſence de divers ſavans, il conſte que Bletton s’eſt ſouvent trompé ; que repaſſant ſur les mêmes endroits, tantôt il a dit qu’il y avoit de l’eau, & tantôt qu’il n’y en avoit pas ; qu’il a aſſuré qu’il n’y avoit pas d’eau dans des endroits où on étoit ſûr qu’il en exiſtoit, & qu’on en trouveroit dans des lieux où il étoit certain qu’il n’y en avoit point. On peut voir le détail de ces différentes épreuves, dans le journal de phyſique de l’année 1782.

Il n’eſt point de forme que l’impoſture n’ait priſe pour abuſer de la crédulité des hommes, ſur-tout dans les ſiècles d’ignorance & de barbarie : celle des hydroſcopes a exiſté très-anciennement en Eſpagne. Martin del-Rio aſſure qu’on