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hauteur. La pluie ſurvint ſubitement ; le vent ſouffla avec impétuoſité ; & comme cette machine étoit deſtinée à des expériences qui devoient avoir lieu à Verſailles, on ne voulut pas la laiſſer partir : mais les efforts qu’on fit pour l’obliger à deſcendre, joints à des coups de vent furieux, & à la pluie qui l’inondoit, la déchirèrent en pluſieurs endroits, & elle fut en quelque ſorte bientôt détruite.

Le jour de l’expérience qu’on devoit faire à Verſailles, en préſence du roi & de la famille royale, étant fixé au 19 du même mois, & la machine précédente qui devoit ſervir à la répéter étant abſolument hors de ſervice, on en conſtruiſit une autre, & l’activité fut telle que, le 18 au ſoir, on put en faire l’eſſai en préſence des commiſſaires de l’académie. L’on avoit été obligé d’employer près d’un mois pour conſtruire la machine de canevas, doublée en papier, cette nouvelle machine en bonne toile fut terminée le cinquième jour.

Le 19, elle fut établie dans la grande cour du château de Verſailles, ſur un théâtre octogone qui correſpondoit à l’attirail & aux cordages tendus pour la manœuvrer. Cette eſpèce d’échafaud, recouvert & entouré de toiles de toute part, avoit dans le milieu une ouverture de plus de quinze pieds de diamètre, autour de laquelle on pouvoit circuler au moyen d’une banquette deſtinée à ceux qui faiſoient le ſervice de la machine. Une garde nombreuſe décrivoit une double enceinte autour de ce vaſte théâtre.

Le dôme de la machine étoit déprimé, & portoit horiſontalement ſur la grande ouverture de l’échafaud à laquelle il ſervoit de voûte ; le reſte des toiles étoit abattu, & ſe replioit circulairement ſur les banquettes ; de ſorte qu’en cet état, la machine n’avoit aucune eſpèce d’apparence, & reſſembloit à un amas de toiles de couleur qu’on auroit entaſſées ſans ordre : il en régnoit cependant un très-grand dans la diſpoſition & la conduite de tout cet appareil. Le deſſous de l’échafaud étoit conſacré pour les opérations propres à produire la vapeur. C’étoit ſous la grande ouverture, recouverte par le dôme de la machine, que devoit ſe faire ce travail. Au milieu & à terre étoit un réchaud de fer à clair voie, de quatre pieds de hauteur, ſur trois de diamètre, fait pour recevoir les matières combuſtibles. Un entourage en forte toile peinte, & de forme circulaire, adhérant à la baſe du ballon, & deſcendant par le trou, juſque ſur le pavé, pouvoit être conſidéré comme un vaſte entonnoir, comme une eſpèce de cheminée deſtinée à contenir les vapeurs, & les conduire dans l’intérieur de la machine ; de ſorte que les perſonnes qui devoient diriger le feu, ſe trouvoient placées par ce moyen ſous le ballon même ; elles avoient à leur portée des proviſions de paille & de laine hachée pour produire la vapeur, ainſi qu’une cage d’oſier avec un mouton, un coq & un canard, & tous les autres agrès néceſſaires pour l’expérience.

À dix heures du matin la route de Paris à Verſailles étoit couverte de voitures ; l’on arrivoit en foule de toutes parts : & à midi les avenues, les cours du château, les fenêtres & même les combles, étoient garnis de ſpectateurs. Tout ce qu’il y avoit de plus grand, de plus illuſtre & de plus ſavant dans la nation, ſembloit s’être réuni comme de concert pour rendre un hommage ſolennel aux ſciences. Leurs majeſtés & la famille royale ſe tranſportèrent dans l’enceinte, & examinèrent tous les détails relatifs à cette expérience.

À une heure environ, le bruit d’une boîte annonça qu’on alloit remplir la machine ; on la voit preſqu’auſſi-tôt s’élever, ſe gonfler & déployer avec rapidité les plis & replis dont elle eſt compoſée ; elle ſe développe en entier, ſa forme plait à l’œil, ſa capacité impoſante étonne : elle atteint déjà au plus haut des mâts. Une autre boîte avertit qu’elle eſt prête à partir, & la machine s’élève pompeuſement dans l’air, entraînant avec elle l’attirail dans lequel étoient renfermés un mouton & des volatiles.

Cette machine aéroſtatique s’éleva d’abord à une grande hauteur, en décrivant une ligne inclinée à l’horiſon que le vent de ſud la força de prendre ; elle parut reſter enſuite quelques ſecondes en ſtation, & produiſit alors le plus bel effet. Enfin, elle deſcendit lentement dans le bois de Vaucreſſon, à 1 700 toiſes du point d’où elle avoit été enlevée. L’on ne reſta que onze minutes pour la remplir, & elle ſe ſoutint huit minutes en l’air, & parvint à 240 toiſes de hauteur.

Dans l’expérience d’Annonay la machine aéroſtatique s’étoit élevée au moins à mille toiſes ; & ſi, dans l’expérience de Verſailles, elle parvint à une moindre hauteur, on doit l’attribuer à deux déchirures de ſept pieds d’ouverture ſur ſon ſommet, que le vent & la manœuvre occaſionnèrent accidentellement, & qui durent néceſſairement affoiblir la force d’aſcenſion par le mélange de l’air atmoſphérique, avec le fluide qui étoit contenu dans l’intérieur du ballon. Il en réſulta pendant quelques momens un équilibre parfait, & la machine qui ne montoit ni ne deſcendoit alors, fut très-belle à voir, & fit, dans cet état de ſtation, le plus grand plaiſir aux ſpectateurs ; mais à meſure que la vapeur ſe diſſipoit, le ballon deſcendoit lentement du côté du bois de Vaucreſſon, & d’une manière ſi tranquille, que l’on compris alors que, ſi elle eû porté des hommes, ils n’auraient couru aucun danger.

La hauteur exacte de cette machine d’une extré-