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BAL
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aériforme, tranſparent, & homogène en apparence. C’eſt ainſi que les vapeurs contenues dans l’air atmoſphérique, étant parfaitement diſſoutes par la chaleur, ne ſont pas viſibles.

C’eſt en cet état que la machine s’enlève avec force & vîteſſe, & qu’elle ſe ſoutient le mieux en l’air. La vapeur eſt dans ce cas-là à l’air atmoſphérique comme 1 eſt à 2 ; c’eſt-à-dire, qu’elle eſt une fois plus légère que l’air ordinaire.

Lorſque la machine aéroſtatique eſt en expérience pendant quelque temps, il ſe forme dans l’intérieur une ſuie fine & légère, qui eſt à peine adhérente à la toile, & qui s’en détache au moindre mouvement.

Lorſqu’on a voulu eſſayer de brûler du bois de ſarment, qui forme un feu vif & clair, la machine s’eſt très-bien tendue, mais le courant d’air tranſportoit avec rapidité des charbons encore enflammés juſques dans des parties très-élevées, ce qui pouvoit être dangereux pour l’enveloppe, d’autant plus que les charbons étoient encore très-animés à cette hauteur, ce qui annonce que l’air n’étoit ni méphitique ni détérioré. Le feu de paille eſt préférable à celui de ſarment, parce qu’il ne fait aucun charbon. Le feu de paille ſuffiſant pour élever un aéroſtat, on doit en conclure que l’air dilaté par la chaleur ſuffit pour produire cet effet, à moins qu’on ne veuille lui aſſocier dans ce cas des molécules aqueuſes réduites en vapeurs.

4o. Aéroſtat de la Muette. Premier voyage aéroſtatique. Après l’expérience de Verſailles, M. de Montgolfier réſolut de conſtruire un autre aéroſtat plus grand & plus ſolide, pour faire des eſſais propres à perfectionner cette découverte. Le 10 du mois d’octobre ſuivant, il fut entièrement achevé. Sa forme étoit ovale, ſa hauteur de 70 pieds, ſon diamètre de 46, & ſa capacité de 60 000 pieds cubes. Une galerie circulaire, conſtruite en oſier, & revêtue de toiles, étoit attachée par une multitude de cordes au bas de la machine ; elle avoit environ trois pieds de largeur ; il y régnoit de droite & de gauche une baluſtrade de trois pieds & demi de hauteur. Cette galerie ne gênoit ni n’interrompoit en aucune manière l’ouverture d’environ quinze pieds de diamètre, qui étoit au bas de la machine ; elle lui ſervoit au contraire de prolongement, & c’étoit au milieu de cette ouverture qu’on avoit placé un réchaud en fil de fer, ſuſpendu par des chaînes, au moyen duquel les perſonnes qui étoient dans la galerie avec des approviſionnemens de paille, avoient la facilité de développer du gaz à volonté. Voyez la figure 117 qui donne une idée exacte de cet appareil, qui peſoit au moins ſeize cents livres.

Le 15 octobre, M. Pilatre de Rozier ſe mit dans la galerie ; la machine fut gonflée ; elle partit en conſervant le plus parfait équilibre, & s’éleva juſqu’à la longueur des cordes qu’on y avoit attachées pour la retenir, c’eſt-à-dire, juſqu’à 80 pieds de hauteur, & elle y reſta en ſtation pendant quatre minutes vingt-cinq ſecondes, ſans que M. Pilatre éprouvât la plus légère incommodité. Elle deſcendit enſuite avec lenteur, étant toujours tendue ; & enſuite, après avoir touché terre, on obſerva qu’elle partoit de nouveau & qu’elle s’élevoit encore à une certaine hauteur, lorſque la perſonne qui étoit dedans l’allégeoit en ſortant de la galerie. Le 17 on répéta les mêmes expériences ; le 19, la machine dont on avoit diminué la galerie fut remplie en cinq minutes, & M. de Rozier étant placé dans la galerie avec un poids de cent livres dans la partie oppoſée pour faire équilibre, fut enlevé à la hauteur de 200 pieds ; la machine ſe ſoutint ſix minutes à cette élévation, ſans feu dans le réchaud.

Dans une ſeconde expérience, la machine aéroſtatique portant M. Pilatre de Rozier avec le contrepoids de cent livres, le feu étant dans le réchaud, fut enlevé à 250 pieds de hauteur, où elle reſta en ſtation pendant huit minutes & demie ; comme on la retiroit, un vent d’eſt la porta ſur une touffe de très-grands arbres dans un jardin voiſin, où elle s’embaraſſa, ſans perdre l’équilibre : l’on renouvela le gaz, & elle ſe retira elle-même de ce mauvais pas, en s’élevant pompeuſement dans l’air. Cette expérience prouve que la machine ne tombe pas, mais qu’elle deſcend. M. de Rozier donna encore un exemple de la facilité qu’il y a de deſcendre & de remonter à volonté ; car la machine étant parvenue à plus de 200 pieds, elle deſcendit lentement ; & comme elle approchoit de terre, M. de Rozier produiſit très-adroitement une augmentation de feu, & elle repartit ſubitement pour regagner ſa première place.

La machine partit, dans une troiſième expérience, avec M. Pilatre de Rozier & un compagnon de voyage, M. Giraud de Vilette ; & comme l’on avoit allongé les cordes, elle s’éleva juſqu’à la hauteur de 324 pieds, & elle y reſta dans le plus parfait équilibre au moins neuf minutes. Lorſque la machine fut redeſcendue, ces meſſieurs aſſurèrent qu’ils n’avoient pas éprouvé la plus légère incommodité. M. le marquis d’Arlandes prit enſuite la place de M. Giraud de Vilette, & fut enlevé avec M. Pilatre. Cette dernière expérience eut le même ſuccès que la précédente : il eſt certain que ſi la machine n’eût pas été retenue, elle auroit été portée au moins à douze cents toiſes d’élévation.

Il faut obſerver avec M. de Montgolfier que dans les expériences précédentes, il faiſoit un peu de vent : ce qui obligeoit de contenir la machine avec