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BAL

Au moment du départ des Tuileries, le vent étoit à l’eſt, mais à peine ſenſible : le thermomètre à 4 degrés au-deſſus du terme de la congélation, & le baromètre à 28 pouces 4 lignes  ; mais à la plus grande élévation où M. Charles parvint, le baromètre deſcendit à 18 pouces 10 lignes, & le thermomètre à 5 degrés au-deſſous de la glace.

L’aéroſtat ne ſouffrit d’autre altération que les modifications ſucceſſives de dilatation & de compreſſion dont les navigateurs profitèrent pour monter & deſcendre à volonté d’une quantité quelconque. « Le thermomètre, dit M. Charles dans le diſcours qu’il prononça, a été pendant plus d’une heure entre 10 & 12 degrés au-deſſus de zéro, ce qui vient de ce que l’intérieur de notre char étoit réchauffé par les rayons du ſoleil. Sa chaleur ſe fit bientôt ſentir à notre globe, & contribua, par la dilatation de l’air inflammable intérieur, à nous tenir à la même hauteur, ſans être obligés de perdre de notre leſt ; mais nous faiſions une perte plus précieuse, l’air inflammable, dilaté par la chaleur ſolaire, s’échappoit par l’appendice du globe, que nous tenions à la main, & que nous lâchions ſuivant les circonſtances, pour donner iſſue à l’air trop dilaté. C’eſt par ce moyen ſimple que nous avons évité ces expenſions & ces exploſions que les perſonnes peu inſtruites redoutoient pour nous ; l’air inflammable ne pouvoit pas briſer ſa priſon, puiſque la porte lui en étoit toujours ouverte, & l’air atmoſphérique ne pouvoit entrer dans le globe, puiſque la preſſion même faiſoit de l’appendice une véritable ſoupape qui s’oppoſoit à ſa rentrée ».

Après que M. Robert fut deſcendu à Neſle, le globe aéroſtatique, qui étoit aſſez ſtatique au nouveau départ de M. Charles, s’enfla inſenſiblement. Bientôt le gaz inflammable s’échappa à grands flots par l’appendice. « Alors je tirai, dit cet illuſtre phyſicien, de temps en temps la ſoupape pour lui donner à la fois deux iſſues, & je continuai ainſi à monter en perdant de l’air ; il ſortoit en ſifflant, & devenoit viſible, ainſi qu’une vapeur chaude qui paſſe dans une atmoſphère beaucoup plus froide. La raiſon de ce phénomène eſt ſimple. À terre, le thermomètre étoit à 7 degrés au-deſſus de la glace ; au bout de 10 minutes d’aſcenſion, j’avois 5 degrés au-deſſous ; l’on ſent que l’air inflammable contenu n’avoit pas eu le temps de ſe mettre en équilibre de température ; ſon équilibre élaſtique étant beaucoup plus prompt que celui de la chaleur, il en devoit ſortir une plus grande quantité que celle que la dilatation extérieure de l’air pouvoit déterminer par ſa moindre preſſion ».

6o. Aéroſtat de Lyon. Troiſième voyage aérien. On n’avoit pas encore eſſayé d’enlever des êtres animés avec des machines aéroſtatiques ; l’expérience de Verſailles, du 19 ſeptembre 1783, n’étoit pas encore faite, lorſque M. Joſeph de Montgolfier l’aîné, qui ſe trouvoit à Lyon, fut prié de ſe mettre à la tête d’une ſouſcription, dont les fonds, qui ne devoient pas excéder quatre mille quatre cents livres, ſeroient deſtinés à conſtruire une machine propre à enlever un grand poids, & à laquelle l’on ſuſpendroit un cheval ou tout autre animal. Mais le ſuccès de l’expérience de la Muette ayant fait déſirer à pluſieurs perſonnes de monter elles-mêmes dans la machine, on y fit des changemens.

Cette machine avoit 126 pieds de hauteur, ſur 102 de diamètre ; elle étoit compoſée de deux toiles, entre leſquelles l’on avoit piqué trois feuilles de papier froiſſé ; le tout étoit arrêté par des rubans de fil, couſus de diſtance en diſtance, & par des cordes diſpoſées de manière à donner de la conſiſtance à cette enveloppe, qui avoit d’autant plus beſoin de ce ſoutien, que les toiles n’étoient compoſées que d’un ſimple cannevas d’étoupes, d’un prix modique de 8 ſous l’aune, parce qu’on demandoit de l’économie, quoiqu’il fût queſtion d’élever dans l’air un poids de huit milliers. La forme de l’aéroſtat étoit celle d’une ſphère allongée par le bas, & terminée en cône tronqué ; une galerie en oſier y étoit ſuſpendue avec des cordes, la calote ſupérieure étoit blanche, le reſte griſâtre, & la partie conique rapprochée de la galerie, compoſée d’étoffes de laines de différentes couleurs.

Depuis le 7 janvier juſqu’au moment du départ, on s’occupa de completter la machine, & enſuite de réparer les accidens qu’avoient entraînés divers préparatifs. Le 12, on remarqua, dans une expérience préparatoire, qu’une botte de paille arroſée d’eſprit-de-vin développa un feu tel que cette énorme machine s’enleva à trois pieds de hauteur, & qu’elle alla à 15 pieds de diſtance, malgré les efforts de 50 à 60 perſonnes qui la retenoient ; le 15, on obſerva qu’il ne falloit que 5 livres de fagots de bois d’aulne par minute, pour l’entretenir dans le meilleur état de tension ; à quatre heures du même jour, ſix perſonnes étant dans la galerie, avec un leſt de trois mille deux cents livres, furent enlevées à un pied de terre, malgré les efforts qu’on fit pour retenir la machine ; tout ſembloit alors favoriſer le départ, mais il étoit trop tard. Dans la nuit il y eut pluie & gélée : le lendemain de la neige.

Le 10 janvier 1784, jour du départ, on s’occupa dès le grand matin à ſécher lentement, & avec précaution, la machine, en faiſant un feu modéré de charbon ſous l’eſtrade ; l’aéroſtat étoit dans le plus mauvais état, & criblé de trous, tant il avoit ſouffert par la gelée, la neige, & la pluie, &c. ; l’on ſubſtitua au filet dont on avoit ci-devant fait uſage, ſeize cordes, & la machine ſe développant très-bien, ſept voyageurs y montèrent, quoiqu’il eût été décidé que la machine n’en