D’autres ont cru que l’air atmoſphérique s’étoit inſinué dans l’aéroſtat à meſure qu’une portion de gaz inflammable s’échappoit, & qu’enſuite une détonnation avoit eu lieu. Mais qui a allumé ce mélange de gaz & d’air, pour lui faire produire une exploſion conſidérable ? Il faut avoir recours à des conjectures qui ne ſont point fondées, pour expliquer l’événement par cette cauſe, elles ſont trop hypothétiques pour en parler dans un ouvrage de la nature de celui-ci.
Quoiqu’il en ſoit, ce fut le 13 juin 1785 que ces deux malheureuſes victimes, après s’être élevées à une hauteur conſidérable, tombèrent, au bout d’un quart d’heure, à une lieue & quart environ de Boulogne, dans la garenne de Vimille, près des bords de la mer.
Il eſt juſte de rapporter ici quelques-uns des réſultats relatifs à l’art aéronautique que M. Romain lui-même avoit annocé, peu avant cette terrible cataſtrophe. Il avoit prétendu avoir perfectionné l’enveloppe des aéroſtats, au point de les rendre abſolument imperméables, & d’en avoir faits les plus ſenſibles des inſtruments de Phyſique, capables, diſoit-il, d’indiquer, 1o. tous les changemens, ſoit dans la raréfaction & la condenſation de l’air, ſoit dans la peſanteur de l’atmoſphère ; 2o. de faire connoître les plus foibles attractions entre deux ſubſtances ; 3o. de rendre ſenſibles les plus petits mouvemens de l’air ; 4o. de ſervir à une multitude d’expériences d’électricité.
16o. M. Teſtu fit à Paris, le 18 juin 1786, un nouveau voyage, avec un aéroſtat qu’il avoit conſtruit. En voici le récit. Son ballon avoit vingt-ſept pieds de diamètre ; il étoit fait avec du taffetas enduit d’un vernis imperméable à l’air, où entre la gomme élaſtique. Nous l’avons examiné avec ſoin à l’Obſervatoire, & il nous a paru que la compoſition de M. Testu} étoit très-bonne.
La capacité de ce ballon étoit de |
11 315 | p. c. | |||
Le poids de l’air inflammable de |
131 | ||||
Celui du ballon |
200 | tot. |
571 I. | ||
Du filet et de la nacelle |
120 | ||||
Du voyageur |
120 | ||||
Le poids de l’air atmoſphérique étant de |
737 | ||||
Il reſtoit 737 moins 571 |
166 |
Ces 166 furent l’excédent de légereté ſpécifique à employer en leſt.
Divers obſtacles s’oppoſèrent à ce qu’on put prendre cette ſomme de leſt. Premièrement, un orage très-fort, ſurvenu pendant la nuit, arracha les ſapines ou mâts qu’on avoit plantés en terre, aux deux côtés du ballon, & les fit tomber ſur lui. Cet accident perça le ballon, qui étoit placé dans le jardin du Luxembourg, très-expoſé au vent ; néanmoins ce ballon, qui étoit chargé de gaz inflammable, tendant à s’élever, conſerva la plus grande partie de ſon gaz, les trous ſe trouvant contre la terre. Dans ces circonſtances, le ballon au lieu de ſe vider, reçut de l’air atmoſphérique. Le lendemain, M. Teſtu ferma les trous avec le vernis à la gomme élaſtique, dont le ballon étoit enduit. Cet accident augmenta la peſanteur du fluide contenu dans le ballon ; un ſecond obſtacle fut la pluie, qui, en mouillant & rétréciſſant le filet, produiſit, en même temps, une augmentation de poids & une diminution de capacité ; le troiſième obſtacle fut l’ignorance & l’obſtination des ouvriers, qui ſervoient l’appareil au gaz inflammable, qui ne renouvelèrent point l’eau à travers laquelle paſſoit le gaz, quoique cette eau ſe fut ſaturée d’acide, d’où il s’enſuivit que cet acide, lorſqu’il ne put plus ſe dépoſer dans l’eau, paſſa dans le ballon avec le gaz, & en diminua la légèreté. Ces trois obſtacles furent cauſe qu’on ne put avoir que 33 livres de légereté ſpécifique, au lieu de 166.
La journée de l’expérience fut pluvieuſe par des vents d’eſt & de ſud ; l’après-midi, à quatre heures, le ciel étoit couvert de nuages épais, à travers leſquels le ſoleil ſe montroit rarement. L’hygromètre marquoit 55 degrés, le baromètre 27 pouces 10 lignes, & le thermomètre 23 degrés au-deſſus de zéro : c’eſt à cet inſtant que le départ eut lieu.
On avoit eu ſoin de faire précéder un ballon de baudruche de deux pieds de diamètre ; il prit la route du nord, & indiqua ainſi le vent de ſud ; auſi le grand ballon fut-il bientôt emporté dans la même direction, le voyageur ayant jeté dans ces circonſtances cinq livres de leſt.
Son intention étoit de pincer le vent & de s’écarter de la méridienne du côté de l’oueſt ; pour cet effet il manœuvra avec des aîles ; elles ſervirent à tourner à volonté, lorſque l’une de ces aîles agiſſoit plus que l’autre, & de plus à monter & à deſcendre en les mouvant de haut en bas, & en variant dans cette action la poſition de leur ſurface.
Les nuages les plus bas dans leſquels le navigateur fut bientôt porté, étoient à trois cent toiſes de la terre. Dès qu’il en fut enveloppé, il commença à éprouver un peu de chaleur, & un commencement de dilatation, qui augmenta lorſqu’il eût dépaſſé les nuages, & qu’il fut à 450 toiſes.
La chaleur opéra cette aſcenſion, ſoit en dilatant le gaz inflammable, ſoit en ſèchant le filet & la nacelle, & leur donnant ainſi de la légèreté. Cependant le thermomètre ne s’éleva que de deux degrés ; peut-être ne fut-il pas aſſez ſenſible.
Au moment du départ, le ballon n’étoit plein de gaz qu’au ſix cinquièmes de ſa capacité, ce