de la combuſtion de matières inflammables, cet effet dépend-il de quelques gaz plus légers que l’air atmoſphérique, dont la combuſtion occaſionne le dégagement, ou de la raréfaction de l’air ordinaire contenu dans l’aéroſtat ? Cette dernière cauſe eſt ſeule ſuffiſante pour produire l’élévation de ces machines, ainſi que l’expérience le prouve ; car on eſt venu à bout d’élever de petits aéroſtats en raréfiant l’air qui y étoit contenu par la ſimple chaleur d’un fer rouge qu’on introduiſoit en partie par l’ouverture inférieure ; de plus, tout le monde a été témoin que les grands aéroſtats deſcendent progreſſivement à meſure que la chaleur & la raréfaction de l’air diminuent, & qu’ils s’élèvent en proportion de l’activité de la chaleur qu’on ranime, & conſéquemment en raiſon de l’accroiſſement de la raréfaction de l’air intérieur. Si les gaz qui ſe dégagent dans la combuſtion des matières végétales (car celle des matières animales n’eſt point néceſſaire pour l’effet), concourt à l’action dont nous parlons : ce ne peut être que comme cauſes accidentelles, ſans leſquelles l’effet principal peut être produit ; d’ailleurs on ne connoît point encore la nature & le nombre des gaz dégagés dans la combuſtion.
La chaleur occaſionnant une raréfaction dans l’air intérieur des aéroſtats, élevés par le feu, il eſt évident qu’une partie de l’air ordinaire qui étoit contenu dans ces machines doit en ſortir ; s’il eſt, par exemple, raréfié de moitié, le poids de cet air contenu ſera donc moins peſant de moitié ou plus léger ; & ſi cet excès de légereté ſpécifique eſt plus grand que le poids additionnel de l’enveloppe, toute la machine s’élèvera & ſe ſoutiendra en l’air.
Lorſqu’on échauffe & qu’on raréfie ainſi l’air ordinaire contenu dans les machines aéroſtatiques, l’air chaſſé ſort par l’ouverture inférieure ; & lorſque le feu diminuant, on voit la machine deſcendre, l’air de l’atmoſphère rentre proportionnellement dans l’aéroſtat ; effets dont on s’aperçoit évidemment par la direction double & oppoſée des corps légers qui ſont à portée de l’ouverture inférieure ; effets qui prouvent que l’air intérieur eſt tantôt raréfié, & tantôt condenſé.
Une obſervation bien intéreſſante, & qui prouve que la ſeule raréfaction de l’air contenu dans la capacité d’un aéroſtat eſt capable de l’élever dans l’atmoſphère, eſt que l’aéroſtat de Dijon ayant été enflé d’air commun, le 29 mai, le lendemain, à midi & demi, cet air fut aſſez raréfié pour que le ballon, expoſé au ſoleil depuis pluſieurs heures, s’élevât à plus de 43 pieds, emportant avec lui le filet, le cercle horiſontal, & des cordes du poids de plus de 65 livres, c’eſt-à-dire, près de 259 livres, compris le poids de l’enveloppe ; il étoit retenu par trois cordeaux paſſés ſur une groſſe corde tendue entre les deux perches ; il en caſſa deux, & emporta le piquet du troiſième ; il ſortit de la cour par-deſſus un bâtiment, ſitué à l’eſt : s’étant abaiſſé dans une autre cour derrière ce bâtiment, un jeune homme (peſant ſoixante & onze livres), qui ſaiſit une des cordes & la tourna autour de ſon poignet, fut entraîné dans l’inſtant par-deſſus un mur de clôture de neuf pieds & retomba de l’autre côté ; le ballon continua ſa route, paſſa ſur la première allée du cours de la Porte-Bourbon, au grand étonnement du peuple qui accouroit pour le voir, & alla tomber à plus de 250 pas.
Ce fait, qui parut d’abord impoſſible, s’explique facilement par la chaleur que l’air acquiert dans les étoffes enduites de réſine. Suppoſons, par exemple, avec M. de Morveau, ce qui approche beaucoup de la vérité, qu’il n’y ait eu dans le ballon que de l’air commun qu’il pouvoit contenir, & que la chaleur ait raréfié cet air au point de remplir la capacité totale, voilà 684 livres de matière qui occupent un eſpace égal à 912 livres d’air, qui doivent par conſéquent jouir, dans ce fluide, d’une légereté reſpective de 228 livres ; mais une maſſe d’air, dans les mêmes circonſtances, acquiert encore une légereté indépendante de ſon état de raréfaction actuelle par la chaleur, dans le rapport de 68 à 71 ; la quantité totale doit donc être réduite à 655, au lieu de 684, & la légereté reſpective ſe trouve ainſi de 257 livres ; il eſt même probable que l’air qui a ſubi cette altération, eſt ſuſceptible d’une plus grande dilatation. On n’a point fait état ici ni du poids du jeune homme enlevé, ni de la force néceſſaire pour rompre les cordes, car il eſt évident que ces effets momentanés ont été dûs plutôt à l’impulſion horiſontale du vent qui s’éleva alors, qu’à une véritable force d’aſcenſion.
On ſait qu’on eſt venu à bout d’élever de petits aéroſtats, ſeulement par la chaleur d’un fer rouge.
Les aéroſtats qu’on élève par le moyen de l’air raréfié, ont des avantages marqués. D’abord, quoiqu’on leur donne un grand volume, ils peuvent être enflés en peu de minutes, tandis qu’il faut un temps aſſez conſidérable pour remplir un aéroſtat d’une grandeur moyenne, avec du gaz inflammable. En ſecond lieu, ils ſont beaucoup moins diſpendieux, puiſqu’une fois faits, il ne faut employer que très-peu de combuſtible, qu’on trouve par-tout. Des voyageurs, au contraire, ne pourroient pas ſe procurer en tous lieux de l’acide vitriolique, par exemple, pour faire du gaz inflammable, & réparer la diſſipation qui ſe ſeroit faite du premier gaz dont l’aéroſtat auroit été rempli ; d’ailleurs, les matériaux deſquels on extrait ce gaz ſont très-chers, &c., &c. Le tiſſu du taffetas ou de la toile peinte, de la toile avec papier collé eſt ſuffiſant pour contenir l’air dilaté, & lui faire