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élever un aéroſtat ; au contraire, il faut un vernis ſur le taffetas pour conſerver le gaz inflammable. On peut rendre beaucoup moins combuſtible la toile des Montgolfières, en les trempant dans une diſſolution d’alun.

Mais les aéroſtats à gaz inflammable ont, ſous un autre rapport, des avantages très-grands ; ils ne ſont pas ſujets à être brûlés comme les autres ; ils diſpenſent d’une manipulation très-pénible, telle que celle d’entretenir du feu, & ſont par cela bien plus propres aux obſervations qu’un phyſicien pourroit ſe propoſer de faire, &c. &c.

Le carton, ſelon MM. de Morveau, Chauſſier, & Bertrand, préſente beaucoup d’avantages ; le pied carré d’un bon carton de trois quarts de ligne d’épaiſſeur, peut être eſtimé peſer 4 onces 6 gros ; un globe de 37 pieds de diamètre, ne peſeroit conſéquemment que 1 227 livres ; il déplaceroit 2 229 livres d’air commun, & pourroit être rempli facilement d’un gaz inflammable, qui ſeroit à l’air commun comme 1 eſt à 6, & ne peſeroit ainſi que 372 livres ; il auroit donc déjà une force d’aſcenſion de 580 livres, c’eſt-à-dire, au moins auſſi conſidérable que le globe de métal à cinquante pieds de diamètre.

Le carton eſt la matière la moins chère, & en même temps la plus commode ; alors on n’auroit plus à craindre les coutures, car le globe pourroit être fait d’une ſeule pièce ; un demi-cercle repréſentant un fuſeau développé ſur ſa courbe, conſtruit en bois légers, porté par un axe qui traverſeroit les deux pôles, ſerviroit à coller ſucceſſivement toutes les feuilles, en faiſant gliſſer ſucceſſivement le globe par demi-fuſeau ſur cet établi cintré.

Un pareil globe porteroit un filet de rubans de fil, & un cercle équatorial au moins auſſi bien qu’un ballon de taffetas. Rien n’empêcheroit de renforcer l’hémiſphère ſupérieure, en poſant intérieurement un cercle de bois léger, à peu près à la hauteur des cercles des tropiques dans les globes terreſtres ; enfin, pour prévenir la rupture dans le cas d’une grande dilatation, il faudroit placer en bas une ſoupape.

Le carton eſt une des matières qui prend le moins de chaleur, qui ſe tourmente le moins ; à la vérité, il craint l’humidité, mais on peut l’en préſerver aiſément par un vernis ſur l’extérieur. On pourroit encore incorporer du parchemin dans l’intérieur de la ſubſtance du carton, le parchemin étant peu poreux.

V. De la direction des aéroſtats. Il y en a qui ont prétendu qu’il étoit impoſſible de diriger les aéroſtats, parce qu’on ne pouvoient, diſoient-ils, vaincre la réſiſtance du fluide qu’il faut déplacer, ſans une force conſidérable qu’on ne peut employer dans les machines aéroſtatiques. Si ce raiſonnement avoit quelque fondement, il prouveroit qu’il eſt impoſſible à l’homme de marcher ſur la terre, car pour cet effet il faut que le corps déplace un volume d’air égal au ſien. Cependant l’expérience prouve que rien n’eſt plus aiſé, & qu’on peut, pour toute réponſe, imiter ce philoſophe grec qui ſe contenta de marcher devant un homme qui nioit le mouvement. Cette facilité de ſe mouvoir dans tous les ſens, vient de ce que toutes les parties de l’air ſont en équilibre entre elles, & que lorſqu’on ſe porte en avant, on laiſſe au fluide déplacé, un eſpace égal par derrière qu’il remplit auſſi-tôt. Il en eſt de même lorſqu’on nage dans une rivière, quoique l’eau ait de huit à neuf cent fois plus de denſité que l’air, & oppoſe conſéquemment une réſiſtance huit à neuf cent fois plus grande : par la même raiſon les poiſſons ſe meuvent dans l’eau avec la plus grande facilité. Ces principes s’appliquent néceſſairement aux mouvemens des ballons aéroſtatiques, à la différence près, qu’étant plus légers que l’air, ils ont la peſanteur de moins à vaincre, que celle que le corps de l’homme eſt obligé de ſurmonter dans ſes mouvemens, & dont on s’aperçoit par la fatigue après une longue marche, & ſur-tout en graviſſant les montagnes.

Les principaux moyens auxquels on penſa d’abord pour la direction des aéroſtats ont été des voiles, ou des aîles comme les oiſeaux, ou des nageoires comme les poiſſons : examinons ces trois moyens.

La navigation aérienne diffère de la nautique dans un point eſſentiel. Dans la nautique, les vaiſſeaux voguent dans un fluide qui les porte, & s’élèvent dans un autre qui eſt plus de huit cent fois moins denſe ; ce qui donne la facilité d’employer des voiles. Leur effet eſt de multiplier les ſurfaces, afin de recevoir une plus grande quantité de force du fluide qui pouſſe, dit M. de Milly, pour vaincre la réſiſtance du fluide qui porte : ainſi, l’on oppoſe deux forces inégales, dont on multiplie l’une & diminue l’autre, autant qu’il eſt poſſible par la grandeur des voiles & par la forme du vaiſſeau. « Mais, dans la navigation aérienne, ces moyens ne peuvent avoir lieu, parce que le corps porté ne ſurnage pas ; il reſte enfoncé dans le fluide comme un vaiſſeau ſubmergé qui flotteroit entre deux eaux & qui ſeroit emporté par un courant. Dans cette ſituation, toutes les voiles ſeroient non-ſeulement inutiles ; mais elles deviendroient très-nuisibles, en ce que, donnant plus de priſe à la puiſſance du courant, & étant élevées au-deſſus du centre de gravité, elles feroient chavirer le vaiſſeau. Dans une mer tranquille, leur effet ſeroit abſolument nul, & ne feroit que ſurcharger le vaiſſeau, qui flotteroit entre deux eaux,