Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/524

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des limites plus étroites, & ſi la différence des hauteurs au-deſſus de l’horiſon diminue l’étendue & la vîteſſe de cette marche, comme l’élévation au-deſſus du centre de la terre l’opère, ainſi qu’il conſte des obſervations barométriques faites à l’équateur, & comparées à celles des régions plus proches du pôle. La marche majeſtueuſe & tranquille du globe aéroſtatique, permettra preſque toujours d’obſerver avec un baromètre ordinaire ; d’autrefois, dans les changemens de vent, on pourra ſe ſervir de nouveaux baromètres aéroſtatiques que j’ai imaginés, à l’inſtar des baromètres marins employés ſur les vaiſſeaux.

Par le ſecours du ballon aéroſtatique, on connoîtra les différentes denſités de l’air, à des hauteurs plus ou moins grandes, en vidant à diverſes élévations plusieurs flacons remplis d’eau, que l’air de l’atmoſphère à ces hauteurs différentes remplacera, & qu’on peſera enſuite à la balance aéroſtatique, après les avoir rapportées ſur la terre. Il eſt inutile de dire que les bouchons ſeront parfaitement rodés, & que pour plus de précaution on pourroit plonger l’orifice des flacons ainſi bouchés dans des baſſins faits exprès, où ſeroit une petite portion d’eau que les balancemens du ballon ne pourroient faire verſer ; ce qui eſt facile à exécuter. Ces expériences, ainſi que les ſuivantes, répétées en différens temps, ſeront une source de connoiſſances.

Une des qualités de l’air qu’il importe le plus de connoître, me paraît être ſa ſalubrité, & conſéquemment ſon degré de pureté. On ſaura, en employant les Eudiomètres pour examiner les différentes portions d’air, quelles ſont les élévations au-deſſus de la ſurface de la terre où l’air eſt meilleur. On verra par le ſecours de ces nouveaux instrumens, que la Phyſique moderne a inventé pour jauger l’air, s’il eſt permis de parler ainſi, quelles ſont les limites dans leſquelles l’air reſpirable eſt circonſcrit ; car c’eſt une erreur de croire que l’air eſt plus pur à une grande élévation dans l’atmoſphère, puiſque les expériences & les obſervations récentes prouvent que l’air ou gaz inflammable qui a plus de légéreté ſpécifique que l’air ordinaire, s’élève au-deſſus de la baſſe région, & que ce gaz eſt nuiſible à l’économie animale, & particulièrement à la reſpiration. M. de Sauſſure a obſervé que l’élévation moyenne entre 2 ou 300 toiſes au-deſſus du niveau de la mer, eſt celle où l’air eſt plus favorable à la ſanté ; & que l’air des montagnes élevées à plus de 5 ou 600 toiſes au-deſſus de la mer, eſt même plus vicié que celui des plaines baſſes où l’air fixe domine. Pour faire l’expérience dont nous parlons, on prendra à différentes hauteurs déterminées des quantités d’air dans des flacons propres à être bien bouchés & étiquetés avec ſoin, afin de prévenir toute erreur. Au retour du voyage aéroſtatique, l’obſervateur examinera ces diverſes portions d’air, en employant l’eudiomètre à air nitreux ou plutôt l’eudiomètre à gaz inflammable. On ſait que pour prendre de l’air d’un lieu déterminé, on y vide un vaſe rempli d’eau, qu’on ferme enſuite rapidement. On peut encore porter un globe vide d’air, qu’on n’ouvre qu’à telle hauteur pour le refermer de nouveau. Un volume d’air, pris ainſi à une grande élévation, ſe réduirait à la moitié environ, lorſqu’il ſeroit ſur terre.

Afin de mieux connoître les rapports de l’air avec l’économie animale, on pourra tranſporter des animaux foibles & languiſſans à différentes hauteurs, & examiner comment ils ſeront affectés dans un air de diverſe peſanteur, de plus en plus raréfié, plus ou moins froid, d’une plus ou moins grande ſiccité, avec différens dégrés de chaleur, plus ou moins chargés de vapeurs & d’exhalaiſons ; en un mot, dont les qualités ſoient beaucoup éloignées de celles qu’il a près de la ſurface de notre globe. Qui oſerait croire que des voyages aéroſtatiques ne fuſſent très-utiles dans certaines maladies. Le changement d’air, qui eſt ſi différent à diverſes hauteurs, ne ſeroit-il pas avantageux dans pluſieurs circonſtances ? En y tranſportant différentes plantes, on verra auſſi beaucoup mieux quels ſont les rapports de l’air avec la végétation ; on ſaura ſi les plantes qui, pour la plupart ſe plaiſent dans l’air inflammable, ſouffriront dans la moyenne région de l’air, ou ſe comporteront comme les animaux dont la conſtitution paroît ſe plier aſſez bien à tous les changemens de climat, & ſoutenir toutes les viciſſitudes les plus étonnantes, & les alternatives les plus rapides par leſquelles on les fait paſſer. Les expériences qu’on a faites ſur le Pic de Ténérife & ſur d’autres montagnes très-élevées, relativement aux faveurs & à l’impreſſion des ſubſtances rapides, dans un air plus ſubtil ſur l’organe du goût, recevront auſſi leur complément. On ſaura quelles ſont les ſubſtances qui perdront plus ou moins de leur ſapidité ; quelles ſont celles qui reſteront toujours ſavoureuses, comme le vin des Canaries, & les autres ſubſtances onctueuſes, propres à adhérer à la langue, & à faire une impreſſion plus marquée ſur des papilles nerveuſes.

En portant également dans le ballon aéroſtatique des ſubſtances odorantes, on fera des expériences analogues à celles dont nous venons de parler ſur les ſaveurs, & la Phyſique, & même la Phyſiologie s’enrichiront par des expériences comparées, qui donneront le moyen le plus propre d’avoir des connoiſſances aſſurées.

Si les voyages faits en d’autres climats & ſous d’autres cieux, ſi ceux qu’on a entrepris autour