Le moyen d’employer à cet effet le globe aéroſtatique, eſt de l’armer d’une ou de pluſieurs pointes métalliques, & de filer avec des fils d’or la corde qui le retiendra. Si on iſole, par le moyen d’un cordon de ſoie, ou par une tige de verre, ou de quelque autre manière cette corde, & qu’on ait ſoin de mettre à l’endroit de la jonction de la corde métallique avec la matière cohibente ou idio-électrique, c’eſt-à-dire, avec le cordon de ſoie ou de verre, un corps conducteur, tel qu’une boule ou un tube de métal, on tirera avec cet appareil, des étincelles électriques, tandis que ſouvent on n’en pourra obtenir aucune avec les autres. En appliquant le nouvel inſtrument appelé le condenſateur, je ſuis venu à bout pluſieurs fois de rendre viſibles des étincelles, qui ſans ce moyen ne l’auroient pas paru, & auroient fait juger qu’il n’y en avoit point, à des perſonnes peu inſtruites des propriétés du condenſateur.
Non ſeulement on connoîtra l’exiſtence de l’électricité de l’atmoſphère, par les étincelles ſenſibles qu’on en tirera, mais encore ſon eſpèce, ſi elle eſt poſitive ou négative, par les divers moyens que nous avons décrits en traitant de l’électricité.
Cette ſource féconde d’électricité, & par conſéquent d’expériences & d’obſervations étant ouverte, quelle maſſe de lumières n’en doit pas ſortir ? combien de découvertes nouvelles propres à confirmer les vérités déjà connues, n’en réſulteront pas ? Une belle expérience, que des recherches qui me ſont propres m’ont fournies, eſt celles des aigrettes électriques qu’on voit ſur la ſurface d’un globe aéroſtatique, ſur les pointes métalliques qu’on y place. J’en mets une, formée d’un très-petit fil de fer, à l’extrémité ſupérieure, & d’autres en fil d’or en différens endroits de la ſurface ; & la plupart d’entre elles, probablement celles qui ſont convenablement aiguës, préſentent quelquefois le phénomène curieux dont nous parlons, celui des aigrettes électriques. L’apparition de ce phénomène dépend non ſeulement d’un certain degré de force dans l’électricité, d’un temps ſec, mais encore d’une élévation propre à cet effet. La foible lumière des aigrettes ne peut pas être diſtinguée à une grande hauteur, & la lumière du jour l’abſorbe, pour ainſi dire, & l’empêche de paroître comme les étoiles. Auſſi n’eſt-ce que ſur le ſoir ou dans la nuit que cet effet doit être apperçu ; & il a lieu, ſoit qu’on retienne le globe aéroſtatique par une corde électrique, ou par un ſimple petit fil d’or (ſelon l’intenſité de force aſcenſionnelle), ſoit qu’on l’abandonne à lui-même.
Avec ce nouvel inſtrument, on répétera toutes les expériences qu’on peut faire avec les appareils électriques, attractions, répulſions, étincelles, commotions, fuſion des métaux, & révivifications de leur chaux, &c. ; & avec cette différence que la cauſe productive de ces effets ne ſera pas ſur la terre, mais dans les cieux où nous irons la puiſer ; ſource bien plus abondante & bien plus capable de ces grands effets, ſeuls propres à reculer les limites de la ſcience.
L’élévation des aéroſtats, dans les hautes régions de l’atmoſphère, à laquelle l’électricité de l’air, par ſon attraction, ſemble influer en partie, n’eſt-elle pas conſéquemment une preuve de celle-ci ? Pour en donner une idée, voici une expérience que j’ai faite depuis long-temps dans mes cours publics de Phyſique. Je préſente au-deſſous du grand conducteur d’une machine électrique, un petit aéroſtat ou globe en baudruche, rempli ſeulement d’air atmoſphérique, & cet aéroſtat s’élève par un effet de l’attraction électrique, juſqu’à la hauteur où lui permet de monter le fil qui le retient. Lorſque jc lâche un peu ce fil, le globe s’élève plus haut ; ſi le fil eſt fixé, le petit aéroſtat reſte ſuſpendu en l’air malgré la force de la gravité, & ſon effort pour monter eſt très-ſenſible ; enfin, abandonné à lui-même, il ſe porte au conducteur électriſé.
Comme on eſt aſſuré qu’il règne continuellement dans l’atmoſphère une électricité conſidérable, & que le fluide électrique exerce une force d’attraction ſur les corps non-électriſés qui ſont renfermés dans la ſphère d’activité, ainſi qu’il eſt prouvé par un grand nombre d’obſervations & d’expériences, on ne ſauroit révoquer en doute l’influence que l’électricité de l’atmoſphère a ſur l’aſcenſion & la ſuſpenſion des aéroſtats (il en eſt de même de celle de tous ces corps légers qu’on appelle vapeurs & exhalaiſons qui flottent dans l’atmoſphère ; leur élévation & leur ſuſpenſion ſont des effets de l’attraction & de la répulſion électrique, ainſi que je l’ai prouvé dans pluſieurs mémoires).
Cette cauſe (l’électricité), dans les expériences précédentes, a produit ces deux phénomènes en petit ; ſavoir, l’élévation & la ſuſpenſion d’un petit aéroſtat, combinée en grand avec les autres cauſes que j’admets également, telles que la légereté ſpécifique du gaz inflammable, & celle de l’air raréfié par la combuſtion qui ſeules ſont capables d’élever des aéroſtats, comme l’électricité ſeule les élève dans les expériences précédentes ; cette cauſe, dis-je, l’électricité combinée en grand, doit donc concourir avec celle de la légereté ſpécifique à l’élévation & à la ſuſpenſion des machines aéroſtatiques, ou du moins à les entretenir ; c’eſt à dire, que ſi un aéroſtat eſt rempli d’un air raréfié par la chaleur ou de gaz inflammable, la différence des gravités ſpécifiques, & la vertu attractive du fluide