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AIG

Les aiguilles aimantées ſont de quatre ſortes, ſavoir, l’aiguille de direction, l’aiguille de déclinaiſon, l’aiguille de variation, & l’aiguille d’inclinaiſon.

L’aiguille de direction eſt celle qui par ſa conſtruction, indique la direction de l’aimant. Si l’aimant ſe dirigeoit nord & ſud préciſément, une aiguille d’acier, bien trempée, parfaitement ſuſpendue & fortement aimantée, devroit être appelée aiguille de direction. En 1666, l’aiguille aimantée indiquoit à Paris le nord, ſans aucune déviation, ou aberration. Il y a pluſieurs autres contrées, où, pendant certain temps, l’aiguille n’éprouvant aucune déviation, indique directement le nord. On ne ſait pas encore ſi les aberrations de l’aiguille aimantée qui, après avoir été vers l’eſt, ſont enſuite vers l’oueſt, ont une marche périodique.

L’aiguille aimantée, indiquant toujours la direction du méridien magnétique, lequel diffère ſouvent du méridien aſtronomique, l’aiguille aimantée peut, ſous ce rapport, être nommée aiguille de direction. En ce ſens, l’aiguille de direction & l’aiguille de déclinaiſon dont nous parlerons bientôt, ſont la même choſe. Mais l’uſage a prévalu de donner ſeulement le nom d’aiguille de déclinaiſon à l’aiguille aimantée, parce qu’elle décline plus ſouvent du vrai nord, qu’elle n’y eſt dirigée, ſoit qu’on conſidère la ſuite des années ou l’étendue des lieux. Voyez Direction de l’aimant, Déclinaison de l’aimant, au mot Aimant, & à ces mots particuliers.

L’aiguille de direction, priſe dans le premier ſens qu’on vient d’expoſer, indiquera toujours le nord, & dans le ſecond ſens, marque toujours la direction du méridien magnétique ; & ſi on ſe borne là, une ſimple aiguille eſt une aiguille de direction ; mais l’aiguille de déclinaiſon exige, 1o. d’être placée ſur une méridienne pour connoître cette déviation ; & 2o. d’être miſe au milieu d’un cercle gradué pour évaluer la quantité de cette aberration : ainſi, ſous ce nouveau rapport, l’aiguille de direction diffère de l’aiguille de déclinaiſon.

On obſervera que lorſqu’on veut connoître avec préciſion la direction d’une aiguille aimantée, conſtruite à l’ordinaire, il eſt à propos de commencer par agiter un peu ſon ſupport, pour lui faire prendre ſa véritable direction, & on remarque aſſez conſtamment, ſi la bouſſole eſt bonne, que lorſqu’aucune cauſe ne tend à la faire varier, on a beau agiter le ſupport, l’aiguille tremble, mais elle reſte fixe. Lorſque ſes variations doivent avoir lieu, le matin & le ſoir, vers l’oueſt ou vers le nord (ainſi qu’on le dira à l’article Aimant, cinquième propriété, variation), l’aiguille ſe dirige au vrai point de ſa variation actuelle ; & quand elle eſt arrivée à ce point, ce qui ſe fait dans le moment, elle y demeure fixe, malgré les ſecouſſes légères qu’on continue de donner au ſupport.

M. Knight a fait voir, par pluſieurs expériences, que les aimans & les aiguilles de bouſſoles pouvoient renfermer différens pôles, qui, ayant des propriétés & des vertus toutes contraires, pourroient nuire à leur efficacité, & ne ſervir qu’à affoiblir les pierres armées & non armées, ainſi que les bouſſoles. Il trouva, en effet, telles bouſſoles marines ou compas de route qui avoient quatre, ſix & juſqu’à huit pôles. Quelque peu de force qu’aient les pôles apparens dans une pierre brute ou dans une aiguille de bouſſole, il eſt très-certain que la propriété de l’un étant attractive, & au contraire répulſive dans l’autre pôle qui lui eſt contigu, il doit s’enſuivre de-là des forces qui ſe détruiſent avec telles combinaiſons, qu’il eſt poſſible qu’il y ait des cas où l’effet de ces aiguilles ſeroit abſolument nul. Ainſi, dans ce cas ſi rare, quoique très-poſſible, une pierre d’aimant, nageant ſur l’eau, ou bien l’aiguille de la bouſſole miſe en expérience, n’auroit aucun effet, quant à ſa direction, quoique la limaille de fer, ſemée légèrement, tout autour, ne ceſſe d’y indiquer la vertu attractive. De ce cas extrême, dit M. le Monnier, l’aſtronome, en formant diverſes gradations, il eſt viſible que juſqu’à ce qu’on ait atteint & réuſſi à n’avoir, dans une pierre, ou dans une bouſſole, que ſeulement deux pôles, & qui ſoient diamétralement oppoſés, on ne ſauroit ſe flatter de les voir agir, quant à ſa direction, avec toute la vivacité dont elles pourroient être ſuſceptibles. On n’ignore pas que le vrai moyen de juger de la vivacité d’une aiguille, ainſi que l’a dit Muſſchenbroek, conſiſte à meſurer le nombre d’oſcillations qu’elle fait dans un temps donné, & qu’il en doit être de même d’une pierre qui nage à la façon des arabes & des chinois, ſur un morceau de liége, à l’abri du vent, dans une eau tranquille & dormante.

Telle fut la première inſtitution des bouſſoles que pratiquoient les ſarraſins, connus dans la mer rouge & aux Indes, ſous le nom de pilotes maures, lorſque Louis IX prit Damiette. À cette manière de faire nager la pierre d’aimant ſur l’eau, ſuccéda celle de poſer légèrement une aiguille à coudre, touchée à une pierre d’aimant ſur l’eau ; & enſuite dans l’air, lorſqu’on eut adapté une chape au milieu d’une aiguille, pour qu’elle tournât facilement ſur un pivot. Cette chape a cauſé depuis quelques inconvéniens ſinguliers, ſavoir, celui de multiplier les pôles de l’aiguille ; en ſorte qu’elles avoient au moins quatre pôles ; ſavoir, deux pôles oppoſés de chaque côté de la chape. On ſait depuis long-temps que tout morceau d’acier aimanté & enſuite rompu, donne très-vîte naiſſance à un nouveau pôle, aux points de ſa rupture : l’ouverture, pour placer la chape, participe ſans doute d’un effet auſſi conſtant.