Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/657

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vent d’une autre couleur que celle dont le bouzin eſt rempli, & que cette ſaleté qu’on remarque dans cette glace ſpongieuſe, ne ſe trouve pas dans des glaçons qui ont cinq à ſix pouces d’épaiſſeur, comme elle devroit y tre, s’ils venoient du fond.

Pour ſavoi la vraie origine de cette ſorte de glace, dit cet habile phyſicien, il faut obſerver que la gelée fait prendre les eaux courantes tout autrement que celle qu’on nomme dormantes, & que la glace des unes diffère beaucoup de celle des autres par ſa dureté, ſa couleur, ſa tranſparence. Quand le froid agit ſur une eau tranquille, il ſe communique uniformément d’une couche à l’autre ; les parties ſe lient également, & l’air qui s’en échappe, gagnant toujours le deſſous, en interrompt moins la continuité ; ainſi cette glace eſt communément la plus dure, la plus unie, plus claire, & d’une couleur plus ſemblable à celle de l’eau. « Il n’en eſt pas de même des glaçons qu’on voit flotter ſur les rivières, lorſqu’elles charient. Ils ſont plus opaques, d’une couleur plus blanchâtre ; ils ont moins de conſiſtance ; le deſſous & les bords ſont chargés d’une épaiſſeur aſſez conſidérable de bouzin. C’eſt une erreur de croire que ces glaçons flottans ſoient détachés des bords ou par la chaleur du ſoleil, ou par les ſoins de quelques meuniers qui rompent en certains endroits la glace qui les incommode ; car la riviere charrie la nuit comme le jour ; & la grande quantité de glaçons dont elle eſt continuellement couverte, ne peut point être regardée comme l’ouvrage d’un petit nombre de particuliers. Mais voici ce qui arrive. Quand la gelée eſt aſſez forte, non ſeulement l’eau ſe glace aux bords, & dans les anſes où elle n’eſt point agitée par le courant, mais auſſi dans les endroits où ſes parties n’ont aucune vîteſſe reſpective, c’eſt-à-dire, où elles n’ont qu’un mouvement commun qui ne les déplace point les unes à l’égard des autres. Ce ſont ces endroits qu’on appelle miroirs, qu’on voit communément aux grandes rivières, & où l’eau ſemble être dormante, parce qu’on n’y apperçoit point de flots. Lors donc que la ſuperficie d’un de ces miroirs eſt priſe, il en réſulte un glaçon iſolé, qui ſuivant le courant, donne lieu à un autre de ſe former après lui dans la même place. Mais comme ces glaçons ſont d’abord très-minces, ils n’y en a qu’une partie qui ſe conſerve entiers, ou dont les fragmens reſtent d’une certaine grandeur, les autres ſont briſés & comme broyés par mille accidens, de ſorte que la rivière eſt couverte en partie de grands glaçons qu’elle charrie gravement, & en partie de ces petits fragmens, qui flottent au gré de l’eau, que le moindre obſtacle arrête, ou qui ſont pouſſés ſous la glace qui tient au rivage.

De-là il arrive deux choſes. Premièrement, comme les grands morceaux de glace conſervent plus de vîteſſe que les petits, ceux-ci continuellement expoſés à la rencontre des premiers s’amaſſent à leurs bords, & y forment comme une croute qui s’élève au-deſſus du plan ; ou bien, paſſant deſſous, & s’y arrêtant par le frottement, ils y ſont fixés par la gelée, & ils augmentent l’épaiſſeur du grand glaçon. De-là vient que ces glaces flottantes ſont d’une couleur blanchâtre & opaque, & qu’elles ſont moins dures que celles des eaux dormantes, parce qu’elles ſont faites pour la plus grande partie de toutes ces pièces mal jointes, & qui renferment entre elles ou beaucoup d’air, ou d’autres matieres qui s’y ſont mêlées pendant qu’elles flottoient. Secondement, quand ces petits fragmens ſont chaſſés ſous la glace qui tient au rivage, ils ne s’attachent enſemble que fort imparfaitement, parce que le degré de froid qui y règne eſt à peine capable de geler. De-là vient le bouzin qui n’eſt qu’une glace ſpongieuſe, qui a peu de conſiſtance, & qu’on trouve toujours ſale, parce qu’en obéiſſant au fil de l’eau ſous la grande glace, elle a ſouvent touché le fond, & s’eſt chargée de ſables, d’herbes, & généralement de tout ce qui a pu s’y attacher. Si donc l’on enlève un morceau de grande glace ſous laquelle eſt le bouzin, celui-ci ne manque pas de s’en détacher par ſon propre poids ; la chute le porte un peu avant dans l’eau, & un inſtant après, lorſqu’il remonte à la ſurface, il ſemble qu’il vient du fond ».

Il y en a qui ont penſé que dans les ruiſſeaux, les petites rivières, le bouzin ſe formoit au fond, & s’élevoit enſuite, parce que la terre étant gelée doit glacer l’eau par ſon contact, ſelon cette loi conſtante que l’eau qui ſe gèle ne reçoit cette modification que par le contact ou l’approche de quelque autre corps ſolide ou fluide, dont le degré de froideur ſurpaſſe celui qu’elle avoit avant de ſe geler, & va tout au moins juſqu’au froid de la congélation. L’eau ſe gèlera dans ce cas, non ſeulement ſur le fond de la rivière, mais même encore dans le fond ; les molécules d’eau qui ſont entre les grains de ſable ſe congelant, formeront des maſſes celluleuſes & ſpongieuſes, qui s’élèveront lorſque le froid deviendra moindre. Voyez le mot Glace, où nous avons rapporté à l’article glace au fond des rivières les expériences de MM. Brauns de Withemsbourg, Beckman, Illeſen, Beſſon, &c., & qui ont été faites poſtérieurement.

BOY


BOYLE (Robert). Boyle eſt un des premiers ſavans qui ſe ſoit appliqué avec ſuccès à la phyſique expérimentale depuis le renouvellement des ſciences ; il naquit à Liſmore en Irlande, le 25 janvier 1616. Il fit ſes premières études chez le grand comte de Cork, ſon père, & alla enſuite à Leyde pour les achever. Ses ſuccès répondirent aux heureuſes diſposi-