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s’étendent auſſi ſur les plages de la mer. Ces brouillards ſe maintiennent ſouvent ſur la ſurface des terres juſqu’à environ midi ; alors, il s’élève ſans ſe diſſiper entièrement. Dans les Philippines & ſur-tout à Mindanao, après que les terres ont été détrempées par la ſaiſon pluvieuſe, on apperçoit des brouillards épais s’élever dans l’air & l’obſcurcir tous les matins ; ils ſont ſur-tout plus ſenſibles & plus fréquens dans les vallées & le long des montagnes, où les vents d’orage qui règnent alors, contribuent à les condenſer : ils ſe maintiennent quelquefois huit jours de ſuite, & ne ſont diſſipés que par des tempêtes violentes, accompagnées de pluies & de tonnerres. Dès que ces tempêtes ont ceſſé, ces brouillards ſe reforment de nouveau & durent juſqu’à ce que la ſaiſon ſèche ſuccède à la ſaiſon humide.

Dans des pays plus tempérés que ceux dont nous venons de parler, les brouillards ont encore lieu ; en Italie, particulièrement à Rome & dans les environs, les brouillards ſont aſſez fréquens en hiver, ſur-tout après les pluies ou les neiges. Ces brouillards ſont épais, & répandent dans l’air une obſcurité ſenſible ; ils ſont d’une odeur âcre & ſouvent fétide, ce qu’on a attribué à la quantité d’exhalaiſons ſulfureuſes & ſalines qui s’élèvent de la terre. Ces brouillards ſont toujours diſſipés à midi au plus tard ; le ſoleil en raréfie une partie qui s’élève dans la région ſupérieure, tandis qu’une portion retombe en pluie fine ſur la terre. Hist. natur. de l’air, &c.

Lorſque les brouillards ſont chargés d’exhalaiſons infectes & inſalubres, elles cauſent différentes maladies. En 1733, au rapport de Muſſchenbroeck, une partie de l’Allemagne étoit incommodée de brouillards qui venoient de la Pologne, & qui s’étendoient dans la Hollande. Ces brouillards occaſionnèrent des péripneumonies & des toux qu’on ne pouvoit calmer, & qui firent mourir beaucoup de personnes. Ce qui prouve que le brouillard eſt ſouvent ſompoſé d’exhalaiſons, différentes des vapeurs, c’eſt non-ſeulement l’odeur fétide qu’il répand dans certaines circonſtances, mais encore c’eſt qu’après la chute du brouillard, on trouve quelquefois ſur la ſurface de l’eau une pellicule graſſe tirant ſur le rouge. On s’en apperçoit encore par l’âcreté qu’on reſſent à la gorge & aux yeux, que les brouillards contiennent des exhalaiſons.

Il tombe aſſez ſouvent en France, quand les années ſont pluvieuſes, ou quand des vents humides & chauds règnent dans le mois de juin & de juillet ; il tombe alors un brouillard gras que les agriculteurs ont nommé nielle, qu’on prétend nuire aux fruits & aux grains, parce qu’il cauſe, dit-on, ces maladies du blé, connues ſous le nom de nielle & de rouille, celle du ſeigle ergoté ou blé cornu : les grains ainſi affectés ont plus d’un demi pouce de groſſeur. Le vice de ces grains eſt tel, que ſi on ne ſépare pas ceux qui ſont gâtés des autres, & qu’on en faſſe du pain, les perſonnes qui en mangent ſont attaquées de différentes maladies, telles que des fièvres malignes, des gangrènes, des ſphacèles. Il y a des auteurs qui croient que ces maladies des grains dont on vient de parler ſont produites par des inſectes, mais leur exiſtence n’eſt pas conſtatée.

Dans nos climats l’air eſt calme lorſqu’il y a brouillard, car le vent le diſſipe ordinairement. Mais, comme nous l’avons dit, il ſubſiſte malgré la violence des vents dans les contrées glaciales : les vents, bien loin de les diſſiper les augmentent, parce qu’ils pouſſent les vapeurs contre des montagnes & des rochers, &c. qui les retiennent & les accumulent : ſouvent les vents ſeuls ſont capables de les amener de loin, & de les réunir dans des contrées où ils n’y auroit pas des obſtacles, tels que ceux dont nous venons de parler. Lorſque le vent ne diſſipe pas les brouillards directement, il produit quelquefois une pluie fine, ce qui vient de l’accumulation de pluſieurs molécules aqueuſes réunies, qui, devenant alors plus peſantes qu’un égal volume d’air, doivent ſe précipiter ſur la ſurface de la terre. Cela arrive ſur-tout ſi pluſieurs vents ſoufflent enſemble de divers côtés.

C’eſt dans les mois d’octobre, novembre, décembre, janvier, février & mars, que les brouillards règnent plus communément. Il y en a au contraire très-peu ordinairement dans les mois de mai, juin, juillet & août. Voici le reſultat des obſervations de Muſſchenbroeck, à Leyde, pendant l’eſpace de 29 ans. Il y a eu 132 fois de brouillard en janvier ; 83 en février ; 44 en mars ; 13 en avril ; 3 en mai ; 4 en juin ; 2 en juillet ; 2 en août ; 13 en ſeptembre ; 52 en octobre ; 96 en novembre ; 98 en décembre. La plupart des brouillards qui s’élèvent en Hollande, paroiſſent après un vent d’oueſt, ou lorſque ce vent ſouffle. La même choſe ſe remarque lorſqu’il règne des vents de ſud-oueſt & de ſud-eſt, mais rarement avec les autres vents. Cet effet vient de ce que ces vents apportent beaucoup de vapeurs de la mer qui eſt dans le voiſinage de ce pays.

On ne ſera pas ſurpris d’après ce qu’on vient de lire, que les brouillards ſoient aſſez fréquens dans la ſaiſon froide, ſur-tout dans les lieux qui ſont proches des rivières, des étangs, des marais, & des forêts.

M. de Maupertuis, parlant des brouillards du nord, dans ſon traité de la figure de la terre, dit qu’il ne ſait, ſi c’eſt parce que la préſence du ſoleil ſur l’horiſon fait élever des vapeurs qu’aucune nuit ne fait deſcendre ; que pendant deux mois qu’il paſſa ſur les montagnes de Laponie, le ciel en fut toujours chargé juſqu’à ce que le vent de nord vint diſſiper ces brouillards. Ce qui confirme cette idée que ces météores dépendent d’une évaporation abondante qui réſulte du long

ſéjour que le