Page:Encyclopedie Planches volume 2b.djvu/14

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& qu’ils ayent de la confiance les uns pour les autres. Aussitôt que les chiens seront donnés, les piqueurs leur parleront à haute voix en ces termes, il vala chiens, il vala haha, ils sonneront en même tems trois mots du gros ton ou du premier grêle de la trompe, & sonneront ainsi de tems en tems, tant pour animer les chiens que pour faire connoître à ceux qui sont à la chasse, que l’on court toujours le cerf de meute.

S’il arrive que votre cerf fasse bondir le change, & qu’après s’être fait chasser cinq cens pas accompagné, & ensuite s’être séparé, les chiens fassent deux chasses, il faut que les piqueurs se partagent pour suivre les chiens & qu’ils les appuient sans sonner jusqu’au premier chemin, ou autre lieu propre à revoir; celui qui aura revu du cerf de meute sonnera alors; & sur la foi de ce témoignage, les autres rompant leurs chiens pour le venir joindre, les rallieront à ceux qui chassent le cerf de meute. C’est ici principalement qu’on sent la nécessité qu’il y a d’avoir de bons piqueurs; car s’ils n’étoient bien connoisseurs, au lieu de chasser toujours le même cerf, ils en courreroient quatre ou cinq dans une chasse. Or pour éviter cet inconvénient, il ne faut que revoir du cerf que l’on donne aux chiens, au moyen de quoi un bon piqueur reconnoît aisément le cerf de meute au milieu du change.

On ne peut donc trop payer les bons piqueurs, puisque tout le succès & l’agrément d’une chasse roulent sur eux, mais ils sont plus rares qu’on ne pense; car la plûpart étant de jeunes gens qui n’ont pas beaucoup chassé, ne s’attachent qu’à sonner proprement, ou tout au plus piquent assez bien, tant que leurs chiens chassent rondement & percent; mais si un cerf fait des ruses & de grands retours, ils ne savent plus où ils en sont & ne sçauroient presque aider leurs chiens. Il faut surtout qu’il y ait un bon piqueur à la conduite de la vieille meute & qu’il ne s’y endorme pas. Si le cerf passe à son relais, il doit relayer bien à propos & ne point faire découpler ou donner ses chiens que les trois quarts de la meute ne soient passés avec les piqueurs, pourvu néanmoins que les chiens de meute ne fassent pas une si longue file, mais qu’ils chassent presque tous ensemble, ensuite il fera son possible pour les bien accompagner, pour les bien tenir partout & pour piquer toujours à côté d’eux, afin de les aider dans le change, sans trop les presser, & si le cerf revenoit sur lui-même, de les ramener sur leurs pas pour prendre les voies de retour.

Pour que les chiens tiennent bien les voies, il faut les faire chasser souvent, c’est à-dire, une fois ou deux la semaine; car quand ils sont une sois déroutés, il faut plusieurs chasses pour les remettre en train, & quand ils sont long-tems sans prendre de cerfs, ils perdent courage & ne chassent pas si vigoureusement, ni si sagement que lorsqu’ils sont bien en curée; c’est pourquoi il est nécessaire de les y entretenir.

Lorsqu’un cerf fait un retour, il faut faire revenir les chiens sur les mêmes voies qu’ils l’ont chassé, en leur criant; hourvari hourvari tahau, hourva tahau velecy revari; & si l’on connoît quelques bons chiens, les appeller ainsi par leurs noms, hau miraut hau velecy aller tahau hourvari.

Les piqueurs alors ne doivent point s’écarter, mais revenir sur les mêmes voies aux deux côtés des chiens. Si le retour est long, il faut les faire requêter, en leur parlant toujours dans les termes que j’ai marqués ci-dessus, & sonner en même tems le retour. Les chiens de cette maniere ne manqueront pas de retomber sur les voies du retour, & crieront aussitôt tous ensemble; ce qui forme avec le son du cor une harmonie assez bisarre, mais très-

agréable aux oreilles d’un chasseur. Les piqueurs alors crieront à leurs chiens, ha il s’en va la, tou tou, il s’en reva la ha ha; & sonnant en même tems trois mots, ils répéteront en chassant, il fuit la, chiens, il fuit la ha ha.

Il faut bien remarquer à ce premier retour de quel côté le cerf a tourné, car il est sûr que, si le cerf tourne à droite ou à gauche dès le commencement de la chasse, il prendra le même côté presqu’à tous les retours qu’il fera. Voilà comme les piqueurs peuvent aider les chiens; mais tout dépend d’une grande sagacité & d’avoir souvent l’œil à terre pour revoir du cerf le plus qu’il est possible, soit sur un retour, afin d’y faire tourner les chiens, soit après que le change est bondi.

Lorsqu’un piqueur revoit des fuites du cerf, il doit crier, velecy fuyant il dit vrai vaulecelets, vaulecelets, & lorsqu’il revoit du retour, vaulecy revari vaulecelets, puis sans s’arrêter où il est entré, faire reprendre la voie aux chiens en sonnant trois mots de la trompe.

Quand quelque piqueur voit le cerf, il doit crier tayau tayau, sonner tout de suite quelques fanfarres & attendre les chiens.

Les chiens ayant pris les voies, pour les faire suivre, on leur criera, il s’en va là chiens, il s’en va là ha ha il perce tou tou, & puis l’on sonnera pour chien.

Les cerfs ne manquent jamais de faire beaucoup de ruses, surtout lorsqu’ils ne sont pas trop pressés, comme devant des chiens anglois qui ne vont dans des pays fourrés qu’au trot ou au petit galop & à la file: ce sont ces ruses qu’il faut démêler, & qui donnent souvent beaucoup de peine & aux piqueurs & aux chiens.

On voit des cerfs repasser souvent jusqu’à deux & trois fois sur les mêmes voies, ensorte qu’à la vue de tant de voies, on croiroit avoir le change, ou du moins qu’ils sont accompagnés. En effet, s’ils trouvent le change, ils le font bondir & le poussent devant eux; puis ils le quittent, reviennent sur leurs pas, & ou ils percent & s’éloignent tout de suite, ou quelquefois ils restent sur le ventre un peu écartés du retour qu’ils ont fait.

Lorsque les chiens font connoître aux piqueurs que le change est bondi, ce qu’ils indiquent en portant le nez aux branches & en n’osant presque plus crier: pour les tenir en silence, & afin qu’ils ne s’emportent pas, on leur dit, alai là laila tout bellement. Si l’on voit qu’ils chassent mollement sans crier, c’est une marque que le cerf a donné jusques-là & qu’il revient: alors il faut retourner sur les voies, & l’on retrouvera son retour, ne s’étant éloigné que pour se dérober des chiens. Il faut donc sonner pour faire requêter les chiens; & peut-être qu’étant retombés sur les voies, vous relancerez votre cerf, parce qu’il demeure quelquefois sur le ventre lorsqu’il est au bout de ses ruses. Mais si le cerf perce tout de suite, pendant que les piqueurs démêlent ses retours, il se forlongera d’une heure ou peut-être de deux, & ira même quelquefois jusqu’à l’autre bout d’une forêt; de maniere que, si l’on est alors dans les chaleurs, les chiens ne peuvent pas emporter ses voies. Au reste, il faut toujours faire grande diligence, parce que les cerfs ne perdent point de tems, au lieu que les chiens en perdent beaucoup sur les retours à retrouver les voies, & souvent demeurent en defaut. Le moyen de remédier à cet inconvénient, est d’avoir un bon limier pour reprendre les voies, & de tâcher à relancer le cerf. Car la grande chaleur fait que souvent dans un defaut les chiens se mettent à haleter sous une cépée à l’ombre, & ne se souviennent plus de requêter, quoique les piqueurs fassent leur