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Page:Encyclopedie Planches volume 3.djvu/96

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FAYANCERIE. Contenant douze Planches.


SOus le nom de fayancerie l'on entend l'art de fabriquer des ouvrages faits en terre cuite, couverte d'émail, tels que des plats, assiettes, pots, écuelles, saladiers, jattes, fontaines, &c. & toutes sortes de poteries fines: ce mot vient de l'italien faenza, en latin faventia, & en françois fayance, nom propre d'une ville d'Italie, d'où elle tire son nom, située entre Forli & Incola, sur la riviere d'Ancone, en Romagne, où fut faite la premiere fayance.

La premiere que l'on fit en France fut dans la ville de Nevers, par un italien, qui après avoir conduit & accompagné un duc de Nivernois, apperçut en se promenant la même espece de terre dont on faisoit la fayance en Italie; après l'avoir examinée & trouvée bonne, il en fit préparer & construire un four, dans lequel fut faite notre premiere fayance. On en fait un grand commerce en France & aux environs; celles de Nevers, de Rouen, de Saint-Cloud sont très-belles; celles de Hollande sont au-dessus, non-seulement pour la finesse de la terre, mais encore par celle de la couverte; celles de Delft sont infiniment plus belles que ces dernieres, elles approchent beaucoup de celles de la Chine, qu'on nomme plus ordinairement porcelaines; les plus belles que l'on voye en France sont celles dont on vient d'établir de nouvelles manufactures à Rouen, à Saint-Cloud près Paris, & à Poissy, dont la beauté approche beau-coup de celle de la porcelaine. On voit dans quelques cabinets de curiosités de très-beaux vases de fayance d'une grande rareté & d'un grand prix, peints par Raphael, Jules-Romain, & autres peintres célebres.

La fayancerie se divise en deux sortes; la premiere est la connoissance de la terre qui lui est propre, & la maniere de la préparer; la seconde est l'art d'en fabriquer toutes sortes d'ouvrages au tour & au moule, & la maniere de les enfourner & de les cuire.

De la terre propre à la fayancerie.

La terre propre à la fayancerie est une espece de terre grasse, compacte & pesante, qu'on trouve dans presque tous les lieux de la terre, dont la couleur est d'un gros verd ou bleu tirant sur le jaune, quelquefois rouge; sa qualité est d'être très-fine, de s'amollir, & même de se dissoudre dans l'eau, de faire corps & s'endurcir au four au point de faire feu, lorsqu'elle est frappée par l'acier le plus dur; celle qui tient le milieu entre la glaise & l'argille est la meilleure, étant composée des deux especes, plus ou moins, à proportion qu'elle s'approche de l'une ou de l'autre. C'est aussi pour cette raison que le mélange peut être très-bon: au défaut de l'argille, il y faut mêler du sable fin dont la quantité doit varier, selon que la glaise est plus ou moins grasse, & l'argille en étant lui-même composé, ce qui est très-essentiel pour empêcher la fayance de se fendre.

Il y a une autre espece de terre de couleur brune, beaucoup moins grasse que la précédente, faite moitié de glaise & moitié d'argille ou d'un tiers de sable fin, dont les ouvrages qui en sont faits résistent parfaitement au feu.

Ces différens mélanges demandent beaucoup de précaution; il faut considérer attentivement la nature de la glaise, & y mêler le sable ou l'argille à proportion qu'elle est plus ou moins grasse, observant de ne pas rendre le mélange trop liquide pendant la dissolution, le sable étant plus pesant se déposeroit plus promptement, & se séparant de la terre ne feroit plus corps avec elle.

La terre choisie est apportée des lieux d'où on la tire, on la met tremper avec de l'eau dans des bassins A, voyez la vignette de la premiere Pl. ou en A. fig. 93. faits exprès en terre, assez ordinairement près d'un puits b, même vignette, pour éviter le transport de l'eau; ces bassins peuvent être d'environ cinq à six piés de profondeur, d'une grandeur proportionnée à la quantité d'ouvrages qu'on a à faire, & dont le fond est souvent pavé en brique, tuile, carreau, ou pierre; la terre humectée dans ce bassin pendant plusieurs jours, on l'y délaye avec des pelles & bêches, fig. 78. & 79. bâtons, fig. 90. & autres choses semblables, ensuite un ouvrier en éleve l'eau avec le secours d'un sceau fiché au bout d'un bâton, fig. 85. versant à mesure dans un tamis de crin ou de soie, fig. 82. & 83. dont la finesse dépend de celle de la fayance, tenu & remué à mesure par un autre ouvrier. L'eau chargée de terre traverse le tamis, laisse après elle le plus grossier de la terre, & va se répandre par des rigoles dans des bassins très-grands & étendus d'environ trois à quatre piés de profondeur, soit creusés en terre c c, voyez la même vignette, ou posés dessus, & d d, &c. bordés d'ais ou planches B B, &c. fig. 93. retenus & arrêtés à des pieux C C, & fichés en terre, & dont le fond est pavé en briques, tuiles, carreaux, ou pierres; on la transporte encore par seaux, fig. 84. dans des bacquets, fig. 85. ou poinçons, fig. 86. remplis d'eau. On fait le mélange des especes en quantité raisonnable, on l'y délaye ensuite avec des rames, fig. 81. puis on verse le tout dans le tamis, & le plus fin se répand dans les bassins. Il est beaucoup mieux de passer la terre séparément dans les vaisseaux, faire ensuite le mélange, & jetter le tout ensemble dans les bassins. L'eau ainsi chargée de terre ayant séjourné quelques jours se décharge, & tandis que la terre se dépose au fond des bassins, l'eau qui reste au-dessus devient claire, s'évapore ou se décharge dans les terres, ou mieux encore par des canaux D D même figure, pratiqués sur les bords des bassins au dessus de l'endroit où se doit faire le dépôt; on ouvre ces canaux par le moyen d'une petite vanne E, l'eau s'écoule & la terre reste & se seche alors plus promptement. Devenue molle à-peu-près comme la boue, on l'enleve avec la palette, fig. 87. & le bâton, fig. 88. & on la met dans des terrines à plat, fig. 89. & autres vaisseaux défectueux & de rebut, après y avoir répandu un peu de sable au fond pour l'empêcher de s'y attacher, on les arrange à mesure autour des bassins, & lorsqu'il y en a une certaine quantité, on les laisse ainsi sécher à l'air les beaux jours, ou dans l'attelier sur des planches, posés dans des cases ou rayons faits exprès, voyez la vignette de la II. Pl. & en hiver autour du four ou d'un poële, & cela pour en faire évaporer promptement l'humidité. Ainsi sechée on la transporre ou on l'étend sur une surface plane & bien mince en b, seconde vignette, pour la fouler aux piés à différentes reprises, jusqu'à ce qu'elle soit bien liante; on la met ensuite en masse plate d'environ un pié cube qu'on met en pile en c c, pour s'en servir au besoin, ou deux ou trois mois après, s'il est possible, ce qui la rend encore infiniment meilleure.

De la maniere de fabriquer les ouvrages avant que de les mettre au four.

Les ouvrages se divisent en deux especes, les uns tournassés & les autres moulés. Les premiers étant ronds se font sur le tour; les autres ovales, demi-ovales, barelongs, guillochés, échancrés, triangulaires, à pans, & de toutes sortes de formes, ainsi que les figures, vases, & autres ornemens à l'usage des poëles, & autres choses semblables, ne pouvant être mis sur le tour, se font dans des moules en plâtre faits exprès, & dans la forme convenable aux ouvrages.

La premiere se fait ainsi: la terre préparée, l'ouvrier la dispose en mottes de grosseur proportionnée aux ouvrages qu'il veut faire, qu'il manie & remanie plusieurs fois pour leur donner la consistence propre à prendre