Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/374

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galeries sous terre, ainsi qu’il est d’usage de le faire dans les mines?

Réponse.

Pour avoir une idée plus parfaite de la maniere dont se fait l’exploitation des carrieres d’ardoises, il faut examiner le plan ci-joint d’une de ces carrieres, appartenante au sieur Sarthe, & dite de Bouillon, ainsi que les différentes coupes faites sur sa longueur & largeur; cette carriere est à l’extrémité du fauxbourg S. Michel d’Angers, & est en exploitation depuis près de huit ans.

Le terrein dont on a disposé pour l’ouverture de cette carriere, peut être considéré comme un carré dont les côtés sont d’environ quarante toises de longueur; on en a d’abord enlevé la terre à la superficie jusqu’à ce qu’ayant déblayé les deux cosses dont on a parlé ci-dessus, on ait rencontré le franc-quartier qui a commencé à douze ou quinze piés de profondeur; alors on a formé dans le milieu de l’emplacement une tranchée de neuf piés de profondeur, d’après laquelle on a enlevé tout le rocher dans l’espace déterminé pour la superficie de la carriere.

Cette premiere épaisseur du rocher déblayée sur toute la superficie de la carriere, & neuf piés de profondeur, se nomme foncée; le travail s’est continué suivant le même ordre, & toujours par foncée, observant essentiellement que la paroi du côté du nord où toutes les couches se trouvent dans leur plus grand désavantage, par leur inclinaison naturelle du pié vers le nord & du sommet vers le midi, ou le centre de la carriere, fût formé par gradins ou banquettes, pour prévenir le devers ou écroulement desdites couches; que l’autre paroi du côté du midi fût taillée en talut, suivant l’inclinaison des couches, qui par conséquent n’ont pas besoin d’être garanties par aucunes banquettes, comme étant dans leur position naturelle, & que les deux du levant & du couchant que l’on nomme les chefs de la carriere, fussent presqu’à plomb, ou du moins n’eussent sur toute leur hauteur que des retraites d’environ deux pouces, de neuf piés en neuf piés, lesquelles annoncent chaque foncée.

Sur la paroi élevée à plomb du côté du couchant, qui est le principal chef de la carriere, on a construit un mur de quinze à dix-huit piés d’épaisseur, à pierre seche, jusqu’au niveau du terrein supérieur, c’est-à-dire environ vingt piés de hauteur, assuré par des tirans & sablieres à leurs extrémités traversant le corps de la maçonnerie, & retenus dans le derriere; sur ce mur sont établies cinq machines propres à l’enlevement des eaux & de l’ardoise du fond de la carriere, lesquelles couvertes d’un hangard, sont composées d’un tambour, d’une lanterne, & d’une roue de champ adaptée à un treuil vertical tournant sur un pivot à l’aide d’un bras de levier que fait mouvoir circulairement un cheval; sur le tambour est un cable, aux extrémités duquel sont deux fortes caisses de bois de trois piés & demi de longueur, & dix à douze pouces de profondeur, qui descendent & remontent alternativement par le moyen du cable roulé à contre-sens sur le treuil, lorsqu’il est question d’épuiser ou substituer des seaux aux caisses. Une partie de ces machines fait saillie sur le chef de la carriere, au moyen d’une galerie à hauteur d’appui, laquelle est soutenue en-dessous par des pieces de bois saillantes déchargées par des liens ou contre-fiches, dont le pié est encastré dans le mur à pierre seche du chef de la carriere.

Si l’on fait attention à ce qui a été dit ci-dessus, l’on sentira à merveille qu’il est indispensable d’établir les chefs de carrieres sur les parois du levant ou du couchant, puisque par la position naturelle & inclinée des bancs d’ardoises, ils sont les seuls sur lesquels on puisse le faire en sureté, car sur la paroi du nord on chargeroit les banquettes à leur désavantage, & celui du midi formé en talut suivant l’inclinaison même du banc, ne permettroit pas même d’y établir aucune manœuvre perpendiculaire: quoique cette attention dans le travail paroisle fort naturelle, & si simple, que la seule pratique auroit dû donner aux ouvriers toute l’intelligence nécessaire à cet égard, il vient néanmoins d’arriver récemment dans une de ces carrieres un éboullement très-considérable, occasionné par le seul établissement des chefs sur la paroi du nord; il est donc très-certain que c’est de la position & de la solidité de ces chefs que dépend l’exploitation des carrieres, & que vû la disposition & la nature des bancs de l’ardoise, elle ne paroît pas susceptible d’être exploitée par des galeries, comme les mines de charbon de terre & autres.

Cinquieme Question.

Quelle est la plus grande profondeur actuelle des ardoisieres? L’ardoise qu’on y trouve differe-t elle essentiellement en couleur & en solidité de l’ardoise supérieure?

Réponse.

Les carrieres sont plus ou moins profondes, cela dépend de la qualité du rocher, ou des événemens, qui peuvent en causer la ruine. La plus profonde actuellement en exploltation est à Trelazé, elle a vingt-quatre foncées, c’est-à-dire 216 piés de profondeur; une carriere d’ardoise ne passe jamais trente foncées, ou 270 piés; son exploitation peut durer environ vingt ans.

L’ardoise supérieure differe en couleur & en solidité de celle qui se tire à une certaine profondeur, qui est alors plus solide, sonore, & communément d’une couleur bleuâtre, que l’on dit noire; la plus parfaite étant fabriquée doit être unie & sans tache, elle se nomme dans le pays quarrée forte, elle provient des francs-quartiers, qui sont assez bas dans la carriere, & assez denses pour ne recevoir aucune impression de l’eau des pluies ou des sucs des matieres étrangeres qui forment les taches de la différence de la couleur; car l’ardoise étant, comme on l’a dit ci-dessus, composée d’une matiere poreuse, & disposée par feuillets ou couches, divisible à l’infini, il est aisé de concevoir que les blocs du sommet de la carriere sujets à être humectés par l’eau des pluies, qui charie des parties minérales & métalliques doivent être susceptibles de différentes nuances ou couleurs, suivant la quantité des parties qui les pénetrent.

Les parties ferrugineuses impriment sur l’ardoise une couleur rougeâtre qui tient de la rouille, les mines de cuivre ou de soufre lui donnent une nuance jaune ou dorée; la couleur verdâtre qu’elle a quelquefois semble ne provenir que de l’eau pure ou des parties vitrioliques qui s’y rencontrent; ce n’est qu’à environ 150 piés de profondeur que les eaux des pluies & des fontaines s’étant purifiées des parties étrangeres qu’elles charioient, & les blocs ayant acquis la densité nécessaire pour n’admettre aucune partie étrangere, elles ne font plus d’impression sur l’ardoise, si ce n’est à la surface ou dans les délits des différens blocs, car dans l’intérieur elle conserve sa couleur spécifique, d’où l’on peut conclure avec raison que plus les carrieres sont profondes, plus l’ardoise est abondante, & plus elle augmente de qualité & de beauté.

Sixieme Question.

A-t-on trouvé le fond de quelques-unes de ces carrieres près d’Angers, c’est-à-dire un terme, passé lequel on n’a plus obtenu d’ardoise, mais une matiere qui servoit de base à l’ardoiserie? Quelle est cette matiere?

Réponse.

On n’a jamais trouvé le fond d’une carriere près d’Angers, on est seulement convaincu par l’expérience, que plus elles sont profondes, plus la matiere en est belle, ainsi qu’on vient de le dire.

On a vû ci-dessus que les plus profondes carrieres d’Anjou sont de 270 piés; l’expérience n’a point encore indiqué les moyens de passer ce terme; l’abondance des eaux qui se réunissent nécessairement dans le fond de ces carrieres, terminées en forme de cône renversé, ou plutôt de pyramide tronquée, le danger auquel sont