exposés les ouvriers par la crainte de l’éboullement des parois verticales & de celle en banquettes, vû le mélange des différentes matieres sans consistance, qui se trouvent sur une si grande hauteur; le peu de superficie du fond à-moins que l’on ne prît un espace considérable dans le haut, qui chargeroit d’autant plus les parties du bas par les saillies des banquettes, & enfin les dépenses excessives, qui augmentent à proportion des forces redoublées qu’il faut employer pour l’enlevement des eaux & des matieres, paroissent autant d’obstacles insurmontables pour descendre à une plus grande profondeur.
Septieme Question.
A quelle profondeur a-t-on communément de l’ardoise qui soit de bon service?
Réponse.
On ne trouve communément la bonne ardoise qu’après la cinquieme ou sixieme foncée, c’est-à-dire dont les quartiers soient francs & plus abondans.
Toutes les carrieres ne produisent pas, comme on l’a dit, en-dessus de la bonne ardoise à une même profondeur, cette fertilité dépend de la qualité & de la propriété du rocher, & des hasards qui se rencontrent dans son exploitation.
Huitieme Question.
L’ardoise est elle aussi dure en sortant de la carriere, que lorsqu’elle a été quelque tems exposée à l’air, & donne-t-elle alors un son aussi net lorsqu’on l’a frappée avec une clé, ou tout autre instrument de fer?
Réponse.
Les blocs ou francs-quartiers sont durs & sonores en sortant de la carriere, les ouvriers affectent de les annoncer pour flatter les entrepreneurs en la frappant avec leur marteau sitôt qu’ils les ont fendus; le son qu’ils rendent instruit les travailleurs du haut, qui en frappant de même avec leurs outils sur les quartiers qu’ils débitent, prouvent ainsi que le quartier est franc, donne un son très-net en sortant de la carriere, & doit produire de bonne ardoise.
La gelée produit un effet singulier sur l’ardoise, la surface des bancs gele dans le fond des carrieres par un grand froid, celle des blocs sortis des carrieres gele sur l’attelier par un froid médiocre; tant que ces blocs restent dans un état de gelée ils se fendent bien plus facilement que dans leur état naturel; ceux même qui sont aigres ou mêlés de corps étrangers, & qui dans le travail ordinaire offrent plus de difficultés, se fendent aisément pendant la gelée.
Si le soleil ou quelque vent austral passent sur ces blocs, ils sont dégelés à l’instant, & perdent non-seulement la nouvelle propriété qu’ils avoient acquise, mais encore celle qui leur étoit naturelle, le franc-quartier ne peut plus se fendre, l’ardoise aigre est tout-à-fait intraitable, l’un & l’autre résistent au ciseau & ne forment plus qu’un seul corps non divisible.
Si la gelée continue, ces blocs ne sont pas perdus, l’ouvrier les expose au plus grand froid de la nuit, il les reprend au matin, ils ont alors les qualités qu’ils sembloient avoir perdues par le dégel; mais s’ils ont été gelés & degelés pendant quatre ou cinq jours sans interruption, ils perdent absolument toute leur qualité, & l’on est enfin obligé de les rebuter.
Ne pourroit-on pas attribuer ces effets à l’action de l’air, qui remplissant, avec une infinité de parties aqueuses les couches de l’ardoise, les serre par sa propre élasticité, comme par autant de ressorts, les unes contre les autres, mais qui se condense par le froid extérieur qui le comprime de toutes parts, se reunit avec les parties humides au centre des couches, où par un effet tout méchanique, il en doit rendre la séparation beaucoup plus facile? Si dans cet état la cause du froid diminue, l’air devenant moins dense reprend sa situation premiere, l’humide radical est chassé du centre à la circonférence, & l’ardoise est moins aisée à se fendre qu’avant la gelée; si ces deux effets contraires ont successivement lieu pendant plusieurs jours, les couches deviennent de nécessité tellement adhérentes par l’expulsion répétée de l’humide radical & de l’air intérieur, dont le ressort doit s’anéantir à proportion, qu’elles sont, pour-ainsi-dire, indivisibles, aigres & intraitables dans la fente, ainsi que l’expérience le confirme.
Neuvieme Question.
Les bancs d’ardoise ont-ils été quelquefois interrompus par d’autres bancs ou lits de pierre, de gravier, de sable, d’argille? Ces bancs ayant été enlevés a-t-on trouvé en contre-bas de l’ardoise nouvelle?
Réponse.
Les bancs de matieres étrangeres qui divisent les bancs d’ardoise, sont les feuilletis, les chats & les torreins; on y remarque aussi de petites couches d’argille mêlées de graviers & de parties métalliques, ainsi que des filons d’une terre noire semblable au charbon de terre. Toutes les couches de ces matieres sont paralleles aux bancs d’ardoise, dont elles suivent l’inclinaison & la direction. Entrons dans le détail de ces différentes matieres.
Les feuilletis sont de la nature du franc-quartier, mais ils n’ont ni solidité ni qualité essentielle; le feuillet qui les compose, est si friable, qu’il se sépare sans peine & se brise en tombant; ses couches sont paralleles & dans la même direction que celles du franc-quartier, elles ont depuis un pié jusqu’à quatre piés d’épaisseur, & les divisent accidentellement.
Les chats sont un amas de petits corps durs liés ensemble, & de la nature du caillou blanc, dans lesquels se rencontrent des parties de crystal de roche; ils forment des couches ou espece de cordes paralleles aux bancs d’ardoise dont les plus gros ayant environ deux piés d’épaisseur, nourrissent des rameaux qui pénetrent & divisent l’ardoise en tous sens & la rendent aigre & intraitable.
Les torreins sont bien moins communs que les feuilletis & les chats, mais ils sont beaucoup plus étendus & constans; ils suivent la direction des bancs d’ardoise & leur inclinaison, ils sont composés d’un amas de matieres étrangeres, dont la base est une espece de gros sable ou gravier très-fortement lié avec toutes les autres matieres étrangeres, telles que des parties de chats, de feuilletis, d’argille & d’ardoise, qui jettées comme au hasard, perdent dans cet assemblage leur position premiere, & n’ont plus entre elles la même direction qu’elles ont dans les carrieres, lorsqu’elles y sont posées séparément. Les petites couches d’ardoise accidentelles y deviennent, par exemple, quelquefois horizontales.
Les couches d’argille ou de terre mêlées de gravier & différentes parties métalliques forment une espece de lit à l’ardoise; elles n’ont communément que huit à dix pouces d’épaisseur, & suivent la direction des bancs dont elles remplissent les délits; conséquemment avec la même inclinaison au nord, elles ne produisent d’autre inconvénient que d’humecter les parties qui les resserrent, & de leur imprimer une couleur rougeâtre. Quelquefois on rencontre dans l’intérieur des blocs des cavités d’un pié environ de diametre, remplies d’une glaise pure & légere que l’on juge n’être qu’un sédimeut des eaux & l’effet des filtrations.
Les filons de terre noire semblable au charbon de terre, ont à-peu-près les mêmes qualités & positions que les couches d’argille dont on vient de parler; mais on n’y reconnoît aucune qualité relative au charbon de terre. On a essayé de cette matiere à la forge échauffée par le feu; elle rend à la vérité une foible odeur sulfureuse, mais ne s’embrase point, & se réduit en poussiere.
Dixieme Question.
Le feuillet de l’ardoise s’apperçoit-il dans les coupes