Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/167

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— On me dit les effets des gaz toxiques qui brûlent même à travers les vêtements, qui empoisonnent une fois sur deux les vivres apportés aux tranchées (et qu’on est alors obligé de jeter en route), ces gaz dont les atteintes ne pardonnent pas, même après de longues rémissions… Alors, on se rend compte, en écoutant, qu’on ignore la guerre et que le futur récit de ses horreurs devrait en rendre le retour impossible.

— Troisième emprunt, lancé cette fois par Klotz. Chaque établissement financier y va de son affiche. Un concours. On voit la paysanne qui tient le fusil du soldat-laboureur. Le soldat qui plante le drapeau de la liberté sur le globe. Une chaîne d’écussons aux armes des provinces. Une furieuse harka. La statue de la Liberté à demi submergée. Le bon tirailleur algérien qui engage sa smala à souscrire « pour hâter son retour et la victoire ». Enfin la mère qui étreint son enfant au berceau : « Souscrivez pour qu’il ne connaisse pas les horreurs de la guerre. » Ainsi cette gribouillade s’étale, illustrée, sur les murs. Mais, nom de Dieu ! il faudrait aussi représenter la mère dont le fils est soldat. Celle-là, on va lui tuer son enfant tout de suite.

— Clemenceau lut le 20 sa déclaration. Comme éloquence chauvine, Viviani faisait mieux. L’affreux, c’est cet idéal attardé qui nous perdra, c’est cette basse vue de vieillard, la foi unique dans les armes, ce but inconsistant « être vainqueur », le mépris des autres influences en jeu dans cette guerre nouvelle, le dédain de la Société des Nations, de l’espoir de la « dernière guerre », de tout ce qui pourrait soutenir la douloureuse résignation des masses. Seuls, les socialistes se cabrent. Le reste applaudit : « Enfin, on a un maître ! » Une révélation, en cours de la séance : le don oratoire d’un jeune député, Pierre Forgeot.