Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/27

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L’un d’eux, qui ne l’a pas reconnue, dit sa haine des Allemands avec d’effroyables jurons. La reine, collet monté, a un recul. Il s’y méprend : « Oh ! pardon, Madame, vous êtes peut-être Allemande ? »

— Notre année 1916 apparaîtra sans doute comme le Directoire : une détente des mœurs, une expansion de plaisir, avec ceci de particulier que cette fois la bamboche se sera installée dans la crise même, au lieu de lui succéder. Sans doute nos petits-enfants symboliseront-ils l’époque en quelques silhouettes de femmes en jupe courte, d’éphèbes en veston pincé, de même que la Merveilleuse et l’Incroyable symbolisaient pour nous le Directoire.

Ce qui est plus vrai, plus profond, c’est l’intensité de la dépense, un accroissement de l’adultère, dont des sondages dans les milieux populaires rapportent la preuve certaine.

On me dit qu’en particulier à Rouen, c’est la fête, le délire. Certains auteurs, comme Paul Adam, approuvent cette exubérance de vie et demandent qu’on respecte les bénéfices de guerre. Ils y voient le gage de l’essor futur, et font luire aussi la promesse des milliards exigés des Allemands… D’autres, au contraire, blâment le retour aux insolentes habitudes du luxe. Il y a un nouveau cri : « Ne nous installons pas dans la guerre ! » Mais je doute qu’il fasse fortune.

— Il sera bien intéressant de publier après la guerre tous les articles échoppés par la censure. On verra apparaître la face, jusqu’alors voilée, de la raison. On verra l’effort continu de cacher à la foule l’horreur de la guerre, de l’entretenir dans la croyance à la nécessité d’une guerre longue.

Voici un exemple de chacune de ces directives. On a coupé ces phrases d’un article de journal : « …pas un Français, même le plus sincèrement épris de paix, n’accepterait que le Nord de la France, la