devant la Chambre. Je lui répète l’opinion de Bouttieaux sur le repli. Il approuve et reprend l’exemple coûteux de la réoccupation de Douaumont. Mi en boutade, mi sérieusement, je lui dis que je ne souhaite pas son retour au pouvoir, puisqu’il veut une guerre longue. À quoi il répond « que pour avoir la paix dans trois mois, il faut dire que la guerre durera dix-huit mois ».
— À minuit, on me téléphone la démission de Lyautey, son singulier discours, l’indignation des Gauches. Déjà le bruit court qu’il s’agit d’un coup monté par Briand pour préparer un remaniement. Mais non : ledit Briand a chargé Étienne de ramener Lyautey. On s’étonne d’autant plus de ce coup de tête — sinon d’État — que l’accord était fait entre Nivelle et Lyautey sur une offensive prochaine.
— Le 15. On était sans nouvelles de Russie depuis le 11. À peine quelques dépêches indiquaient-elles des troubles. Et ce soir on me dit, d’après les Affaires Étrangères, que le tsar a abdiqué, qu’il est remplacé par son cousin Dimitri Paulovitch, l’assassin de Raspoutine, germanophobe avéré, qui va anéantir tous les germanophiles.
— La nuit du 15 au 16, ces nouvelles courent sur les fils téléphoniques : le tsar assassiné, ou en marche sur Petrograd, le grand-duc Paul régent. Les journaux du matin du 16 sont magnifiquement muets.
— Le 16. La démission de Lyautey reste singulière. Il aurait lu son discours au Conseil des Ministres. On l’aurait adopté, sauf des retouches, qu’il ne fit pas. Mais il ne l’a pas lu en entier devant la Chambre. Les clameurs éclatèrent sur un malentendu. En réalité, Lyautey voulait s’en aller. Il était, disait-il, dans un bourbier. Son désir se serait cristallisé sous les huées.
Tristan Bernard prétend que se tramait un com-