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Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/78

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Ah ! Comme la guerre est contraire à la notion d’une démocratie, d’un peuple-roi.

— Le 13. Visite de Bouttieaux arrivant de Fismes. Il est certain que les Allemands se replient sur le front qu’il occupe. Ils bombardent Fismes de 20 kilomètres pour donner l’illusion de leur présence. Une note du G. Q. G. tire enseignement du repli devant les Anglais : villages brûlés, routes coupées ; certains abris intacts sont munis d’un explosif qu’on déclenche en déplaçant quelque objet, casque ou planche.

Bouttieaux estime cette opération du repli fâcheuse pour nous. Il faut faire avancer l’artillerie dans un terrain saccagé, repéré par l’ennemi, rétablir les plates-formes, reprendre le repérage d’obstacles ignorés, perdre tout le bénéfice des préparatifs passés. Et l’unanimité des journaux baptise ce recul : victoire.

— Le 14. Déjeuner « Shakespeare ». Gémier, Rosny aîné, général Ferry, l’Anglais Thomas Barclay, l’Américain Prince, le député Jean Hennessy, etc.

Je demande à Rosny si pour lui, qui avait foi dans le progrès, cette guerre n’est pas une faillite. Énorme faillite, répond-il. Mais l’humanité s’en consolera. Et les parents des morts ? dis-je. Réponse : la masse est si bête qu’elle accepte des sacrifices au nom de la Patrie ; et les intellectuels sont insensibles. Tant pis pour ceux qui ne rentrent pas dans ces deux catégories.

Hennessy déplore qu’on ne prépare pas le détail de la paix. Pourquoi, lui dis-je, les milieux financiers ne s’émeuvent-ils pas davantage d’une banqueroute possible ? Parce que le Moratorium a paralysé les banques, qui restent en torpeur.

Painlevé arrive au dessert. Nous partons ensemble. Nous causons en auto et nous « faisons salon »