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Histoire d’un paysan.

Marguerite, au centre en robe claire et panier sur le dos, est appuyée contre un muret longeant le chemin vers le village, visible au loin. Son sac repose sur le muret. À droite, Michel est assis sur le muret, vêtements et chapeau sombres. Les deux se regardent.
Michel Bastien et Marguerite Chauvel.

fameuse idée, maître Jean ! et qu’on a malheureusement négligée dans d’autres endroits. Qu’est-ce qu’un député qui n’est surveillé par personne, et qui peut vendre sa voix impunément, en se moquant encore de ceux qui l’ont envoyé ? car il est devenu riche et les autres sont restés pauvres ; il est défendu par le pouvoir qui l’achète, et ses commettants restent avec leur bon droit, sans appui ni recours ! Le parti que vient de prendre la commune de Paris devra nous profiter ; c’est un des articles à mettre en tête de la constitution : il faut que les électeurs puissent casser, poursuivre et faire condamner tout député qui trahit son mandat, comme on condamne celui qui abuse d’une procuration ! Jusque-là, tout est au petit bonheur.

Enfin, cette décision m’a fait plaisir ; et maintenant, je continue.

Outre ma joie de voir ce grand mouvement, j’avais encore la satisfaction de reconnaître que les gens ici savent très-bien ce qu’ils veulent et ce qu’ils font. J’allais, le soir, après souper, au Palais-Royal, que le duc d’Orléans laisse ouvert à tout le monde. Ce duc est un débauché ; mais au moins, ce n’est pas un hypocrite ; après avoir passé la nuit au cabaret ou bien ailleurs, il ne va pas entendre la messe et se faire donner l’absolution, pour recommencer le lendemain. On le dit ami de Sieyès et de Mirabeau. Quelques-uns lui reprochent d’avoir attiré dans Paris des quantités de gueux, chargés de piller et de saccager la ville ; c’est difficile à croire, parce que les gueux arrivent tout