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Histoire d’un paysan.

On attendait. (Page 230.)
On attendait. (Page 230.)

la main, Chauvel et moi nous sommes amis ; bien des fois j’ai dîné chez lui, dans son petit logement de la rue du Bouloi ; votre fiancée est une bonne patriote ; voici ce qu’elle m’a chargé de vous remettre. »

Il sortit une lettre qu’il avait dans sa poche et me la donna. J’étais tellement heureux, que je ne savais quoi lui dire pour le remercier ; lui me regardait avec ses yeux vifs.

« Vous n’êtes donc que simple volontaire ? me dit-il au bout d’un instant. Chauvel m’avait assuré que vous ne manquez pas d’instruction ; comment n’avez-vous pas été nommé sergent ou officier ? »

Alors je devins tout rouge :

« Si j’avais voulu, lui dis-je, ceux de mon village m’auraient nommé sergent, mais les

anciens doivent passer avant nous ; ils connaissent la guerre et nous conduiront mieux au feu ; voilà mon idée, commandant.

— Ah ! ah ! fit-il, vous avez refusé ?

— Oui. Je ne veux pas rester soldat, ce n’est pas mon métier. Je suis parti pour défendre la liberté, et quand la liberté sera sauvée, eh bien, je retournerai tranquillement au pays, reprendre mon état de forgeron et tâcher de devenir un bon père de famille. Je ne demande pas autre chose. »

En m’écoutant il se mit à sourire et dit :

« À la bonne heure !… Chauvel vous estime, je vois qu’il a raison. Nous allons repasser à Phalsbourg ; je lui raconterai notre petite entrevue. Allons, mon ami, vous devez être impatient

de lire la lettre de votre fiancée ; au revoir ! »