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Histoire d’un paysan.

Des paysans en train de moissonner. Au loin le village. Deux moines sur une charrette pleine à droite. À gauche des gerbes alignées. Devant la charrette un homme bien habillé désigne une gerbe, qu’un second homme saisit avec une grande perche.
Le paulier venait lentement vous accrocher les plus belles. (Page 27.)

leurs vie et mœurs, lorsqu’on les installe dans leurs fonctions, qu’on confie à leur périlleuse parole la fortune, l’honneur, quelquefois la vie des gens. Dis-lui qu’il appartient à sa dignité de porter ces justes réclamations au pied du trône, et de faire relâcher un malheureux traîné en prison, parce que les gabeloux ont trouvé chez lui quatre livres de sel… Va… va… tu seras bien reçu, Christophe !

— Mais au nom du ciel, lui dit maître Jean, que t’est-il donc arrivé ? »

Alors il s’arrêta deux minutes et dit :

« J’étais allé là, pour me plaindre d’une visite générale que les employés de la gabelle ont faite hier à onze heures du soir, dans mon village, et de l’arrestation d’un de mes paroissiens, Jacob Baumgarten. C’était mon devoir.

Je pensais qu’un cardinal comprendrait cela, qu’il aurait pitié d’un malheureux père de six enfants, dont tout le crime est d’avoir acheté quelques livres de sel de contrebande, et qu’il le ferait relâcher ! Eh bien, d’abord il m’a fallu rester deux heures à la porte de ce magnifique château, où les capucins entraient comme chez eux. Ils allaient complimenter monseigneur sur l’heureux changement de Necker. Et puis, on m’a permis d’entrer dans cette Babylone, où l’orgueil de la soie, de l’or et des pierres se montre partout, dans la peinture et dans le reste ! Enfin on m’a laissé là depuis onze heures du matin jusqu’a cinq heures du soir, avec deux pauvres curés de la montagne. Nous entendions rire les laquais. Nous en voyions de temps en temps un grand, habillé de rouge,