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Histoire d’un paysan.

Marguerite est assise sur un banc cotre le mur de sa maison, sa bêche posée sur les genoux. À ses pieds un panier. De l’autre côté du muret, Michel a le coude posé sur le muret et regarde vers l’extérieur de l’image. Marguerite regarde Michel et a la main posée sur son coude.
« Mais tu n’es pas raisonnable, Michel toute peine mérite salaire. » (Page 69.)

jamais on n’aurait cru que maître Jean traiterait aussi bien de simples notables ; mais cet homme économe et laborieux, dans les grandes occasions ne regardait pas à la dépense ; et quelle plus grande occasion pouvait-il avoir de s’attirer l’estime du pays, que de bien traiter ceux qui l’avaient fait nommer au bailliage avec son ami Chauvel. Tous les bons bourgeois de mon temps ont fait de même ; c’était le meilleur moyen de conserver l’ordre. Ils avaient le bon sens de se mettre à la tête du peuple ; et quand leurs fils, par orgueil, par avarice et par bêtise, ont voulu s’en séparer, pour devenir des espèces de faux nobles, ils ont travaillé pour d’autres plus malins qu’eux. C’est notre histoire en quatre mots !

Cependant les vieux, réunis près de la fe-

nêtre,

s’étaient remis à causer des affaires du bailliage, et chaque fois qu’un notable entrait, on recommençait à crier :

« Hé ! Pletche !… hé ! Rigaud !… par ici ! Comment ça va-t-il ? »

Valentin, derrière, riait en me regardant. Mais son enthousiasme pour le roi, la reine et les autorités d’en haut ne l’empêchait pas d’aimer le bon vin, les saucisses et le jambon. L’idée d’une fête pareille lui paraissait tout de même agréable, et son long nez se tournait avec complaisance du côté de la cuisine.

Finalement, sur le coup de midi, Nicole vint me dire d’appeler Chauvel, et je sortais, lorsqu’il arriva tranquillement avec Marguerite. Tous les autres criaient :

« Le voilà !… le voilà ! »