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Histoire d’un paysan.

Au premier plan Marguerite en train de bêcher. Juste derrière elle un arbre et, plus loin, une maison. Caché derrière un bosquet à côté de l’arbre, Michel observe Marguerite.
Et son sabot poussait la bêche, en faisant craquer les racines. (Page 66.)

tentement, et, posant ses deux mains sur les épaules du père :

« Ah ! mon pauvre Jean-Pierre, que je suis content de te voir ! s’écria-t-il. Comme tout me revient quand je te regarde !

— Oui, faisait mon père, les larmes aux yeux, le bon temps de la milice, n’est-ce pas, Jean ? J’y pense aussi quelquefois, il ne reviendra plus. »

Mais Létumier, son tricorne sur l’oreille et son grand habit couleur canelle pendant sur ses cuisses maigres, avec son gilet rouge à boutons d’acier, qui sonnaient comme des cymbales, se mit à crier :

« Il est déjà revenu, Jean-Pierre ; nous avons tous gagné à la milice avant-hier, le pays a gagné ! vive la joie ! »

Il levait son tricorne jusqu’au plafond ; et les autres riaient de voir les bouteilles rangées à la file, leur cœur en sautait de joie ; chacun dans le cercle se retournait de temps en temps comme pour se moucher, et comptait les bouteilles du coin de l’œil.

Au fond de la salle, la porte de la cuisine était ouverte ; on voyait le feu rouge monter sur l’âtre, les deux gigots tourner lentement à la broche, la graisse tomber en sifflant dans la lèchefrite ; la mère Catherine en grand bonnet blanc, les manches de chemise retroussées, aller et venir, un plat ou bien une tarte sur son tablier ; et Nicole, avec sa grande fourchette de fer, retourner les viandes dans les marmites, ou secouer dans un coin le panier à salade. — La bonne odeur entrait partout ;